Synopsis
C’est quoi la sincérité aujourd’hui ?
Bases
Extrait
Sincère ? veut interroger le comportement humain dans ce qu’il a de plus évident et de plus caché à la fois. Comment ment-on, pourquoi fait-on semblant, quand, où, avec qui pense-t-on dire la vérité. On parle de vérité, de sincérité tout le temps. Est-ce que j’ai l’air sincère, là, quand je vous parle ? Tout le monde prétend, croit, se leurre. Qui suis-je, et qui je veux être. Comment je me comporte et à qui je veux plaire. Des jeux, des jeux, des jeux. Des pirouettes.
Mais pour cacher quoi ? Est-il possible d’être sincère tout le temps ?
La vie idéale, le physique idéal, les amis idéaux, le couple idéal, ce qu’on risque finalement tous de prendre à un moment ou à un autre pour la réalité.
Ils sont quatre, dans un espace temps singulier, étrange et simple. Ils cousent des peluches, comme ils cousent des mots, pour essayer d’être sincère, de comprendre la sincérité. En creux, chacun, avec ses propres contradictions, a une bataille à livrer, bataille avec lui-même, avec les autres, pour apprendre à se mentir honnêtement, à ne plus se mentir du tout, ou à s’épier continuellement, ou encore à se connaître, un tout petit peu mieux... Peut-être.
Par la Cie Le Dahu.
« La démocratie européenne sera le règne des comédiens, et le temps vient oùles individus n'auront plus d'autre nature que le rôle que des metteurs en scène dessineront pour eux. »Nietzsche
Sincère ? est un projet composite qui interroge la sincérité dans notre vie quotidienne : sincérité avec nous-même, dans les relations sociales ou dans les représentations médiatiques.
Tenter de définir la sincérité mène directement à évoquer sa dualité et à tenter de déchiffrer le rapport complexe entre sincérité et vérité.
Subjectivement, la sincérité serait la volonté de vérité en soi, mais la sincérité peut aussi être absolument fausse. Souvent, on se méconnaît soi-même ou bien on se retrouve, sans en avoir conscience, dans une situation d’aliénation.
En condensé " Ce qui probablement fausse tout dans la vie c’est qu’on est convaincu de dire la vérité parce qu’on dit ce qu’on pense. " (Sacha Guitry)
D’autre part, le contexte dans lequel nous percevons la notion de sincérité, est un terrain confus. Par exemple, lieu d’expression de désirs collectifs, la politique semble se rapprocher de l’art de l’acteur, c'est-à-dire d’une certaine capacité à déployer de la sincéritéau coeur de l’illusion. Sur cette veine, les hommes et femmes politiques flirtent souvent entre véritéet mensonge.
Symétrie de ces imbrications contraires entre illusion, vérité, mensonge et sincérité, l’environnement médiatique véhicule lui aussi sa part d’ambiguïté.
‘Dire la vérité’, ‘être sincère’, ‘mensonge’ sont des concepts récurrents des romans, séries TV, films, magazines, journaux.
Ces mots constituent la part du drame, une exaltation nécessaire des émotions pour épicer un peu le menu quotidien. Ils transbahutent leur lot journalier de morale populaire et proposent des schémas comportementaux de vie en sociétés ous l’égide du modèle capitaliste. Ils fournissent àtous ceux qui le veulent des modèles pratiques de pensées, de modes de vie et de personnalités.
Mais il y a le jeu, et la distance.
Et justement, le théâtre, lieu où on « fait semblant », où on « représente », fait se côtoyer illusion et réalité et propose cet intervalle nécessaire pour s’approcher d’une sincérité tangible.
Les acteurs, souvent appelés « menteurs », doivent croire àla fable qu’ils jouent avec autant de sincérité possible. Et, tout comme eux, nous n’avons pas d’autre moyen que d’apprendre à bien « jouer » notre vie ; mais faut-il pour autant « croire à notre fable » ?
Les émotions ne peuvent s’exprimer que par des codes communs à tous, par des expressions telles que pleurs, rires, colère, et par des mots. Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’utiliser ce langage, de le « jouer » pour nous faire comprendre. Cependant, la représentation permet justement d’interroger et de dépassionner notre rapport àla sincéritéet àla véritédans la vie quotidienne. On peut y mettre en chantier nos habitudes, sans idée morale, mais avec curiosité.
« Il n'y a qu'un seul monde et il est faux, cruel, contradictoire, séduisant et dépourvu de sens. Un monde ainsi constitué est le mond eréel. Nous avons besoin de mensonges pour conquérir cette réalité, cette " vérité " » Nietzsche.
Le texte explore trois voies : soi avec soi-même, soi et l’extérieur, soi et les autres.
Cela se transforme sur scène en différents spectres de prises de parole individuelle :
- Le dialogue intérieur : ce qu’on se raconte dans sa tête, les petits événements du quotidien, les conversations banales qu’on retient, ce qu’on pense de soi, ce qu’on projette de son individualitéet de sa personnalité.
- Soi et les représentations psychologiques extérieures :les magazines qui donnent des conseils sur « qui on est, comment être mieux », les séries TV qui véhiculent des représentations des émotions, permettent l’expression des fantasmes émotionnels par l’identification aux protagonistes… Même si l’ensemble peut parfois paraître extra-terrestre, comme par exemple Les feux de l’amour, qui passionnent des millions de téléspectateurs.
Dans tous les cas et par le biais de tous ces supports médiatiques il s’agit de :
- Vivre la vie des autres et vivre sa vie comme si on était soi-même une image.
- Décliner le jeu des codes et de l’identification sous toutes les formes : mode et modèles, beauté, musique, idoles, victimes etc.
- Une même histoire : Nous racontons tous la même histoire. D’une certaine manière…car chacun réinterprète l’histoire commune, le temps que nous traversons ensemble, avec son point de vue, ses émotions, son prisme.
De la parole de chacun naît alors le chant des individus. Perceptible dans la ville au détour des lieux collectifs, ce chant fait état de notre incompréhension des uns et des autres, mais aussi de notre porosité. Ces milliards de petites influences qui nous traversent. Ces êtres en réception permanente que nous sommes.
Se mettre àl’écoute, en observation, pour être là.
Car la forme de mystification qui est de « répéter » chaque soir le même déroulé ne doit pas couper le rapport scène / salle d’une certaine immédiateté. Les acteurs tentent à chaque représentation une manipulation, manipulation ostensible, à visages découverts, où se scrute l’issue incertaine du rapport spectateur / acteur.
" Je voudrais savoir pourquoi ma responsable me ment.
Je voudrais savoir pourquoi ma responsable me complimente pour ma sincérité.
Pourquoi elle-même pense être sincère.
Pourquoi je sais qu’elle ment.
Pourquoi mon premier réflexe est de dire que moi je suis sincère avec elle.
Pourquoi dans un deuxième temps je sais que je mens aussi.
Je voudrais savoir comment je fais pour mentir en croyant être sincère.
Je voudrais savoir si tout le monde fait pareil.
Je voudrais savoir pourquoi même avec les gens que j’aime je ne peux pas dire ce que je pense.
Je voudrais savoir comment je peux espérer me faire aimer alors que cela suppose que je dise ce qu’il faut dire, et non ce que je pense.
Je voudrais savoir dire ce que je pense. "
77, rue de Charonne 75011 Paris