Tirée des Évangiles, l'histoire est célèbre : Salomé danse pour le roi Hérode. En récompense, elle exige la tête du prophète Jean-Baptiste sur un plateau d'argent. Salomé naît du texte sacré, où elle est à peine nommée, pour devenir un mythe éblouissant, inspirateur des plus grands artistes. Quand Oscar Wilde se saisit de cette figure magnétique, il imagine une pièce fulgurante et poétique. Sa Salomé brûle d'amour pour le prophète : sublime et scandaleuse dans sa quête d'absolu, elle renoue avec une spiritualité féminine et sensuelle. Anne Bisang lance ses comédiens aux trousses de cette énigme lunairequi naît dans le désert biblique.
Parmi les innombrables portraits de Salomé, celle de Wilde détonne par sa vocation quasi spirituelle. Étrange destin que celui d’une jeune femme qui exige l’exécution de l’homme qu’elle aime et qui se refuse à elle. On la croirait damnée. Pourtant Wilde ne la dépeint pas comme une femme fatale. À la fois clairvoyante et innocente, sa Salomé n’est jamais ingénue, ni perverse. Elle cherche l’union mystique à travers le corps de Iokanaan, et méprise sa religion.
Même lorsqu’elle monnaie son corps et son âme, elle parvient à ne passe corrompre. Elle apparaît plutôt comme une initiatrice de l’amour et de la spiritualité féminine, à laquelle le prophète se refuse. Salomé alors se bat pour arracher Iokanaan à la prison de ses mots et de son Dieu.
Contrairement à ses diverses sources bibliques, la Salomé de Wilde agit selon son propre désir et non pas àl’instigation de sa mère. La danse des sept voiles, motif faisant référence au mythe du retour à la vie de la déesse orientale Ishtar, est aussi une innovation de Wilde, tout comme la mise à mort de Salomé à la fin de la pièce. Elle devient le personnage central de la tragédie, incarnant une figure d’une liberté et d’une force déroutante, et dotée d’un pouvoir transgressif extrême qui la mène à la mort.
45 rue Richard Lenoir 75011 Paris