Sophonisbe : Rome nous aurait donc appris l’art de trembler
Cette pièce de Corneille est de celles que Brigitte Jaques qualifie de « coloniales » : elle se déroule hors de Rome, en Afrique du nord où les Romains disputent à Carthage la suprématie commerciale et politique de la Méditerranée occidentale.
La tragédie raconte l’effondrement inéluctable de Carthage et le dernier jour de Sophonisbe. Princesse renommée pour sa beauté et son éducation, elle avait été promise au jeune roi numide Massinisse et l’amour était partagé. Mais le jeu des alliances guerrières l’ont finalement octroyée à son rival plus âgé, Syphax, qui l’aime passionnément. Soit ! La fière Sophonisbe, elle, avant tout aime Carthage et abomine l’oppresseur. Elle préfèrera mourir que de se soumettre.
La tradition a enfermé Corneille dans ses seules pièces héroïques. Ici, le grand auteur classique se révèle un philosophe de l’Histoire d’une surprenante actualité : les idéaux politiques ne sont que jeux de dupes et les traités, des prétextes à asservir, engloutir, détruire.
Plus surprenant : dans cet univers d’intrigues politiques, de fascination entre oppresseurs et opprimés, d’héroïsme et de perversion, le poète use d’une langue et d’une ironie qui flirtent avec la comédie.
Nul doute que Brigitte Jaques en joue avec bonheur, elle qui, sans artifice, nous a fait rire avec Nicomède.
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