Un soir de plus pour Al dans une chambre d’hôtel. Al passe toutes ces soirées dans des chambres d’hôtel. C’est son métier, il contrôle l’application de la charte de qualité des chambres d’une chaîne d’hôtel bon marché au décor de carton pâte implacablement immuable. Mais ce soir là Al n’est pas seul dans sa chambre. Pourtant la présence d’un autre homme nommé Eg ne l’inquiète pas. Les deux personnages semblent même bien se connaître.
Alors commence un jeu étrange ou Eg explore tout les aspects de la vie de Al. Et l’on entre dans le quotidien de Al, de sa vie de famille à sa carrière professionnelle. Les petites banalités qui font son existence. C’est comique une vie banale. Mais le danger lorsque tout est petit, rétréci, rabougri, l’amour, la réussite sociale, l’ambition personnelle, c’est que vivre devient une douleur. Une petite douleur et qu’alors tout est possible.
Le théâtre de David Friszman explore les blessures mal cicatrisées de l’âme, les mesquineries quotidiennes, l’usure des jours. Mais ses personnages ne sont jamais totalement antipathiques. Ils sont simplement pitoyables.
Dans un décor volontairement épuré, et dans un rythme haletant, la mise en scène de Mattéo Porcu entraîne le spectateur du rire franc au suspens et à l’émotion. Le jeu physique des comédiens sans fioritures ajoute une note esthétique à un univers si proche du quotidien. Si proche du réel que le spectateur ne peut que le comparer à son propre univers. Le jeu théâtral rempli alors pleinement sa mission puisque la fiction s’empare de la réalité pour la dépasser.
Par la Compagnie La Clé des planches, distribution en alternance. Le texte est publié chez ALNA éditeur.
Ta petite douleur est un conte morbide : plusieurs couleurs de la vie surgissent du noir et se conjuguent sous l’éclat des néons.
Al et Eg ne font qu’un. A la lumière verdâtre d’une chambre d’hôtel minable, un homme à bout de souffle, réfléchit sur le sens de sa vie ratée. Dans un dialogue avec sa conscience, incarnée par Eg, Al s’abandonne.
Deux univers se côtoient, le réel et l’imaginaire : le premier voudrait s’endormir pour aller caresser ses rêves… Mais dans ses rêves son esprit l’attend, tel un chasseur ; le renvoyant sans cesse à sa réalité d’homme ordinaire. Al déflore ses mythes et ses phantasmes, Eg le tourmente par ses questions étranges, au sujet notamment d’une lame de couteau ; "par qui le sang a perlé…"
Ta petite douleur est une pièce aérienne, faite d’oppositions. La mise en scène est un collage de papiers colorés, coupés au ciseau ; une construction par tranches. Des tranches de haine, des tranches d’aigreur, de l’affrontement banal, au face à face sans limites… Un mélange de mouvement, de musique et de silences...
Mattéo Porcus
15, rue du Maine 75014 Paris