Tartuffe, le faux dévot manipule la confiance aveugle d’Orgon et de sa mère, Madame Pernelle. Directeur de leur conscience, il se voit promettre par son protecteur la main de sa fille, Marianne, pourtant amoureuse de Valère. Mais Tartuffe ne s’arrête pas à cette unique conquête. Il convoite en même temps Elmire, la jeune épouse d’Orgon, qui met au point un stratagème pour le démasquer.
Adepte d’un théâtre très physique, Eric Lacascade investit lui-même la scène dans le rôle de Tartuffe et travaille avec ses comédiens d’une manière très organique. Ses personnages rongés par une énergie intérieure, comme des corps chauffés à blanc donnent une lecture de l’œuvre à la fois désinvolte et charnelle qui se passe d’enjolivement pour toucher la vérité de l’être.
« Les grands textes du répertoire nous permettent d’approfondir la recherche sur l’acteur et le groupe. Comme Tchekhov et Gorki, Molière est une formidable matière de travail. Dans Tartuffe, la rigueur des alexandrins, ainsi que les situations à jouer, construisent un faisceau de contraintes à travers lesquelles l’acteur et le metteur en scène doivent travailler à trouver leur liberté. L’étude de Tartuffe s’inscrit donc dans la droite ligne du travail que nous menons depuis de nombreuses années avec les acteurs piliers de la compagnie.
Derrière la farce et la bouffonnerie du texte, il y a dans Tartuffe l’expression de passions humaines puissantes : jalousie, désir, haine, amour du pouvoir sont à l’oeuvre au sein d’une même famille. La famille est un champ de bataille, un champ de guerre, où stratégie, ruse, attaques soudaines et coup d’éclats se succèdent. C’est dans ce paysage qu’apparaît Tartuffe, manipulant qui veut bien être manipulé, lui-même manipulé par ceux qu’il croit avoir en son pouvoir. Sa présence comble les vides, exprime les non-dits et révèle les antagonismes.
Tartuffe n’existe pas sans cette famille, et cette famille a besoin de lui pour résoudre sa propre entropie. En une seule journée, la dernière de Tartuffe, des tensions exacerbées explosent au visage du spectateur. Derrière la farce et la bouffonnerie, donc, quelque chose de plus humainement banal, de plus quotidien, de plus réel, pointe son nez. Le passage de cet homme sans nom laisse chacun désemparé face à une vie nouvelle, dans laquelle nous pressentons qu’aucun masque, aucun travestissement ne sera plus possible. L’intérêt des grandes pièces de théâtre, connues de tous, c’est que l’on ne passe pas l’essentiel de son temps à se demander ce qui va se passer. On le sait, et on peut s’attacher à étudier comment cela arrive, comment cela se passe. »
Eric Lacascade
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