Tâtez là si j'ai le coeur qui bat

du 6 au 7 février 2009
1h15

Tâtez là si j'ai le coeur qui bat

Il n’y aura pas de héros, mais « les hommes les plus normaux du monde ». Avoir soif… Avoir faim… Et les observer, ces Nina, ces Platonov, ces Anna Petrovna, ces Vania, ces Treplev, ces Macha, ces Ivanov, ces Ossip… Il n’y aura pas une pièce particulière de Tchekhov, mais six comédiens partis, comme ça, à tout hasard, voir où cette oeuvre pouvait bien les mener.

Ce que Tchekhov dit de nous
Notes d’intentions
La mémoire au coeur du processus

  • Ce que Tchekhov dit de nous

Comment jouer Tchekhov ? Comment ensemble, rêver Tchekhov ? - Comment se rêver soi-même ? - Comment entendre et donner à entendre ce que Tchekhov dit de nous ?

Il n’y aura pas de héros, mais « les hommes les plus normaux du monde ». Avoir soif… Avoir faim… Et les observer, ces Nina, ces Platonov, ces Anna Petrovna, ces Vania, ces Treplev, ces Macha, ces Ivanov, ces Ossip… Il n’y aura pas une pièce particulière de Tchekhov, mais six comédiens partis, comme ça, à tout hasard, voir où cette oeuvre pouvait bien les mener. En route, ils découvrent que c’est leur mémoire qui les guide. Il y a, à les observer, ces six comédiens, qui ont soif, qui ont faim, qui ont le coeur qui bat en observant ce que Tchekhov dit de nous, comme un coeur a besoin de la main d’un autre pour se sentir battre. Car, oui, « nous ne vivons ni avec la vérité, ni avec la beauté mais avec les autres hommes. »

Aurélie Leroux

Ecriture collective et extraits de textes de l’oeuvre de Tchekhov dans la traduction de André Markowicz et Françoise Morvan. Par la Compagnie d’A Côté.

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  • Notes d’intentions

Une brocante à Bazas, un vide-grenier… D’un stand à un autre, sont exposés toutes sortes d’objets, venant de lieux et d’époques différentes. Dans une brocante, dans ce fatras organisé, sur une seule table, tous les temps se confondent et conversent ensemble, en nous et par notre regard, pour produire du présent. Il n’y a donc pas de nostalgie. Je m’arrête à un stand où de vieilles photographies de famille sont posées et, juste à côté, un tourne-disque d’antan, des habits plutôt à la mode d’aujourd’hui, des jouets usés, des mannequins en plastique… Tous ces objets nous parlent directement, car ils sont des mémoires, car ils sont porteurs et témoins de la vie passée, présente et future d’autres hommes. Ce sont des sensations, des odeurs, des envies qui se donnent. Ce sont aussi des refrains, des airs de musique, des chansons qui arrivent. Ce sont des voix d’êtres, qui nous sont chères ou inconnues, qui nous traversent. C’est aussi notre histoire d’un temps à l’autre. Je continue mon cheminement dans cette brocante, entourée de gens, et c’est un sentiment unique qui m’unit à eux, à tout cela, ce sentiment d’être là, d’être ensemble.

J’ai envie d’un théâtre qui fasse cela. J’ai envie d’un théâtre qui, à partir de mémoires individuelles, crée un présent partagé. Un théâtre qui travaillerait à créer du collectif, non pas en uniformisant et en « amnésiant » chacun de ses membres (acteurs comme public), mais en tentant de développer la subjectivité, la spécificité et l’histoire de chacun. Un théâtre qui, en proposant un maximum de subjectivité, pourrait atteindre à la trans-subjectivité, mettre au centre ce qui passe entre les sujets.

J’entends par « subjectivité » la perception qu’une personne particulière, avec son histoire particulière, peut avoir du monde extérieur. La subjectivité est à distinguer de l’intimité, car l’intimité est réduite bien souvent à la petite histoire, au monde intérieur, au pathos d’une personne. La subjectivité interagit avec le monde et déplace constamment ses représentations du réel alors que l’intime se circonscrit et veille à conserver son territoire. J’ai envie d’un théâtre qui s’interroge déjà sur « comment on travaille » et « comment on est travaillé » ; d’un théâtre qui proposerait à partir de l’acteur, avec l’acteur, une réelle affirmation du subjectif, de sa subjectivité, pour atteindre celles du public, et pour ensemble les dépasser. Travailler la subjectivité, c’est chercher comment le monde ne cesse de nous devenir, comment l’homme est le monde et comment il n’arrête pas d’y évoluer et de le transformer.

Avec, à côté de, vers l’oeuvre de Tchekhov… Il y a quelque chose qui hante acteurs et metteurs en scène dans l’oeuvre de Tchekhov. Plus que l’intrigue, ce qui se joue dans le théâtre, dans les nouvelles de Tchekhov, est une observation aiguë de l’homme, pris entre ses rêves, ses fantasmes, sa difficulté et son désir de vivre, sa conscience de la mort, ses échecs. Pas une histoire seule qui se raconte mais, à la manière d’une oeuvre musicale, un entremêlement d’histoires, d’échos où se côtoient et s’indistinguent le dramatique, le quotidien, le sérieux et le banal, où d’infimes détails rappellent avant toute chose que « nous ne vivons ni avec la vérité, ni avec la beauté, mais avec les autres hommes ». « Vivre avec les autres hommes », cela Tchekhov, médecin, écrivain, le creuse, le teste, le cherche, et c’est ce qui fait que son art se préoccupe autant des menus faits de la vie, des à-côtés, de l’existence telle quelle.

Il y a chez Tchekhov, non seulement une proposition de vie, mais aussi (et qui en découle) une proposition de théâtre. Oui, on rêve de jouer du Tchekhov, de monter du Tchekhov, parce qu’il fait du Théâtre un lieu où l’on s’apporte soi-même. En lisant, en relisant cette oeuvre, j’ai, quant à moi, non pas eu envie de monter une pièce particulière de Tchekhov, mais – et parce que c’est, à mon sens, au centre de son écriture – de proposer aux acteurs un champ de recherche, une expérience où se joueraient la mémoire, le fantasme, le temps, le devenir de chacun et ce par, avec, et autour de Tchekhov.

Tchekhov ne cesse de parler de l’artiste, de l’acteur, de ses rêves, de ses impuissances, de son rapport au monde et aux autres. Il ne cesse de questionner ; « comment faut-il écrire ? », « comment faut-il jouer ? », « comment on parle et on pense ? ». Il s’agirait donc, pour nous, d’aller au coeur de ces questions, faire du plateau un espace où nous testons différentes frontières : – Comment jouer Tchekhov ? – Comment, ensemble, rêver Tchekhov ? – Comment se rêver soi-même ? – Comment entendre et donner à entendre ce que jouer Tchekhov dit de nous ? Comment composer non pas un rêve commun, mais une communauté de rêveurs ?

Suivant les mouvements, les échos, les entrelacs qui nous feront constamment aller de nous à Tchekhov, de Tchekhov au public, du public à nous, nous partirons de différents matériaux : des scènes extraites de l’oeuvre de Tchekhov, des résumés de pièces, des réminiscences, des phrases qui nous hantent, des extraits de spectacle vus sur Tchekhov, des parcours physiques, des surgissements de figures de l’univers de Tchekhov… Nous pillerons Tchekhov pour nous piller nous-mêmes, et inversement.

« Je me pille moi-même et je vous pille au détour de chaque phrase, de chaque mot, et je me hâte de ranger toutes ces phrases, tous ces mots dans mon garde-manger littéraire. » (Trigorine dans La Mouette)

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  • La mémoire au coeur du processus

Le travail du plateau comme acte dramaturgique Ce projet met au coeur du processus de travail la mémoire – la mémoire non pas comme la somme de tout ce dont on se souvient, mais comme une activité, où se souvenir et oublier fait avancer. Posant cela dès le départ, nous ne pouvions pasêtre dans un temps « compté » et « efficace », mais un temps où le plateau devenait un espace ouvert au développement de tout ce qui, dans cette oeuvre, nous trouble, un temps pour « faire connaissance » : faire de nos savoirs non pas des acquis rassurants, mais des questions. Nous avons donc eu une première période de travail lors d’une résidence au théâtre des Bernardines en août 2007 qui s’est achevée par un chantier ouvert au public. Cette étape marquait mon choix délibéré de ne pas considérer la dramaturgie comme un préalable à la scène, mais le travail du plateau comme un acte dramaturgique.

Chaque moment de jeu ouvre une piste, et la dramaturgie est un travail d’écriture à partir de toutes les possibilités ouvertes. Sur le plateau, avec Tchekhov, les subjectivités se développent. Entre elles, ce qui résonne, ce qui se heurte, participe à les transformer. L’écriture dramaturgique ne consiste pas à réduire au minimum commun ces parcours, mais à écouter et développer les croisements et les frôlements, à pousser à leur maximum leurs résonances, leurs dissonances. Notre lecture de Tchekhov ne vise pas à se résoudre en un drame simple, mais à faire entendre la multiplicité des singularités dont cette oeuvre est travaillée. Alors, ce qui est au centre, ce ne sont pas les situations dramatiques, mais les « entre » et les « à-côtés » qu’elles génèrent, et par lesquels on touche à des instants de vie où le théâtre dépouille ses personnages.

Il s’agit maintenant, sur le canevas dramaturgique qui a émergé pendant le chantier, d’affirmer davantage la centralité de tous ces moments de perte, de dépouillement. C’est par eux qu’a lieu le passage de l’anecdote à l’universel, par ces petits riens que se révèle l’humanisme de Tchekhov, par ces petits riens que circule notre mémoire.

Aurélie Leroux

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76, rue de la Roquette 75011 Paris

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Spectacle terminé depuis le samedi 7 février 2009

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