Qui est Thomas More ?
Résumé de la pièce
Biographie sommaire de Thomas More
Thomas More, inventeur d’utopie
Note du metteur en scène
Le Théâtre de l’Arc-en-Ciel
La figure de Thomas More nous met face à un cas de conscience : celui d'un homme et de ses convictions aux prises avec les jeux politiques.
Né à Londres le 6 février 1478, Thomas More est le type même de l'homme complet de la Renaissance. Humaniste, visionnaire, inventeur du mot Utopie, ami intime d'Erasme, il sait allier érudition et action politique. Il exerça à la demande du roi Henri VIII qu'il estimait, les responsabilités de diplomate, de conseiller du roi, notamment en charge des finances, de speaker de la chambre des communes, puis de premier Chancelier du royaume.
Sa capacité à se relier à l'autre lui a procuré l'intelligence, l'audace et le courage des actes à poser tout au long de sa vie. Sa renommée a dépassé l'Angleterre et même l'Europe.
Chelsea, 1529, un soir d'été. Dans ce cadre Renaissance où s'entrecroisent musique, poésie, discussions politiques et récits de chasse au faucon, Thomas More "rayonne" autant par sa prestance naturelle que par son humour imparable. C’est un juriste de haute compétence, ami d'Erasme, homme éclairé que l'Europe entière écoute, apprécié des plus humbles, très estimé du roi…
En pleine nuit, Sir Thomas est convoqué à la Chancellerie. Le Cardinal Wolsey exige sa signature au bas d'une dépêche pour le Vatican : il s'agit d'annuler le mariage d'Henry VIII. Caprice ou raison d'Etat ? More ne signera pas. Une chasse à l'homme commence. Chasse subtile, opiniâtre, légale même, orchestrée par des hommes prêts à tout pour le roi, et surtout pour sauver leur peau. Dans cette délicate affaire qui en cache une bien plus grave, celle de la liberté de conscience, More choisit le silence. Un silence qui interroge, un silence qui aime, un silence qui crie…
1478 : Naissance de More à Londres.
1490 : Thomas entre comme page chez l’archevêque de Cantorbery, il y reçoit une éducation sévère et commence son initiation politique.
1492 : A 14 ans, il part pour Oxford.
1499 : More obtint son inscription au barreau de Londres.
1503 : Il accomplit durant quatre ans une retraite à la Chartreuse de Londres.
1510 : Maintenant marié il devient sous-shérif de la Cité.
1515 : Lors de sa première mission officielle en tant qu’ « ambassadeur », il commence à écrire l’Utopie.
1520 : Il accompagne Henry VIII au somptueux camp du Drap d’Or où il rencontre François 1er.
1527 : Henri VIII envoie Thomas auprès du pape pour défendre son projet de divorce d’avec Catherine d’Aragon et de remariage avec Anne Boleyn.
Thomas More est hostile au projet.
1529 : Il est nommé Lord Chancelier d’Angleterre.
1530 : Thomas More prend part aux querelles théologiques engendrées par le mouvement de la Réforme, sans jamais se montrer intolérant.
1532 : Henri VIII contraint Thomas à lire à la Chambre basse des déclarations plus ou moins justes selon lesquelles les plus grandes universités d’Europe reconnaissent la validité de son divorce. Par souci de droiture, More remet sa démission au Roi, sous prétexte de mauvaise santé.
1533 : Le Roi confisque les biens de Thomas More. Anne Boleyn est couronnée reine d’Angleterre.
1534 : Henry VIII, furieux d’être excommunié par le pape, fait voter par le Parlement l’Acte de Suprématie qui le place à la tête de l’Eglise d’Angleterre. Il intime l’ordre à More de prêter un double serment : la reconnaissance de sa suprématie et l’allégeance à la Reine Anne. Thomas refuse, il est arrêté et enfermé à la Tour de Londres.
1535 : Le Parlement le condamne pour haute trahison. Il est décapité le 6 juin.
Traiter de l’utopie sans laisser surgir la figure de Thomas More, ce serait mal élevé. Pourtant le personnage peu connu est original à plusieurs titres. Quel est le seul premier ministre d’Angleterre qui fut décapité sur ordre de son ami le roi ? C’est lui. Quel est le seul saint dûment canonisé par l’Eglise catholique romaine qui figure sur l’obélisque aux Précurseurs du socialisme dans les jardins Alexandrovski au pied du Kremlin de Moscou ? C’est lui. A qui est dédié l’Eloge de la folie d’Erasme ? C’est toujours lui…
Aux alentours de 1500, c’est dans un monde aux dimensions nouvelles que ce brillantissime jeune avocat prend pied. L’univers se retrouve grandi, d’étonnants voyages ayant bousculé les bornes de la chrétienté. Un continent ignoré, encore innommé, monte de l’Océan, on commence à dire ses richesses fabuleuses, ses empires étranges. D’autres frontières craquent aussi : celle du savoir. L’imprimerie multiplie la culture. A la suite des Florentins, l’Europe lettrée retrouve un trésor oublié : l’Antiquité. On s’émerveille de la sagesse de ce monde…
En ces années, chose inouïe, quelqu’un exerce sur l’Europe une véritable souveraineté intellectuelle : Erasme de Rotterdam, qui ne cesse de parcourir l’Europe tout en menant un inlassable travail intellectuel. De dix ans son aîné, il s’est attaché à More d’une amitié indéfectible. L’un et l’autre sont habités par une passion qu’ils partagent avec ce groupuscule de quelques dizaines d’intellectuels, tissant des liens par-dessus les frontières. On les appellera plus tard les humanistes. Dans une Europe que les princes dévastent par leur perpétuel jeu de guerres et où une église aveugle aux enjeux du temps commence de se fissurer, en prélude aux déchirures de la Réforme, ils avaient un rêve : faire de l’intelligence une force politique…
Lâché en 1516, le pamphlet qui va courir en Europe se nomme Utopie. Avec lui s’invente un genre littéraire nouveau, loin des “miroirs des princes” à la mode alors, qui disaient ce que doit être le souverain mais non la société. Depuis Platon, on n’avait vu une telle création dans la littérature politique…
En Utopie, un système de lois justes prive les hommes de la possibilité d’être méchants. Il n’y a plus d’appât du gain, car il n’y a plus rien à gagner. Le désir de s’annexer le bien d’autrui disparaît quand tout est commun. Il devient socialement absurde et légalement impossible : voler, éventuellement tuer, afin de se nourrir, cela ne peut plus être. Un principe donne sa cohésion à l’ensemble des lois : l’égalité, qui implique le communisme intégral. L’abolition de la propriété privée est la clef de cette opération, parce que dans cette forme de propriété gît la racine de tous les maux de l’Occident. Le livre d’Utopie le démontre par de minutieuses analyses économiques…
Ce changement-là est radical, car il extirpe à la racine ce qui provoque les hommes à mal agir... A la différence de l’Eloge de la folie, l’Utopie ne s’en prend pas aux torts individuels et aux travers de telle ou telle corporation. Le parti n’est pas moral, mais politique. Ici, les hommes sont poussés à des comportements mauvais. Là-bas, des institutions bonnes incitent à la vertu et permettent la vie heureuse…
Dans son langage contenu, le narrateur conclut ainsi son récit : “Il y a dans la république utopienne bien des choses que je souhaiterais voir dans nos cités ; je le souhaiterais plutôt que je ne l’espère”. Avec More, le souhaitable, s’il n’est pas encore possible, est du moins posé à l’horizon de l’espérance. La formulation raisonnable du rêve n’en fait pas encore un projet, mais elle ouvre la voie au travail de la politique en lui insufflant une énergie nouvelle. Sans le mirage, les caravanes ne se mettraient pas en route…
Par son éblouissant petit livre, More articule avec une vigueur inouïe des ressorts possibles de l’existence sociale, posant dans sa radicalité l’horizon de l’égalité qui conduira à la démocratie. Ainsi, faisant-il “bombe” en son temps. Certes il n’a pu, pas plus que ses amis humanistes, empêcher les sanglants déchirements de l’Europe entre christianismes rivaux qui s’amorcèrent de son vivant, et dont il fut lui-même une victime. Du moins son écrit lègue-t-il à l’histoire non seulement une pensée originale et une écriture inédite, mais une force neuve. Il est bon de lire la première Utopie.
Antoine Lion, Dominicain,
Président du Centre Thomas More
Chelsea, un nom qui coule comme l'eau de la Tamise juste au fond du jardin... C'est là que Thomas habite, au sens fort du mot “habiter”. C'est là que l'on cultive un art de vivre, de vivre ensemble. Erasme était encore ici la semaine dernière pour écrire son Eloge de la folie. Nous sommes au printemps 1529 et la Renaissance pousse ici plus que partout ailleurs ses envies de liberté, ses appétits de conquêtes, ses soifs de percer le mystère de l'homme et de l'univers.
Jean Vilar en 63 avait sous-titré la pièce de Bolt "l'homme seul", rejoignant une dimension de l'homme qui accepte de se laisser conduire à contre-courant quand son destin l'y entraîne. Pour moi aujourd'hui, et sans y voir d'opposition, Thomas More est l'homme relié. Relié du dedans à ses racines culturelles, à sa famille de sang. Relié aussi au Moyen Age dont il ne garde que ce qui lui permet de mieux accueillir la folie de la Renaissance sans s'y perdre. Relié horizontalement à son pays et à plus large que son pays, l'Europe. Relié à ses amis, voilà un homme expert en amitié qui cultive une ouverture de cœur envers tout être, même envers Richard Rich dont il discerne pourtant le cœur partagé ou Mathieu, son serviteur dont il sait le double jeu avec Cromwell. Et enfin relié verticalement par sa foi limpide en son Dieu.
Vie ou Survie ? Une porte sur l'eau...
La grille des traîtres à la Tour de Londres a eu sur moi un tel impact, ce rapport insolite d'une porte dans l'eau, qu'elle a fini par prendre toute la place : le décor serait cette grille. C'est un franchissement qui fait passer de l'homme du commun à l'homme unique, de l'instinct de survie qui retient, restreint, éteint, à la vie qui lâche, qui donne, qui ose. Cette porte est la même pour tout le monde, mais il y a autant de façon de la franchir que d’humains sur la terre.
Et puis il y a la Tamise, l'eau, le lien, on l'entend plus qu'on la voit, c'est l'espace où tous les enjeux de la tragédie humaine prennent des couleurs plus douces, se diluent un peu, se lavent, mais aussi parfois se polluent.
“Les mots que je prononce, Meg, c'est mon être que je tiens entre mes mains, comme de l'eau… que j'écarte les doigts et je le laisse s'échapper." À elle seule, cette phrase de Sir Thomas vaut la peine de se mettre en branle, de chercher treize comédiens prêts à mouiller leur pourpoint, de perdre ses points de repère sur le théâtre pour les retrouver, j'espère, d'une manière nouvelle, et finalement de retomber toujours sur cette simplicité devant laquelle toutes les velléités de génie finissent par s'écraser.
Basé au château de Machy, à 15 km de Lyon, dans un site propice à la contemplation, le Théâtre de l’Arc en Ciel est né de la rencontre de comédiens, scénographes, techniciens… à la recherche d’une cohérence de vie et de travail. Cette quête d’un art de vivre et de créer ensemble a donné naissance à une « famille d’artistes » qui s’élargit avec les années et selon le besoin des créations.
« Le théâtre comme lieu très privilégié d’actualisation du mystère de notre humaine nature demeure et demeurera toujours une nécessité. Le comédien, s’il accepte de traverser sa propre humanité, donnera au public non pas l’illusion d’une émotion ou d’un sentiment, mais la capacité de croire en l’homme.
La vie de troupe suppose un énorme travail d’accord entre tous les instruments, esprits, sensibilités, depuis l’auteur dramatique jusqu’aux techniciens, mais aussi matériaux, pour que la vibration initiale se propage et s’amplifie jusqu’à la finalisation de l’œuvre. » Extraits de la charte du Théâtre de l’Arc-en-Ciel
Le Théâtre de l’Arc-en-Ciel crée chaque année un nouveau spectacle, présenté sur son lieu de résidence à Machy, puis à Paris et en tournée dans toute la France, en Belgique, en Suisse et au Québec. Elle crée aussi des spectacles de café-théâtre et des petites formes.
fabuleux, imparable, à ne pas manquer : la droiture et l'honnêteté ont besoin de tels exemples, aussi magistralement rendus dans la pureté d'un décor qui fait rêver, qui envoûte... Thomas More était un saint, la pièce est à la hauteur !
fabuleux, imparable, à ne pas manquer : la droiture et l'honnêteté ont besoin de tels exemples, aussi magistralement rendus dans la pureté d'un décor qui fait rêver, qui envoûte... Thomas More était un saint, la pièce est à la hauteur !
80, boulevard Rochechouart 75018 Paris