Un père et son fils ; rapport de force et procès à charge. Les deux hommes s’adressent l’un à l’autre, s’affrontent. Combat de titans. L’un a été un militaire de carrière, l’autre a fui le foyer à l’adolescence et frôlé la délinquance.
La voix du fils est celle, authentique, du romancier Jean-Yves Cendrey qui livre une déclaration de guerre au patriarche sur le modèle de la Lettre au père de Kafka. « Au catéchisme, on me faisait ce commandement : tu honoreras ton père et ta mère, puis je rentrais à la maison me faire taper dessus. »
La voix du père entrecoupe la charge du fils ; sa réponse - justifications, récits ou rappels à l’ordre normal des choses - est recomposée par Marie NDiaye. L’auteur de Hilda et de Papa doit manger, lauréate 2009 du prix Goncourt pour Trois femmes puissantes, accorde à ce père des circonstances atténuantes. Sous-officier xénophobe, misogyne, alcoolique et violent, l’homme tente la réconciliation.
Il estime qu’un bon père doit soumettre sa progéniture. Mais il négocie, accuse les coups et entend la haine inouïe du fils. Il se défend. « Tu serais devenu officier et tu n’aurais pas craché sur ton père. Tu n’aurais pas écrit de vilenies et tu aurais méprisé ceux qui le font et, puisque celui qui use de l’épée meurt par l’épée, tu sais ce qui t’attend, chef. »
Jean-Yves Cendrey et Marie NDiaye font entendre deux styles contradictoires, rythmes et vocabulaires opposés. Sur le plateau nu, l’essentiel : deux comédiens dans des lumières et des ombres coupées au couteau. Caroline Gonce dirige avec une minutie chirurgicale la partition à deux voix, deux plaidoyers d’hommes simples en proie au monstre de l’autre.
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