Lors de la performance constituée par le Scénario pour trois performeurs, les comédiens s’adressent au public, de manière récurrente, durant des sortes d’interruptions - conférences (souvent de tonalité maniaco-dépressive). Et de temps en temps, ces moments dérivent vers des actions para-théâtrales : dialogues privés, moment d’intimité ou de recueillement… Les prises de parole des comédiens-conférenciers se transforment en une sorte de partition musicale et émotionnelle produite par le vertige d’une parole logorrhéique.
Le spectateur entre alors dans l’univers particulier et délirant de ces trois "artistes engagés" qui basculent tour à tour entre la nécessité de création (performances), les questionnements sur l’art et des moments de pure intimité qui leur échappent. Dans ce type de théâtre, l’acteur apparaît comme l’objet de la dramaturgie et se trouve placé dans une situation qu’il doit explorer ou résoudre, de manière obsessionnelle et nécessaire. Plus encore, il semble livré à lui-même dans l’espace concret du théâtre. Le spectateur assiste alors à une transformation de l’acteur instrumental (maîtrisant sa matière - conférence), qui devient peu à peu lui-même instrument. Trois êtres dont les apparentes personnalités différenciées se mêlent parfois jusqu’à n’en former plus qu’un seul, jusqu’à se dissoudre dans le même corps, jusqu’à "disparaître" ?
D’après l’œuvre de Boguslaw Schaeffer et les textes de Sarah Kane, Jean-Luc Lagarce, Sibylle Berg, Thomas Bernhart, Danil Harms, Samuel Beckett, Didier-Georges Gabily, Jean-Paul Curnier, Kurt Schwitters, Gao Xijang.
"L’origine de l’art : il s’agit d’une pulsion, comme la pulsion de vivre , de manger, d’aimer. Les pulsions font partie de la structure de l’homme et la pulsion d’une chose peut être forte chez une personne et faible chez une autre… Mais il n’y a jamais que peu de personnes douées en matière d’art. Cette minorité se retrouve donc en position d’exception et selon les modes on se moque d’elle, ou l’on s’indigne, ou on la porte aux nues…"
Kurt Schwitters
"Ceux qui ont abouti à un certain succès ne peuvent s’accorder avec ce qui leur arrive. L’art aiguise l’appétit. Même la popularité, toujours, semble insuffisante (pas complet). Quotidiennement, on rencontre le mensonge qu’on peut nommer auto-réputation. Ce mensonge n’est pas seulement nécessaire pour se mettre à l’aise ou pour conserver l’équilibre spirituel mais aussi pour garder ou pour tenir ce qu’on a déjà réussi à faire. Si un chanteur va dire à tout le monde que la Scala lui a été fatale, personne n’acceptera plus de lui parler. On observe ici, que la société ordonne même de mentir."
Boguslaw Schaeffer
"La position de l’artiste a baissé et il semble qu’elle atteint que d’un côté, elle atteint la fin de son existence jusqu’à l’humiliation. Les aberrantes commandes des bourses, des fondations, les subventions ressemblent plus à des aumônes ou à des assurances sociales qu’au mécénat. Sur cette multiplication quelqu’un peut trouver un intérêt mais pas l’art ! L’art compte seulement sur sa propre plénitude. L’époque de l’importance de l’artiste est passée ; dans la nouvelle époque, soit on empêche à l’artiste de parler, soit il parle à lui-même."
Boguslaw Schaeffer
2, passage du Bureau 75011 Paris