Il décervelle, rançonne, pille, tue, torture. Il crève de trouille. Il est commun, banal, terriblement banal. La fameuse « banalité du mal ». Le « merdre » qu’il poussa pour la première fois lors de la création en 1896 fit scandale paraît-il. Et si en 2001 le scandale d’Ubu consistait en ce que la réalité, tout autour de nous, a dépassé la fiction et plus encore en ce que l’intolérable de cette réalité soit devenu tolérable ?
Chaque matin, de tristes clones d’Ubu semblent nous grimacer un sourire, au détour des pages du journal que nous survolons. Jeudi 5 avril, Daniel Sibony écrivait ces lignes dans Libération, lignes qui en creux, disent en quoi, malheureusement, Ubu nous parle, nous questionne encore : « Voyez l’état actuel de la chose : le manque de vouloir frise la déprime, vaguement débonnaire, où ce qu’on voudrait ne vaut pas le coup et où ce qu’on fait, ce n’est pas ça. Quant au pouvoir, ceux qui l’occupent obtiennent bien ce qu’ils veulent, à savoir garder la place, mais à un prix très onéreux : ils présentent à ceux qu’ils gèrent une surdose de médiocrité car ils pensent que le public est médiocre, et que si on lui montre du médiocre où il peut se reconnaître, eh bien, ça tiendra en place et on évitera les révoltes. Il y a de quoi étonner ceux qui ont vécu « mai 68 » : comment, la médiocrité en miroir peut-elle châtrer à ce point la révolte ? ».
Bernard Sobel
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