Un Jour en été

Paris 11e
du 25 novembre au 16 décembre 2002
1H45

Un Jour en été

Ce jour d’été ressuscite le jour où Asle, l’homme aimé, a disparu. Il ravive le manque à l’intérieur de la femme seule et tout se trouble de nouveau en elle. Alors, quand Asle revient en songe, elle veut comprendre, réduire l’altérité. Un rêve éveillé qui nous livre à notre désir le plus profond : trouver la plénitude. 

La pièce
Note d’intention
Extrait
Scénographie

Une maison loin de la ville
au bord d’un fjord
C’est là qu’il avait grandi
Ils voulaient vivre là 
tous les deux
Mais il ne peut rester là
avec elle 
il reste pendant des heures
au milieu du fjord

Il faudrait bientôt qu’il revienne maintenant
ce jour-là d’elle à elle
Impuissance du pressentiment
elle n’a pas couru après lui
et elle sait qu’il ne reviendra pas
Et aujourd’hui encore, d’elle, vieille, à elle, jeune
et dans son songe il reviendra

Ce jour d’été ressuscite le jour où Asle, l’homme aimé, a disparu. Il ravive le manque à l’intérieur de la femme seule et tout se trouble de nouveau en elle. Alors, quand Asle revient en songe, elle veut comprendre, réduire l’altérité. Un rêve éveillé qui nous livre à notre désir le plus profond : trouver la plénitude. 

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L’homme et la femme d’Un Jour en été avaient un fantasme : celui de vivre à deux en retrait du monde. Ils ont quitté la ville pour habiter une maison isolée au bord d’un fjord. Et puis il a fallu qu’un tiers s’introduise entre eux deux, non pas quelqu’un qui serait venu, mais la mer qui, petit à petit, a pénétré par les failles de l’éternel enfant solitaire, jusqu’à ce qu’il succombe à la douceur de l’anéantissement. Elle et lui n’ont pu former un : c’est le constat qui mobilise encore toute l’énergie de la femme, des années après la disparition de l’homme qu’elle aimait.

Ce constat engendre un questionnement que la dissolution de la temporalité à l’intérieur du flash back laisse émerger. La pièce ne fait donc pas simplement le récit d’une catastrophe passée et annoncée. La substance de cette catastrophe est en fait aspirée dans les profondeurs d’une psyché. 

C’est ce qui agite la femme âgée en ce jour d’été qui est en travail dans la pièce : comprendre le geste de Asle, comprendre le désir masculin, c’est-à-dire, plus largement, comprendre l’altérité alors même que cela échappe à la rationalité.

Le désir conscient de comprendre ce qui s’est passé laisse place dans le rêve éveillé à une parole mentale en contradictions, puis le questionnement se tarit. La tension résultant de la restitution du drame n’est alors plus un moteur, elle existe brute. C’est l’angoisse du manque, versant négatif du désir de symbiose que l’écriture donne à entendre comme une note pure. 

Un Jour en été est une pièce sur le manque : anecdotiquement, le manque que ressent cette femme dans l’impossibilité de faire le deuil de l’homme aimé et perdu ; plus profondément, le manque que chacun porte, celui que Asle comble en se fondant dans l’immensité, celui que la femme cherche à combler en étant tout entière tendue vers Asle (qu’il soit absent ou présent), le manque de la Chose, cet absolu issu de la jouissance mythique de l’Un. 

La pièce cherche à retranscrire les flux langagiers de l’inconscient. Elle est une expression du désir de plénitude de chacun. Elle est un mouvement vide, à l’image du mouvement qui est dans tout ce que Lars Hertervig, le personnage d’un roman de Jon Fosse, peint :

“Je marche. Je marche vers toi, je suis un élan vers toi. Je suis mon manque. Je ne suis qu’un élan vers toi. Je marche. Je marche vers toi. Je ne peux pas faire autrement, je ne peux qu’être un élan vers toi, que tu sois là ou non. Tout ce que je suis, c’est un élan vers toi. Un mouvement, un élan. Je ne suis que toi, que ton absence. Et c’est précisément en cela, en ce que je ne suis pas, en ce qui est tourné vers toi, c’est précisément en cela, en ce qui peut-être n’existe pas, ce qui n’est qu’un élan, un mouvement, c’est précisément en cela que je suis dans tout ce que je peins et que je vois(...)

Sans toi, peut-être ce mouvement vide qui est dans tout ce que je peins deviendra-t-il trop vide? Peut-être ne restera-t-il plus rien? Peut-être vais-je mourir, alors?”

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La Jeune Femme
Oui je me rends compte que tu es inquiet
Mais ne peux-tu pas
essayer de te réjouir
à cause de cette belle maison
à cause de ce calme
ne peux-tu pas
te calmer
ne pas te faire du souci
en quelque sorte
Il faut bien que tu trouves le repos
en quelque sorte

Le désir de la femme de suppléer à tous les manques de Asle pour ne pas le perdre déborde ici dans une image irréelle dans laquelle elle enveloppe non pas Asle qui est insaisissable mais son corps objectisé. Cela peut faire penser à un dessin de Munch (« La Jeune fille et la mort ») et à une de ses peintures (« Le Vampire ») qui exprime le désir de possession comme un désir de dévoration. 

La Jeune Femme
Non je ne me plais pas sur la mer
Asle
Oui je sais
Silence
La Jeune Femme
Mais tu n’as qu’à y aller 
toi
Asle
Oui alors j’y vais
La Jeune Femme
Oui vas-y
Bref silence
Tu seras long
Asle
Non pas très long

Il fait un signe de tête à la jeune femme, sort par la droite, mais revient et l’embrasse(...) 

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Pour le décor : un grand cadre de bois clair figurant la fenêtre en avant-scène (c’est cette fenêtre qui fait le lien avec Asle et la mer) ; une porte dans la perspective de la fenêtre, comme un deuxième pôle d’engloutissement qui abrite le fantôme de la jeune femme ; des objets, qui sont donnés à voir sans support visible afin qu’ils aient plus de poids, de ceux qu’Elle dans Et jamais nous ne serons séparés appelle “les bons objets habituels qui n’ont pas de sens quand (on) est pas là pour faire le lien”, autrement dit des objets qui attestent de l’existence de Asle.

L’intérieur fait l’effet d’un tombeau. La pièce détourne en effet le topos de la fusion des amants par la mort (mort par dilution ou mort close du tombeau). Ici, la femme cherche à rejoindre son amant qui a choisi la mort par dilution dans la mort close du tombeau. 
Un tissu blanc au sol sera linceul. Un banc occupant massivement le centre de la pièce sera canapé, banc comme on en trouve sur les embarcadères et tombeau. 

Au fond, à cour, se trouve un cadre de miroir qui permet des parallèles entre contemplation mortifère et représentation. Il permet aussi de jouer sur la question de l’identification dans la solitude cannibalique. 

Dès le “réveil” (c’est-à-dire dès l’arrivée de l’amie), la lumière extérieure pénètre par la fenêtre. Le songe sera comme un aveuglement de plus en plus intense jusqu’au trou noir. 

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Spectacle terminé depuis le lundi 16 décembre 2002

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