Dessinateur d’une fameuse Femme assise, auteur d’un brûlant Frigo, acteur, dramaturge et danseur, l’Argentin Raul Damonte Botana, dit Copi, avait intitulé l’un de ses (nombreux) romans La vie est un tango. Ce pourrait être le sous-titre de cette Visite inopportune, qui virevolte sans cesse du grotesque à l’intime, interrompant son drame par une énorme blague et dévoilant sa passion pour aussitôt se draper dans sa pudeur.
Malade du sida, un grand acteur – interprété par le vrai grand acteur Michel Fau – reçoit la visite de son plus vieil ami. Autour d’eux, dans la chambre d’hôpital, une poignée de personnages tournoient et se précipitent : une infirmière féroce, un journaliste maladroit, un médecin lubrique, et une envahissante diva. Mais on verra aussi passer un sorbet aux abeilles, le narguilé de Jean Cocteau et son nuage d’opium, quelques vérités bien senties sur le théâtre, une cuisse de poulet assassine, un drame de la jalousie, le fantôme d’Hamlet, dans un ballet scandé par cette question laminante : “Où est le couteau du rosbif ?”
Pour le metteur en scène Philippe Calvario, cette oeuvre ultime de l’original Copi est peut-être la plus intrépide : “Se sachant condamné, il est pris d’une frénésie de vie, il ose transformer le sida en maladie sublime, il ose le politiquement incorrect, mais sans provocation gratuite. Il va au scandale avec délicatesse et sensibilité, mêlant pudeur et impudeur.”
Avec les Soeurs de la perpétuelle indulgence.
OEuvre autobiographique sur le sida, Une visite inopportune est l’ultime pièce de Copi. L’auteur offre un regard rétrospectif double, en confondant ironiquement histoire personnelle et histoire du théâtre, à l’intérieur du personnage de Cyrille. Une visite inopportune nous montre un comédien, alternativement grandiose et raté (par dessus tout menteur et joueur), préparer son entrée dans le « mausolée » du théâtre. Entouré de son ami de toujours, Hubert Dubonnet, et de l’équipe médicale de l’Assistance Publique, Cyrille, homosexuel mondain qui « dans la réalité devrait être mort » fête l’anniversaire de son sida dans sa chambre d’hôpital, transformée en salon de réception pour ses « pique-niques mondains ».
Une visite inopportune est une pièce décapante, drôle, décalée, loin d’être morbide. Copi, se sachant condamné, est pris d’une frénésie de vie. Il ose, « balance » sans retenue ce qu’il pense de l’être humain et du théâtre, sans peur du cliché ou du qu’en dira-t-on. Il transforme ainsi la maladie la plus honteuse et stigmatisée (le « cancer gay ») en apothéose de théâtre. Le séropositif devient une star, un acteur qui met en scène sa propre mort.
Cet ouvrage forme ainsi pour moi un cycle entamé avec Roberto Zucco (Bouffes du Nord 2004), Juste la fin du monde (Théâtre National Drama à Ljubljana 2008) et Angels in America (Théâtre du Châtelet 2004) ; trois oeuvres qui ont été capitales dans mon parcours de metteur en scène. Des histoires où l’amour se mêle à la mort dans un même mausolée de façon révoltante.
C’est aussi un certain devoir de mémoire qui me pousse irrésistiblement vers cette pièce. J’ai des visages et des corps à qui je dédie d’ores et déjà cette histoire et ce projet. Avec cette nouvelle mise en scène, je clos le cycle de cette ronde infernale dans laquelle la mort programmée arrive trop tôt. Dans ces vies entêtées décrites par Copi, c’est l’ombre envahissante du désir et du théâtre qui surgit. L’amour alors même inassouvi restera perpétuel. Et même si Une visite inopportune parle de fin et de dilution, elle parle avant tout d’éternité et de transmission… Transmission de ce terrible virus bien sûr mais aussi celle qui peut conduire à la postérité. Dans son oeuvre ultime, c’est bien l’existence de sa vie éternelle qu’interroge l’auteur.
Une visite inopportune est pour moi un adieu élégant, un ballet joyeusement désespéré, un bouquet final mêlant tendresse et ironie.
Philippe Calvario
« Philippe Calvario, le metteur en scène, a fait le bon choix. Il fallait une équipe brillante, soudée, n'ayant peur de rien, pour porter ce texte défiant toute bienséance et qui part souvent en vrille. [...] Avec Michel, Marianne et les autres, il nous délivre un Copi conforme, vivace, indécent et flamboyant. » Les Echos - Philippe Chevilley
« Ça fait du bien d'écouter du Copi ! Un ballet burlesque et tragique interprété remarquablement par Michel Fau et l'ensemble des acteurs avec des répliques d'un cinglant et d'un mordant qu'on imagine même plus entendre aujourd'hui... » France Culture - Laure Adler
« Avec un brio mordant, Philippe Calvario met en scène Une visite inopportune, paradoxale mais réjouissante comédie de Copi, sa pièce ultime. Un rendez-vous cocasse et étrange avec la maladie et la mort dans un esprit ludique. » La Terrasse - Véronique Hotte
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