Des vitamines pour résister
Note d’intention
Le Messager Hessois – 1834 Morceaux choisis
Extrait de la lettre de G . Büchner
Le monde est foutu, la vie est intacte
La presse
Que reste-t-il quand tout s’est effondré ? Que reste-t-il des utopies quand ce mot n’est plus désormais qu’un gros mot ? « Le monde est foutu, la vie est intacte », clament en chœur Jean-Louis Hourdin et François Chattot. Ces deux gaillards du théâtre n’entendent pas baisser les bras. Tout se brouille ? On n’y voit plus clair ? Et pas le moindre discours consolateur à l’horizon ? Tant mieux, semblent-ils nous dire, c’est le moment de réfléchir et même, osons-le, de penser. Il ne s’agit pas de faire la révolution, mais de s’interroger, de partager et, au fond, d’ouvrir les yeux sur la réalité qui nous entoure.
Pour cela quelques auteurs choisis ont été convoqués. Ils s’appellent Büchner, Marx, Engels, Brecht… Loin d’être démodés, ces écrivains ont au contraire encore beaucoup à nous apprendre quand le monde se transforme de plus en plus vite comme c’est le cas aujourd’hui. Car sur fond de catastrophe, le discours ambiant en revient toujours à la dédramatisation comme si tout ce qui arrive était normal, pas si grave, ne serait-ce que pour cette simple raison que « cela arrive ».
Alors comparé à cela, l’injonction de Georg Büchner en 1834 dans Le Messager hessois, « veillez et armez-vous en pensée », l’effort acharné de Marx et Engels pour analyser les forces à l’œuvre dans les processus historiques afin de favoriser la libération de tous les êtres humains, le théâtre engagé de Bertolt Brecht qui ne se satisfait jamais de réponses faciles, sont autant de figures, de modèles de pensée comme de résistance. Au premier abord, tout cela paraît bien sérieux, terrible, inquiétant – et pour de bonnes raisons.
Certes, mais quand ce sont des personnages de la trempe de Jean-Louis Hourdin et François Chattot qui s’en emparent, les choses ne sont jamais tristes. Il ne saurait être question ici de s’apitoyer. Au contraire, les deux hommes insufflent une dose indispensable d’humour, de joie et de plaisir dans cette affaire, faisant de ce spectacle tonique un merveilleux stimulant.
Hugues Le Tanneur
Le monde est foutu, la vie est intacte.
Théâtre et monde : Buchner, Marx, Engels, Brecht
Nous nous sommes emparés de leurs textes avec appétit, gourmandise.
Et nous y ajoutons des chansons, des sketches, et des bribes de ces accords « iniques » qui vont tuer le monde les années qui viennent : L’A.G.C.S. Pour faire un poème d’aujourd’hui : joyeux et terrible, sous le regard de nos morts et pour que nos enfants puissent dire que nous avons travaillé sérieusement.
Le monde change, radicalement ; comme jamais dans l’histoire.
Nous le savions, mais nous n’y croyions pas. C’est là. Nous sommes entourés d’assassins.
Nous ne pouvons plus continuer le geste théâtral comme nous l’avons fait jusqu’ici.
Il nous faut inventer ; et inventer, « c’est penser à côté » (Einstein)
« Mais pourquoi avoir peur de l’inconnu puisque c’est nous qui allons le créer » (Laurent)
Aucun travailleur quelque soit son métier, ne peut plus ignorer la violence que certains imposent à tous, et de ce fait, il doit changer obligatoirement sa façon de travailler et de vivre. « La salle appelle au secours autant que la scène » ( K.M. Gruber)
Il ne nous faut plus seulement une actrice ou un acteur jouant les personnages dans de belles pièces et de belles mises en scène.
Il nous faut des femmes et des hommes dressés dans la catastrophe, dignes et porteurs de pensées, porteurs de sensualité de la pensée, dans « l’énergie du sens », en garde rapprochée du poétique et du politique et du partage.
Il faut absolument essayer de trouver des pratiques nouvelles, avec la rage et la joie au ventre d’amorcer, peut-être, le chemin de nouvelles fraternités pour tuer le malheur, sans savoir si nous réussirons. Pleurons puisque la catastrophe est en route, mais en travaillant, plutôt que de pleurer après sans avoir rien fait.
Jean-Louis Hourdin / François Chattot
En l’an 1834, il semble que la Bible soit marquée au sceau du mensonge. Il semble que Dieu ait créé les paysans et les artisans le cinquième jour, les princes et les privilégiés le sixième ; et le Seigneur aurait dit à ces derniers : « Régniez sur toutes les bêtes qui rampent sur la terre ! » - et Il aurait compté les paysans et les bourgeois au nombre des animaux rampants….
Vous qui toute votre vie aurez retourné la terre, vous creuserez la tombe de vos tyrans. Vous avez édifié des bastilles, ce jour-là vous les renverserez et construirez le temple de la liberté. Alors vous pourrez librement baptiser vos enfants dans l’eau de la vie. En attendant que le Seigneur vous envoie son signe et ses messages, veillez et armez-vous en pensée, priez et apprenez à vos enfants à prier : « Seigneur, brise le sceptre des conducteurs et que ton règne vienne. Ton règne de justice. Amen. »
…S’il y a une issue à notre époque, c’est la violence. Nous savons ce que nous avons a attendre de nos princes. Tout ce qu’ils ont concédé leur a été arraché par la nécessité. Et même ces concessions, ils nous les ont jetées comme une grâce mendiée et comme un misérable jouet destiné à faire oublier à cet éternel badaud de peuple sa ceinture trop serrée.
C'est un fusil en fer blanc, un sabre en bois, avec lesquels un Allemand seul pouvait être assez plat pour jouer aux soldats. Nos Etats provinciaux sont une satire de la saine raison, nous pouvons encore nous en embarrasser un siècle, et quand alors nous ferons le bilan, toujours est-il que le peuple aura payé plus cher les beaux discours de ses représentants que l’empereur romain qui fit donner à son poète en titre 20 000 florins pour deux vers boiteux.
On reproche aux jeunes gens d’user de la violence. Mais ne sommes-nous pas dans un état de violence perpétuelle ? Parce que nous sommes nés et que nous avons grandi dans un cachot, nous ne remarquons plus la fosse où nous sommes, avec des fers aux mains et aux pieds, et un bâillon sur le bouche. Qu’appelez-vous donc légalité ? Une loi qui fait de la grande masse des citoyens un bétail bon pour la corvée afin de satisfaire les besoins artificiels d’une minorité insignifiante et corrompue ? Et cette loi que soutient la brutalité d’un pouvoir militaire et la roublardise imbécile de ses agents, cette loi est une violence brutale et perpétuelle faite au droit et à la saine raison…
Georg Büchner, vingt ans en mars 1834, fonde sa Société des droits de l’homme, société secrète révolutionnaire. « Guerre aux châteaux, paix aux chaumières », écrit-il dans Le Messager hessois. Karl Marx rédige Le Manifeste du parti communiste. La philosophe Simone Veill conteste quelques pans de l’oeuvre phare des grandes espérances partagées par Engels, tandis que Bertolt Brecht lui consacre sa vie, son théâtre et ses poèmes.
Partisan depuis près d’un demi-siècle d’un théâtre engagé, toujours en lien avec les inquiétudes de son temps, Jean-Louis Hourdin réunit les pages de l’histoire communiste et de ses espoirs déchus. Avec François Chattot, partenaire de jeu et co-instigateur du projet, Jean-Louis Hourdin rassemble les contradicteurs et les passionnés de l’illusion marxiste. « Notre rêve de reprendre pour la scène Le Manifeste du parti a vingt-cinq ans aujourd’hui, raconte-t-il. Depuis quelques temps, les agissements du Medef, le traité de la constitution européenne et les termes de "concurrence libre, totale et non faussée" nous ont poussés à concrétiser notre projet ! »
Le Manifeste fustige, au coeur de son XIXe siècle, la folie déshumanisante du profit à tout prix, l’arrogance de la grande et de la petite bourgeoisie et l’appétit prédateur des requins de la spéculation. L’iniquité des accords ultra-libéraux récents de l’A.G.C.S. (Accord Général sur le Commerce des Services) notamment, signés dans une langue inaccessible aux non-initiés, comme l’impunité des armes destinées à accumuler les richesses, ont inspiré ce cabaret poétique et politique. Farce vigilante, poème grotesque, Veillons tente de réunir quelques humains à la marge du territoire croissant du cynisme tout-puissant.
PN
À partir de Le Messager hessois de Georg Büchner, Le Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste de Bertolt Brecht, textes de l’A.G.C.S. et chansons.
"Le travail de Jean-Louis Hourdin et de François Chattot ne se contente pas de revisiter l’histoire du communisme. (...) C’est une démarche qui fait appel à l’intelligence du spectateur. Ce faisant, ils signent avec lui un pacte d’intelligence. C’est une invitation à penser par soi-même, une invitation à s’interroger sur le sens de la marche du monde avec un peu de cette impertinence perdue dans les limbes de la pensée unique. Mais, bien entendu, tout ceci n’est qu’une farce. Et puisqu’il s’agit de comment vivre ensemble l’art de la politique, le tragique côtoie forcément l’humour et le grotesque." Marie-José Sir, L’Humanité, 3 octobre 2005
"Le monde court au désastre mais des artistes et des livres résistent au milieu du bourbier : Hourdin et Chattot empoignent les manifestes de la révolte et font chanter les lendemains. (...) En essayant des pratiques théâtrales nouvelles, en travaillant au partage esthétique et éthique, Hourdin et Chattot renversent les Bastille imbéciles du profit et rappellent que l'Histoire est un combat autant qu'une responsabilité." Catherine Robert, La terrasse, novembre 2006
Serait-il possible à quelqu'un de bien informé de nous donner des pistes sur la reprise de ce spectacle en 2006-2007 ? Nous avons entendu parler de dates à Martigues (Les Salins) et nous aimerions en savoir plus. Merci d'avance.
Dans un monde de torpeur et duperie ,cette piece nous soulève nous les damnés de la terre! Precipiter vous pour entendre ces 2 acteurs qui nous reveillent et nous redonnent une lueur d'esperance.
Serait-il possible à quelqu'un de bien informé de nous donner des pistes sur la reprise de ce spectacle en 2006-2007 ? Nous avons entendu parler de dates à Martigues (Les Salins) et nous aimerions en savoir plus. Merci d'avance.
Dans un monde de torpeur et duperie ,cette piece nous soulève nous les damnés de la terre! Precipiter vous pour entendre ces 2 acteurs qui nous reveillent et nous redonnent une lueur d'esperance.
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