Victimes du devoir

du 4 novembre 2003 au 6 avril 2004
1H20

Victimes du devoir

Une enquête sur une disparition se transforme en polar surréaliste qui plonge suspect et victime, flic et témoin, dans un grand bain d’humour corrosif dont personne ne sort intact, (pas même le devoir).

Une pièce policière
Historique
Traduire l'invraisemblable

Victimes du devoir est incontestablement une pièce policière puisqu’il y a un policier qui enquête, un disparu que personne ne connaît mais que le policier recherche obstinément et un suspect… Un vrai suspect qui n’a aucune raison d’être suspecté mais que la police maltraite, torture même à coups de quignons de pains, un suspect quoi ! A demi-consentant, affligé d’une femme qui le trahit sans une hésitation pour collaborer avec la police. Il y a aussi un témoin silencieux et bien sûr un assassin ! Sauf que l’assassin… Mais bon, c’est là toute l’histoire !

Une pièce déjantée où Ionesco massacre à tout va, la loi, ceux qui l’appliquent comme ceux qui la respectent aveuglément, comme ceux qui la bafouent… Victimes et assassins plongés dans le même bain d’humour corrosif… Tous coupables, tous victimes, empêtrés dans leurs contradictions, leurs espoirs, leurs regrets, leurs souvenirs. Tragiques ou comiques. Assurément délirants...

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1953 : Création de Victimes du devoir, au Théâtre du Quartier latin dans une mise en scène de Jacques Mauclair qui jouait le Policier, avec Tsilla Chelton dans le rôle de Madeleine et R.- J. Chauffard dans celui de Choubert.
1965 : Reprise de la pièce dans une mise en scène d’Antoine Bourseiller au Théâtre de Poche Montparnasse, avec Claude Evrard et Suzanne Flon.
1968 : Ionesco lui-même, assisté de Luc Bondy, assure la mise en scène au Neumarkt-theater à Zurich.

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« Je n’ai jamais réussi à m’habituer, tout à fait, à l’existence, ni à celle du monde, celle des autres, ni surtout, à la mienne. Il m’arrive de sentir que les formes se vident, tout à coup, de leur contenu, la réalité est irréelle, les mots ne sont que des bruits dépouillés de sens, ces maisons, ce ciel ne sont plus que des façades du rien, les gens me semblent se mouvoir automatiquement sans raison ; tout semble se volatiliser, tout est menacé - y compris moi-même - d’un effondrement imminent, silencieux, dans je ne sais quel abîme, au-delà du jour et de la nuit. Par quelle sorcellerie tout cela peut-il encore tenir ? Et que veut dire tout ceci, cette apparence de mouvement, cette apparence de lumière, ces sortes de choses, cette sorte de monde ?

Pour moi le théâtre - le mien - est, le plus souvent une confession ; je ne fais que des aveux (incompréhensibles pour des sourds, cela ne peut être qu’ainsi), car que puis-je faire d’autre ? Je tâche de projeter sur scène un drame intérieur (incompréhensible à moi-même) me disant toutefois, que le microcosme étant à l’image du macrocosme, il peut arriver que ce monde intérieur, déchiqueté, désarticulé, soit, en quelque sorte, le miroir ou le symbole des contradictions universelles. Pas d’intrigue, alors, pas d’architecture, pas d’énigmes à résoudre mais de l’inconnu insoluble, pas de caractères, des personnages sans identité (ils deviennent, à tout instant, le contraire d’eux-mêmes, ils prennent la place des autres et vice-versa) : simplement une suite sans suite, un enchaînement fortuit, sans relation de cause à effet, d’aventures inexplicables ou d’états émotifs, ou un enchevêtrement indescriptible, mais vivant, d’intentions, de mouvements, de passions, sans unité, plongeant dans la contradiction : cela peut paraître tragique, cela peut paraître comique, ou les deux à la fois, car je ne suis pas en mesure de distinguer le dernier du premier. Je ne veux que traduire l’invraisemblable, mon univers. »

Eugène Ionesco
Arts, 1953

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  • La mise en scène

« Il est très agréable d’obéir aux lois, d’être un bon citoyen, de faire son devoir, de posséder une conscience pure » dit Madeleine à son mari, Choubert, au début de la pièce.

Si pure est la conscience de Madeleine qu’elle collabore immédiatement avec le policier qui débarque, soupçonneux, dans l’intimité du couple. Il s’agit de retrouver Mallot. Mais qui est Mallot ? Dans quel tréfonds de la mémoire de Choubert peut-on trouver la trace de cet homme ou de ce fantasme ? Car ce sont les méandres de l’inconscient que traque le policier. C’est là au fin fond de ce cerveau que se trouve forcément la culpabilité de Choubert. Il n’a pas le choix, Choubert, il faut qu’il y aille. L’autocritique est de rigueur. La psychanalyse est sauvage. Choubert se perd dans le dédale de ses souvenirs. Il souffre… Il pleure, il rit… Il s’exalte et c’est l’illumination… Le bonheur… Mais Choubert ne retrouve pas Mallot.

Le policier va employer les grands moyens : la torture. Choubert est gavé sous le regard impassible des témoins. Une femme déguste ses bonbons, indifférente au malheur des autres ; l’épouse s’enferme dans une danse répétitive servant le café à l’infini, murée dans son quotidien qui lui sert de repères et de justification. Qui s’inquiète du malheur des autres ?

Un poète est là, aussi. Il lui faut du temps, si longtemps, pour comprendre que quelque chose ne tourne pas rond… Il prend enfin conscience de la gravité de la situation mais pour faire quoi ? Pour devenir quoi ou qui ? Tous les rôles sont interchangeables, qui est qui ?

La pièce se termine dans un immense maelström, au milieu duquel chacun vocifère, hurle son statut de victime tout en maltraitant l’autre… Victime ou bourreau ?

Comment montrer les méandres de la conscience ? Comment rendre palpable cette quête de soi-même qui n’est peut-être que la quête de l’absurde. Car Ionesco ne croit pas à la psychologie au théâtre et le proclame sur scène. La quête de chacun est une quête universelle, interchangeable qui s’inscrit dans le contexte politique de notre monde chaotique.

Le jeu ne peut donc pas être psychologique. Mais plutôt que l’extravagance, le travail de la mise en scène s’est attaché à rendre le plus simple possible, le plus plausible possible toute la folie du texte. Tout doit paraître évident et normal. Chaque personnage suit sa logique, énonçant avec une tranquille assurance les plus invraisemblables répliques.

C’est le corps qui dérive. Ce pauvre corps humain torturé, limité mais qui peut nous amener à l’extase. A chaque instant, les sentiments vont passer par le corps des acteurs : l’interrogation chaloupée du couple autour du policier, l’alanguissement de Madeleine sur l’épaule de son amant, le soutien physique de Choubert dans sa montée vers l’éblouissement, les mains qui se vident quand il s’échappe dans l’extase… Et la torture… Corps dansants, corps rebelles, corps défaits. (Il y a souvent chez Ionesco, cette présence obsédante du corps : transformé dans Rhinocéros, envahissant dans Amédée, élargi jusqu’aux limites du monde dans Le roi se meurt…)

Les acteurs vont passer par tous les âges de la vie. L’homme mûr qu’on aide de nouveau à marcher pour qu’il redevienne le petit enfant, la vieille qui retrouve dans sa démarche chancelante les réminiscences de ses premiers pas…

Les corps ont besoin d’espace pour s’exprimer. Le Théâtre des 3 Bornes en manque. Pas de décor, un espace clos par trois portes : l’univers rétréci d’un petit couple sans histoire. L’irruption du policier, du monde extérieur, va tout faire éclater. Sous la pression, l’univers intérieur de Choubert jaillit jusque dans la salle, éventre le plafond, défonce les portes fermées. Tout est ouvert, tout est envahi. Choubert portait en lui le chaos du monde qui s’étale sous nos yeux. Il est là !

Dans ce qui semble un énorme désordre, il y a toute la rigueur de l’homme de théâtre qu’est Ionesco. Il ne lâche jamais le fil de son histoire. Il entraîne les personnages dans des jeux apparemment contradictoires, jeu de polar, jeu de la psychanalyse, jeu intellectuel, jeux sincères, jeux menteurs, jeux érotiques, jeux mortifères, et pourtant chacun explique l’autre, le pousse, le tire dans une dynamique constante… Il s’agit d’accompagner cette danse vertigineuse, de la ponctuer, de la sonoriser : les claquements de porte se répondent d’une scène à l’autre, les bruits forment une musique concrète qui souligne les correspondances, marque le rythme et finit par l’entraîner. Tout va de plus en plus vite, de plus en plus fort, jusqu’au bouquet final.

Mais tout cela n’est que du théâtre. Ionesco énonce quelques-unes de ses théories à l’intérieur de la pièce. Elles doivent passer dans le jeu comme une conversation banale. Il ne s’agit pas de faire la leçon. Simplement, pour le plaisir, d’accentuer la mise en abyme. Choubert « se donne en spectacle tous les soirs » dans le petit théâtre de marionnettes et devient à son tour, tellement il s’est éloigné du monde des vivants, spectateur de ses propres spectateurs. Tout se renverse. Tout est son contraire. Il suffit peut-être de s’éloigner ou de changer de point de vue.

Le théâtre de Ionesco regarde le monde.

Didier Moine

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Sélection d’avis du public

RE: Victimes du devoir Le 19 août 2006 à 00h33

Claire (ou Fillide), c'est toi ?

Victimes du devoir Le 5 janvier 2004 à 20h58

J'ai dû me fiche dedans, là !

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RE: Victimes du devoir Le 19 août 2006 à 00h33

Claire (ou Fillide), c'est toi ?

Victimes du devoir Le 5 janvier 2004 à 20h58

J'ai dû me fiche dedans, là !

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32, rue des Trois bornes 75011 Paris

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  • Bus : Maison des Métallos à 144 m, Fontaine au Roi à 184 m, Parmentier - République à 260 m, Couronnes à 368 m, Goncourt à 393 m
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Comédie des 3 Bornes
32, rue des Trois bornes 75011 Paris
Spectacle terminé depuis le mardi 6 avril 2004

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