Paroles de Français
Le rire
Grumberg + Gourio = Vive la France
Construite autour de brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio et de deux pièces courtes de Jean-Claude Grumberg, Vive la France s'annonce comme une revue drôle et féroce, cocasse et absurde, épinglant les grandes qualités et les petits défauts de la France et des Français.
Textes : Les brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio et Sortie de théâtre, un soir de pluie et Pied de lampe de Jean-Claude Grumberg. Distribution en alternance.
Après avoir monté Le Projet Laramie de Moïsés Kaufman (création en France, Vingtième théâtre Paris / adaptation parue dans l’Avant-Scène) je souhaitais « rentrer chez moi ». Je venais de passer deux ans et demi sur ce travail entre la traduction, l’adaptation, la mise en scène et les représentations. Deux ans et demi à explorer la vie d’une petite ville américaine, à parler de violence, de haine. Il me semblait indispensable de casser cela et de m’intéresser à la vie des gens bien de chez nous, et de rire !
Mais paradoxalement je quitte un docu-théâtre, où toutes les paroles étaient des témoignages, pour retrouver d’autres « vraies » paroles, celles des brèves de comptoir, et celles de cette sortie de théâtre, un soir de pluie. Une rupture dans la continuité peut-être…
Hervé Bernard Omnes
Camping, Astérix, les bronzés... La France est à la mode. Ou plutôt les Français aiment les Français. La beauferie, la franchouillerie sont cultes. On s’émeut devant des tongs et des marcels, on rit de soi, de son pays. On ne rougit plus d’être con, d’être lourd. Le béret en devient fashion. Être chauvin, c’est divin. Ricard égal nectar.
Le rire libérateur ? Expiatoire ? Le rire qui s’assume. J’ignore ce qui fait ou ne fait pas les modes, tout comme j’ignore pourquoi « l’effet coupe du monde » peut faire gagner des points de popularité à des hommes politiques, moi cela me paraît aberrant et le signe d’une immaturité politique et culturelle totale; par contre je ne peux ignorer que les Français ont besoin de rire, et que depuis quelque temps, ils sont disposés à rire d’eux-mêmes. Signe de bonne santé ? D’intelligence ? Ou signes précurseurs du déclin des valeurs ? Peut-on y voir une volonté de s’élever, de changer ? Se complaire dans ses travers, et louer (voire glorifier) ses excès, cela amène-t-il un peuple vers l’autocritique ou vers les profondeurs abyssales de la bêtise et du « j’m’en foutisme » ?
Le rire comme rupture avec le chaos quotidien, le rire pour se rassurer peut-être, et se dire qu’après tout : « ça ne va pas si mal ! » Aveuglement ou extrême clairvoyance ? Sauve-qui-peut ou sagesse ?
Peut-on rire de tout ? En cherchant à m’éloigner de la violence, de la bêtise et de la haine telles que je les avais appréhendées avec le projet Laramie, je me suis retrouvé à lire et à écrire des textes profondément racistes, antisémites, misogynes, homophobes, anti-cléricaux… et d’en rire. Et naturellement j’ai dû, à la fois comme metteur en scène mais aussi comme adaptateur ou producteur, me poser la question de ce que l’on peut/doit dire, ou pas. Peut-on rire de tout ? Je n’ai pas de réponse, je crois que cela vient beaucoup, surtout, de ce que l’on a au fond du cœur lorsqu’on exprime tels ou tels propos. La méchanceté perce toujours.
Le théâtre est une vitrine politique, il est le miroir de l’humanité, il est un formidable instrument qui dénonce, montre, démontre. Au final les mots les plus durs sont parfois les mieux compris parce qu’ils sont dit avec sensibilité, intelligence, respect et générosité.
De qui se moque-t-on ? Des juifs, des noirs, des hommes politiques, de la mort, des cons, des vedettes, des pédés, du sexe, des intellos, des bobos, du politiquement correct, des alcolos, des bien pensants, des femmes, des hommes, des nains, des dindes, des canards, des islamistes... Dans Vive la France tout le monde y a droit... Il ne manque que des histoires belges dans le fond.
J’aime Grumberg, je le trouve tellement juste, la simplicité de ses mots est fantastique. Il sait être drôle, mais aussi cinglant, terrifiant, sans être gratuitement méchant. J’avais envie de plonger dans son univers pour brosser un tableau cocasse, mais aussi critique de notre beau pays.
J’ai aussitôt pensé à Gourio. La sagesse populaire de ces brèves de comptoir, unique et inégalable, me permet tout à la fois d’introduire, de développer et de conclure. J’ai donc repris l’intégrale de l’œuvre (3 500 pages !) et j’ai fabriqué de courtes scènes. Des pensées regroupées en tableaux. Quelque chose entre l’absurde, le surréalisme, la poésie et la farce. Comme si Beckett et Ionesco rencontraient Tati et Queneau.
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