Nana rêve de devenir actrice. Elle décide de quitter Paul et leur enfant, pour exister, « vivre sa vie ». Libre adaptation du film de Jean-Luc Godard, mise en scène de Charles Berling. À partir de 12 ans.
À partir de 12 ans.
Nana rêve de devenir actrice. Elle décide de quitter Paul et leur enfant, pour exister, « vivre sa vie ».
Son salaire de vendeuse est insuffisant mais elle refuse de retourner vers Paul et se retrouve à la rue. Elle éconduit un homme qui veut l’emmener chez lui après une séance de cinéma, rencontre un photographe qui lui propose de poser nue pour intéresser des producteurs, et se retrouve au commissariat pour avoir tenté de voler un sac à main.
Finalement, se promenant sur les boulevards, elle est prise pour une prostituée par un homme qui la conduit dans une chambre d’hôtel. C’est son premier client, et l’argent qu’elle gagne est sans rapport avec son salaire précédent…
Quelque temps après, elle retrouve une amie Yvette, devenue prostituée qui dit assumer sa nouvelle condition. Elle présente Nana à son proxénète, Raoul. Les semaines passent, Nana devient une prostituée expérimentée, mais elle s’ennuie de la monotonie de son travail et va à l’hôtel comme on irait au bureau ou à l’usine.
Un jour, elle rencontre par hasard un jeune homme dont elle tombe amoureuse et décide d’annoncer à Raoul qu’elle arrête. Exaspéré par ce désir de liberté, il décide de la vendre à un autre réseau, mais la transaction tourne mal et Nana est tuée lors d’une fusillade. Son cadavre est abandonné dans une rue de Paris.
Pauline Cheviller m’a parlé du film Vivre sa vie de Godard : une jeune femme, vendeuse, qui rêve de faire du théâtre, du cinéma, et comme la société ne lui propose que des petits boulots avec des salaires de misère, entre dans la prostitution et finit tuée par une balle perdue.
C’est un film magnifique qui reprend une intrigue de mélodrame — une jeune femme se prostitue pour gagner sa vie, elle tombe amoureuse et veut arrêter, et meurt assassinée. Les qualités littéraires des dialogues du film de Godard m’ont frappé et j’ai tout de suite pensé qu’il serait fantastique de porter ce texte au théâtre.
Ce film remue des choses importantes pour nous aujourd’hui : les différences de conditions entre hommes et femmes, les bas salaires, les professions méprisées, réservées à un genre plutôt qu’à l’autre, la perception de la sexualité féminine, le débat sur la prostitution qui produit des lignes de rupture, des antagonismes très profonds au sein du mouvement féministe parce que la prostitution pose des questions multiples et décisives, sur notre rapport au corps, à l’argent, au sexe, à l’intimité, aux rapports de domination, à l’inconscient. Le film est une histoire d’amour et un film très politique — c’est ce mélange qui m’intéresse.
L’idée n’est pas de réaliser une simple adaptation du film, mais de dialoguer avec lui. C’est un processus de travail qui a commencé l’an passé et se poursuivra jusqu’à la création au printemps 19. Il est important pour moi de construire le texte du spectacle avec les trois interprètes, Pauline Cheviller, qui jouera le rôle d’Anna Karina, Sébastien Depommier et Hélène Alexandridis, qui joueront plusieurs rôles, tour à tour femme ou homme, avec Irène Bonnaud, ma dramaturge et Grégoire Léauté à la guitare ainsi que toute l’équipe artistique. Les sessions de répétitions permettront de s’approprier, par un travail de plateau, le matériau donné par Godard et ainsi faire résonner le destin magnifique et tragique de Nana en 2019.
Nous allons faire entendre des voix de femmes dans le spectacle : la chanson de Pauline, de grandes écritures comme celles de Duras ou de la philosophe Simone Weil, mais aussi les voix d’anciennes prostituées comme Grisélidis Réal, Virginie Despentes qui ont osé prendre la parole pour raconter leur travail, ce qui était inimaginable à l’époque du film. Ce sont des points de vue contradictoires, opposés entre eux parfois, mais le théâtre n’est pas là pour asséner une réponse mais plutôt ouvrir des questions.
Le décor sera pensé en deux espaces distincts et complémentaires : d’abord l’avant-scène, où les personnages de l’histoire se rencontrent et où leur destin se joue sous nos yeux, puis derrière le miroir, des espaces cachés qui, soit en ombres chinoises, soit en projections, pourront révéler les dessous violents de la prostitution.
Charles Berling
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris