En portant à la scène Voyage au bout de la nuit, premier roman de Louis-Ferdinand Céline écrit en pleine crise de 1929, Les Possédés se frottent une nouvelle fois à une langue singulière et nous plongent dans cette fresque titanesque teintée de la violence du monde et de la gouaille des personnages qui le peuplent.
Rodolphe Dana, fondateur du collectif, incarne Ferdinand Bardamu, figure tragi-comique arpentant le monde, plongeant dans l’horreur de la guerre, affrontant l’enfer brûlant des colonies ou découvrant le monde moderne et industriel de New-York…
Seul sur scène, le comédien porte toute la vitalité de cette œuvre et nous fait entendre la puissance incroyable de la langue. Il en exploite le phrasé si particulier et déploie avec force son oralité. Passant habilement de récits à la troisième personne à des passages dialogués, Rodolphe Dana nous livre les aventures de Bardamu avec la verve mordante et pleine d’humour de ce drôle de personnage confronté à l’horreur et à la bêtise humaine.
« Je vais donc plonger avec Ferdinand Bardamu, figure tragi-comique, dans ce début de 20e siècle. Avec lui je vais parcourir les horreurs de la guerre de 14, cette absurde et immonde boucherie, inventée par « la sale âme héroïque des hommes », et qui inscrira en lui – et à jamais – une méfiance féroce, une haine tenace vis-à-vis de l’humanité, et plus particulièrement des hommes, et la naissance d’un puissant pessimisme. Nous voguerons avec lui vers les colonies, vers d’autres voyages, vers d’autres absurdités humaines…
Avec toujours, évidement, nécessairement, l’humour, comme seule échappatoire à cette bêtise atroce des hommes. Et, à chaque fois, pour finir, la fuite. D’abord l’enthousiasme de l’arrivée, puis la déception et le départ. « Courage, Ferdinand, que je me répétais à moi-même, pour me soutenir, tu finiras sûrement par le trouver le truc qui leur fait si peur à eux tous, à tous ces salauds-là autant qu’ils sont et qui doit être au bout de la nuit. C’est pour ça qu’ils n’y vont pas eux au bout de la nuit ! »
À la fin de sa vie, quand on demandait à Céline, ce qu’il retenait des hommes, il répondait : « Mon Dieu, qu’ils étaient lourds ! Mais lourds ! » Je tâcherai de ne jamais oublier cette phrase, et de viser juste, le plus léger possible, pour pouvoir jouer avec les fantômes. Et de toujours trouver en moi suffisamment de musique pour faire danser la vie ! »
Rodolphe Dana
Par le Collectif Les Possédés.
« Le féroce désespoir de Louis-Ferdinand Céline nous touche et nous submerge : le meilleur de l'oeuvre et de l'homme - son humanité et non sa fatale rancoeur - s'exprime par la voix et le geste du comédien surfant sur la crête d'un texte extrême. » Philippe Chevilley, Les Echos, 11 février 2016
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