Vieille affaire que celle de l’hystérie : du trouble ovarien selon Platon aux sorcières face à leurs inquisiteurs du Moyen Âge, jusqu’aux grandes leçons de Charcot à la Salpêtrière et aux Etudes sur l’hystérie de Freud et Breuer en 1895, cette affection (réputée féminine) fait énigme et a, de tout temps, constitué un défi au savoir (traditionnellement masculin) qu’il soit religieux, juridique ou médical.
Mais qu’entend-on par ce terme ? Des atteintes corporelles (soudaine cécité, paralysie…), des troubles de l’humeur (rires, pleurs), de la mémoire, de la parole (aphasie, volubilité), convulsions, histrionisme…
Aucun symptôme ne peut être dit typique. Toutefois Freud l’a posé définitivement : « l’hystérique souffre de réminiscences ». Mais aussi, l’hystérie instaure un mode de relation qui, par l’esquive ou la provocation, bouleverse le confort des savoirs, conteste l’ordre des familles et des services. « Moyen suprême d’expression » selon André Breton, l’hystérie, engageant le corps, rend manifeste qu’il y a lieu sans cesse de créer, d’inventer, de désirer : elle est un « bastion de résistance au bonheur masculin… en langage poétique ».
Dans l’esprit de recherche et d’écriture des Scènes de violences conjugales, Gérard Watkins propose une « étude » qui à la fois parcourt les conceptions passées et aborde la question des formes que prend aujourd’hui l’hystérie.
« L'acteur-metteur en scène et ses acteurs mettent le spectateur sous hyptnose, avec une plongée documentée et poignante dans l'univers de l'hystérie. » Emmanuelle Bouchez, Télérama TT, 10 avril 2019
« A la fois soulèvement poétique, insurrection intime, souffrance indéchiffrable, elle vous percute aussi mystérieusement qu'elle vous quitte. Cette pièce dit tout cela, fait du mal et du bien, reste opaque et fière de l'être. » Jean-Luc Porquet, le Canard enchaîné, 27 mars 2019
« Gérard Watkins mène une réflexion passionnante sur l'hystérie » Marina da Silva, L'Humanité
Nous avons lancé et exploré toutes les pistes possibles. Les leçons de Charcot, les livres de Georges Didi-Hubermann et ceux de Freud et Breuer ont été précieux pour nos improvisations scéniques. C’était passionnant mais il nous manquait encore cruellement de précisions et de justesse quant à la définition même du mot. Comme si l’histoire nous le rendait flou.
J’eus l’idée alors de faire venir une professionnelle, Lisa Ouss- Ryngaert, médecin pédopsychiatre de l’hôpital Necker, pour animer une masterclass et surtout nous inspirer. Lisa Ouss- Ryngaert a su nous rassurer sur le caractère inexact de la science médicale et a ouvert notre imagination de manière compassionnelle, en nous décrivant des malades d’aujourd’hui, dans un contexte qui est le nôtre. C’est une des premières questions qu’on me pose, quand je parle du projet. Ça existe encore ? Comme si l’hystérie avait été irrémédiablement liée aux « leçons du mardi » à la Salpêtrière.
Dans les milieux familiaux, autant que hospitaliers, l’hystérique rend tout le monde impatient, irascible et suspect. Car l’hystérie se transforme, joue au chat et à la souris avec celui qui veut la traquer et la définir. Cette notion a tout de suite rendu le patient théâtralement désirable et les élèves se sont empressés d’improviser, de trouver leurs malades.
Nous nous étions divisés en deux groupes, ceux qui devaient trouver leurs médecins et ceux qui devaient trouver leurs malades. Les médecins devaient avoir une faille, une motivation et une méthode propre. Nous avons alors entrepris une série d’improvisations thérapeutiques : les médecins devaient trouver la cause ou l’origine du trauma ou du refoulement qui avait donné corps aux conversions et aux états hypnoïdes. Les patients devaient eux trouver dans le corps, la forme de la conversion, et les symptômes annexes.
Le cahier des charges des improvisations était imposant et, en peu de temps, nous sommes arrivés à des résultats impressionnants. Une des méthodes employées était la suggestion. Cet art-là nous a semblé indispensable à nos recherches, ou du moins à l’élégance de nos jeux de questions- réponses.
Petit à petit, une forme d’analyse à vue, un peu comme si des patients d’un film de Depardon s’étaient retrouvés sur scène, s’est mise en place, et nous avons établi une sorte de conférence publique, qui mélangeait les analyses, les crises de conversions, et une tentative d’explication scientifique. C’est cette forme qui m’a convaincu que j’allais continuer mes recherches, et que j’écrirai un jour Ysteria.
« Cinq acteurs·trices ont travaillé avec moi sur Ysteria. Trois acteurs joueront des médecins, deux des patients. Qui sont ces médecins ? Qui sont ces patients ? Nous allons d’abord trouver les individus qui vont peupler le plateau. Pour les patients, deux élèves de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille, Malo Martin et Yitu Tchang, creuseront leur intuition première.
L’histoire que nous avions trouvée ensemble à Cannes a depuis mûri en nous et j’y ai puisé l’axe principal de cette écriture, celui qui véhicule notre rapport au présent et à notre société. Car l’hystérie et sa marginalisation me semblent un axe idéal pour parler de la difficulté des jeunes aujourd’hui à s’inscrire dans une société totalement codifiée par le marché du travail et l’identité sexuelle.
Ce qui fut vécu pendant les trente glorieuses comme un chant d’ouverture, de recherche et de tolérance, s’est peu a peu rigidifié et tendu dans un désir artificiel de réussite. De cette tension naissent de nouveaux symptômes de conversions. J’y ai aussi trouvé une résonance personnelle, une matière secrète à rêver, qui se prolongent naturellement en moi, et sans lesquelles on n’écrit rien de bon. Les médecins seront interprétés par Julie Denisse, David Gouhier et Clémentine Ménard.
On peut dire qu’il s’agit d’une naissance scénique. Dans ces improvisations, il s’agit pour l’acteur et l’auteur de trouver une sorte de fusion. Y sont questionnés les souvenirs d’enfances, les rêves, les rapports aux éléments, la pensée, l’origine familiale. L’acteur peut y mélanger des souvenirs personnels. Il gère son rapport au tissage entre le réel et l’imaginaire, je ne m’en mêle jamais. L’important, dans la recherche et le travail préparatoire, est de trouver ensemble ce que ce personnage représente et raconte en tant que figure, l’écho qu’il puisse rencontrer dans notre tissu social et affectif.
Je trouve cela pertinent qu’un des médecins soit jeune, et nous aurons à loisir de sonder la différence entre la Jungienne (Julie Denisse), le Freudien (David Gouhier) et celle qui est plus adepte des méthodes cognitives et comportementales contemporaines, favorable au retour en force de l’hypnose (Clémentine Ménard). Pour Charcot, elle était primordiale pour accéder aux états hypnoïdes, ce que Freud et Breuer ont peu à peu remplacé par l’analyse et la parole libérée.
La mémoire des jeunes atteints de conversions que nous avons choisie d’approfondir est un puits sans fond, une source inépuisable de jeu de miroir tendu à la société. Elle sera construite à l’insu des médecins. Cela restera à jamais un secret entre nous. »
Gérard Watkins
J'avoue ne pas comprendre l'objectif de cette pièce. Analyse d'une pathologie psychiatrique? Dérision qui prend par moment des allures de comédie de boulevard? Quel est le sens des deux tableaux aux allures de sorcellerie? Heureusement il y a les remarquables acteurs qui sauvent cette pièce probablement adressée aux intellectuels éclairés.
très bon sujet porté par une troupe d'acteurs remarquables. Peut-être un petit peu long. Mais nous ne nous sommes vraiment pas ennuyés !!! Bravo !!
Pour 2 Notes
J'avoue ne pas comprendre l'objectif de cette pièce. Analyse d'une pathologie psychiatrique? Dérision qui prend par moment des allures de comédie de boulevard? Quel est le sens des deux tableaux aux allures de sorcellerie? Heureusement il y a les remarquables acteurs qui sauvent cette pièce probablement adressée aux intellectuels éclairés.
très bon sujet porté par une troupe d'acteurs remarquables. Peut-être un petit peu long. Mais nous ne nous sommes vraiment pas ennuyés !!! Bravo !!
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.