Alice et cetera

Lille (59)
du 9 au 17 mars 2010
1h55

Alice et cetera

Trois pétillantes et impertinentes pièces courtes de Dario Fo et Franca Rame (Alice au pays sans merveilles, Je rentre à la maison, Couple ouvert à deux battants) mises en scène avec bonne humeur et justesse par Stuart Seide.

Pourtant, à la fin, il m'a convaincue ! Pour sauver notre mariage, notre amitié, notre vie privée, il fallait rendre public notre lit.

  • Un authentique témoignage de liberté

Alice au pays sans merveilles est pour moi une oeuvre chorale et onirique un peu loufoque, surréaliste : Alice est certes passéede l’autre côté du miroir, mais un miroir grossissant, déformant, à travers lequel elle regarde le monde d’un oeil beaucoup moins naïf et innocent que son modèle. Son regard critique sur la société leste sa parole automatique d’une charge subversive.

Je rentre à la maison est un sketch qui donne la parole à une femme et au récit qu’elle nous confesse d’une journée très particulière, soit « douze heures de la vie d’une femme » qui voit survenir, comme à l’ordinaire, l’énième dispute qui l’oppose à son mari, l’énième accouplement conjugal hâtif et frustrant... L’extraordinaire surgira ce jour-là d’une aventure extra-conjugale que tout à la fois elle assumera et n’assumera pas.

Quant à la troisième pièce, plus longue et dialoguée, Couple ouvert à deux battants, elle se rattache à une tradition vaudevillesque héritée de Feydeau ou de Courteline. Franca Rame et Dario Fo y observent à la loupe un couple qui leur ressemble, et qui ressemble à certains d’entre nous, un couple d’intellectuels ou d’artistes mi-bourgeois mi-bohêmes, héritiers des grandes utopies morales et sexuelles de mai 68, qui croient avoir pris de la hauteur et s’être définitivement affranchis des petites jalousies et autres mesquineries issues de la morale bourgeoise et qui, en dépit de leurs efforts et de leurs principes, ne cessent d’y retomber pitoyablement.

Oser écrire cela, sans concession, sans complaisance, mais avecune vraie sympathie, une sincère humanité, me semble être en soi un authentique témoignage de liberté. ll y a là une liberté de ton et d’invention dont je suis très admiratif.

Stuart Seide

  • Un langage désolpilant et efficace

« J’aime les spectacles fleuves, Henry VI, Le Quatuor d’Alexandrie, Antoine et Cléopâtre, mais j’adore aussi ces joyeux pas de côté que sont les montages de textes brefs tels que ceux que j’ai faits autour de Tennessee Williams et Beckett. Ce sont pour moi des voyages jubilatoires à travers une théâtralité débridée ».

Ainsi parle Stuart Seide qui, à travers les menues crises d’usure du couple post-soixante-huitard, les désenchantements de certains combats féministes et, au-delà, de tout espoir d’émancipation, poursuit sur un autre registre, plus satirique, la collaboration engagée avec quelques-uns des jeunes acteurs du collectif issu de la première promotion de l’EPSAD.

L'homme et la femme... « cette inconnue ». Où en sommes-nous de la révolution sexuelle ? Celle-ci a-t-elle réellement eu lieu ? Et si oui, qu'en reste-t-il ? Stuart Seide se pose la question en s'appuyant sur trois pièces brèves de Dario Fo et Franca Rame : Alice au pays sans merveilles, Couple ouvert à deux battants et Je rentre à la maison. Des textes à l'humour dévastateur qui montrent sous un jour cocasse, un brin désenchanté, les bouleversements vécus au quotidien engendrés par l'amour libre. Aujourd'hui où la pornographie explose sur les écrans de télévision renvoyant la sexualité à son niveau le plus mécanique, ces pièces respirent un réjouissant parfum de fraîcheur.

La « révolution sexuelle » avec ses remises en question et ses ambiguïtés, mais aussi sa liberté joyeuse, appartient incontestablement au passé. Son mérite aura été d'exacerber, volontairement ou non, notre perception de la sexualité - et, du même coup, de la relation avec l'autre. Ce dont témoignent remarquablement Dario Fo et Franca Rame avec leur langage direct aussi désopilant qu'efficace.

  • Divertimento pour couple en femme majeur

Couple ouvert à deux battants se présente ainsi comme une énorme scène de ménage vaudevillesque et boulevardière où le mariage et la fidélité conjugale le disputent à l’amour libre et à l’adultère : « Eh oui ! réplique Antonia à son mari. Le couple ouvert a ses inconvénients. Primo, pour qu’il fonctionne, il faut qu’il ne soit ouvert que d’un côté, celui du mari ! Car s’il est ouvert des deux côtés... ça fait des courants d’air. »

Et c’est bien le point de vue d’Antonia qui, dans ce carrousel amoureux et sexuel hérité du XIX e siècle, apporte subversion et nouveauté. C’est elle qui, d’expérience et à ses dépens, mesure la grande supercherie que fut en définitive, pour la plupart des femmes, la récupération par le mâle embourgeoisé des avancées idéologiques et de la libération des mœurs issue de 68.

Même chose dans Alice au pays sans merveilles, où, sur le modèle inventé par Lewis Carroll, une parole de femme s’abandonne au rêve et au voyage onirique dans une traversée du miroir qui lui fera redécouvrir tous les mirages, les risques et les épreuves qui tout à la fois illuminent et menacent la vie d’une femme.

Derrière les fantasmes hollywoodiens de la consommation, de la mode et du prince charmant, se cache le spectre inquiétant de l’ordre moral, des agressions, de l’inceste, du viol, de la pornographie et de la prostitution. Cet hymne sans complaisance aux lendemains qui déchantent nous sera restitué par Stuart Seide, selon sa propre expression, comme une sorte de « divertimento » idéologique et politique.

Yannic Mancel

Sélection d’avis du public

Alice et cetera Le 23 avril 2010 à 21h59

Epoustouflante interprétation pour cette farce tragique. Vision quand même trés noire du couple malgré les rires.

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Alice et cetera Le 23 avril 2010 à 21h59

Epoustouflante interprétation pour cette farce tragique. Vision quand même trés noire du couple malgré les rires.

Informations pratiques

Théâtre du Nord

4, place du Général de Gaulle 59026 Lille

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Salle climatisée
Spectacle terminé depuis le mercredi 17 mars 2010

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