Quelle perspective d’avenir pourrais-je avoir ? L’Amérique est pleine d’imposteurs.
Le regard d’un sceptique sur le monde nouveau
Entretien
Un Kafka porteur d’espoir
À propos de l'adaptation
À propos de la traduction
La presse
Pour éviter le scandale d’une paternité précoce, l’adolescent Karl Rossmann est chassé de chez lui et prié de faire sa vie dans l’immense Amérique. Il va y rencontrer la providence, les désillusions, l’amitié des compagnons de misère, la méchanceté des hommes, la bienveillance des femmes. Il trouvera sur sa route tout ce qui fait une vie d’homme et tâchera de garder toujours des raisons de croire en l’espérance.
Amerika est le parcours d’un jeune homme dans un monde jeune, à une époque (1912) où se développait en Amérique une société nouvelle, à une allure vertigineuse. Où vices et vertus étaient encore en germe. Où les grandes espérances étaient encore de mise. A la manière d’un Candide moderne, Karl Rossmann va découvrir les visages multiples de l’Amérique. Amerika est le regard d’un sceptique sur le monde nouveau.
Traduction de Wolfgang Pissors et Nicolas Liautard, d’après Der Versholene (L’Amérique) de Franz Kafka.
Avec la participation des jeunes élèves de La Nouvelle Compagnie.
Janouch - Votre roman contient tant de soleil et de bonne humeur. Il y a là dedans tant d’amour, bien qu’on n’en parle pas.
Kafka - Ce n’est pas dans le roman mais dans le sujet : la jeunesse. C’est la jeunesse qui est pleine de soleil et d’amour. La jeunesse est heureuse, parce qu’elle a la faculté de voir la beauté. La perte de cette faculté marque le début de la morne vieillesse, de la décrépitude, du malheur.
Janouch - La vieillesse exclut donc toute possibilité de bonheur ?
Kafka - Non, c’est le bonheur qui exclut la vieillesse. Celui qui conserve cette faculté de voir la beauté ne vieillit pas.
Gustave Janouch dans Conversations avec Franz Kafka, 1920
Dans toute son oeuvre, Kafka se révèle un auteur politique de premier plan, visionnaire du monde futur : fascisme, stalinisme, américanisme. Les dernières pages d’Amerika peuvent être particulièrement saisissantes, où l’on voit le chef des transports s’activer à faire monter Karl Rossmann et toute une foule de candidats au bonheur, cette “assemblée suspecte” de gens sans bagages avec femmes et enfants, dans les wagons d’un train à la destination incertaine.
Dans toute son oeuvre, Kafka se révèle un auteur politique de premier plan, devin du monde futur : fascisme, stalinisme, américanisme. Les dernières pages de l’Amerika peuvent être particulièrement saisissantes, où l’on voit le chef des transports s’activer à faire monter Karl Rossmann et toute une foule de candidats au bonheur, cette « assemblée suspecte » de gens sans bagages avec femmes et enfants, dans les wagons d’un train à la destination incertaine.
Toutefois, si la portée politique et la dimension protestataire du roman sont de fait incontournables, elles ne prennent leur véritable couleur, que prises dans une dynamique de la joie. Entreprise en 1912 dans un élan créateur, Amerika est une oeuvre de libération. Le dénouement laisse entrevoir l’accomplissement final de Karl Rossmann où s’offre à lui une perspective professionnelle comme acteur puis ingénieur, c’est-à-dire celui qui exerce sa puissance sur la machine, après en avoir été la victime.
À l’âge de 16 ans, le jeune Karl Rossmann, abusé par la bonne dont il a eu un enfant, est chassé par ses parents et doit fuir sa patrie allemande pour la miraculeuse Amérique afin « d’empoigner le monde ». Arrivé à New York, le jeune Karl ne cessera de croiser sur sa route la providence systématiquement suivie d’un retournement de situation dont on ne saura jamais très bien s’il est imputable à la malchance ou à une machination.
Dans une société industrielle américaine où le capitalisme croissant n’a de cesse de ramener l’homme à une dimension toujours plus minuscule, le jeune homme descendra un à un les échelons de la sainte échelle sociale. Machine érotique malgré lui, le jeune Karl Rossmann va se voir systématiquement expulsé de tous les systèmes auxquels il tentera de faire partie, mais sans une plainte, avec toujours intacte en lui la foi en l’avenir, l’insouciance de l’innocent, la légèreté et la grâce du jeune poète. Jusqu’à épuisement.
Le dernier épisode d’Amerika verra Karl Rossmann s’enrôler dans l’utopique Théâtre de l’Oklahoma où chacun est utilisé au mieux de ses aptitudes et de ses goûts. Le roman devait s’achever dans le magnifique épanouissement de ce théâtre qui est en quelque sorte le théâtre infini du monde, mais tel que le souhaitait Kafka, c’est-à-dire édifié sur la justice, la pitié, la compréhension réciproque, l’ordre matériel et spirituel, toutes ces choses qui à ses yeux faisaient tragiquement défaut à la société.
À l’encontre de tous les clichés, la lecture de Kafka que je propose est guidée par cette image claire et porteuse d’espoir du jeune Karl Rossmann traversant les épreuves sans se défaire de son innocence. La jeunesse est heureuse, disait Kafka, parce qu’elle a la faculté de voir la beauté.
Nicolas Liautard
Amerika est un roman inachevé auquel de toute évidence il manque des parties considérables, l’ordre de succession des scènes n’est pas toujours certain et le dernier chapitre est à lui seul une énigme. À propos de son roman, Kafka disait qu’il était à l’état de fragment et qu’il était destiné à le rester, que cet avenir était d’ailleurs ce qui lui donnait son plus grand achèvement.
Notre souci majeur dans ce travail d’adaptation aura été de respecter la discontinuité du roman, sa nature fragmentaire. Quelles circulations possibles au théâtre entre ces différents blocs de dialogues ? À peine nous sommes nous autorisés à intégrer quelques éléments narratifs. Tout notre effort a donc consisté à « restaurer » les dialogues existants et uniquement cela.
Notre effort principal dans cette nouvelle traduction aura été de retrouver, en français, quelque chose de cette langue accidentée, vivante, souvent répétitive, que l’on retrouve dans les dialogues allemands écrits par Kafka. Ces « aspérités de la langue » ont été jusqu’ici systématiquement gommées par les traducteurs uniquement soucieux de la belle langue et sans doute marqués par la vision de Kafka qui avait alors cours.
Cette idée d’une langue pure chez Kafka nous donne in fine « du Kafka » au kilomètre, elle a jusqu’à présent conditionné, à des degrés différents, la plupart des travaux de traduction, engluant les parties dialoguées avec le récit dans une uniformité regrettable. Notre souci aura été de redonner à entendre les différents niveaux de la langue dans une oeuvre où la parole est l’enjeu par excellence.
« C’est une épopée un peu farcesque où le tragique fait rire, où les méchants sont légion, mais où la bonté et la pureté apparaissent aussi, en scènes miraculeuses. Le spectacle est remarquable, fluide, vif, précis, fidèle. Ayant réuni un ensemble de comédiens excellents, générations et horizons divers, troupe homogène très bien dirigée, Nicolas Liautard nous révèle un prodige de jeune interprète : Lazare Herson-Macarel, 19 ans, est Karl. Impressionnant par sa liberté, son audace, sa vérité. » Le Figaro
« Nicolas Liautard relève un défi en créant une pièce de théâtre à partir des dialogues du roman que Kafka écrit en 1912 : L'Amérique. Les comédiens tous excellents, notamment Lazare Herson-Macarel, âgé de 19 ans qui incarne avec maturité et grâce le personnage principal du roman, Karl Rossmann. Et puis le bonheur de cette pièce, c'est sa lecture et sa vision à travers une scénographie de bandes blanches qui délimitent 30 lieux du roman sur la scène, comme dans le film de Lars Von Trier, Dogville. » France Info
« Un spectacle très réussi. Sur le plateau, onze acteurs et plus avec les figurants… Un sacré moment de théâtre. » France Culture
« Un vaste travail d’une grande qualité qui happe le spectateur dans l’univers kafkaïen… Une traduction de Kafka soulignant l’aspect humoristique… Servie par quelques 17 comédiens de talent, Amerika est une succession de tableaux et de situations hautes en couleur. » Le Parisien
MAGNIFIQUE mise en scene, comédiens splendide COUREZ-Y!
MAGNIFIQUE mise en scene, comédiens splendide COUREZ-Y!
Place du théâtre (quartier de la Mairie) 94130 Nogent-sur-Marne
Voiture : Autoroute A4, au niveau de la Porte de Bercy en venant de Paris, prendre la sortie n° 5 “Nogent-sur-Marne”, rester sur la voie de gauche.