Dans Andromaque, Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector qui est mort. Une chaine amoureuse tragique qui peut paraître absurde. Hélas, on n’y pourra rien.
Chaque mot nous fera mourir, de honte, de frustration, de désir. On en rira sûrement, chacun pour soi. Le temps de l’illusion d’un dernier souffle. On aurait pu s’en tenir à « Ne me quitte pas, il faut oublier, tout peut s’oublier ». Mais parler pour mieux mourir. Une forme de pardon illusoire, à soi pour soi-même.
Une réconciliation de l’amour avec la mort, de ces deux suspens de vérité. Ce pouvoir tyrannique. Ce désordre. La supposée noblesse des sentiments n’est peut-être ici qu’une sublime supercherie. Car il s’agit bien de monstres sublimes. Monstres de par la violence de l’ inaccompli que chacun porte en soi, sublimes de par la mise à nu qu’offre le langage de Racine. Le tragique résidant dans le fait que toute situation paraît à la fois extraordinairement possible et fatalement impossible à vivre.
Si bien que croire jusqu’au bout à la grandeur du héros serait un prétexte pour ne pas parler d’humain. De sa solitude. De ses défaites. De son impuissance face à ce combat trop lourd entre raison et déraison. Le fantasme restant pour seule délivrance. Une bataille sans d’autre victoire que la jouissance de notre mort à venir. La triste sensualité de l’agonie collective. S’imaginer cette confusion.
Une petite mort ? Admettre l’ordre chaotique qui régit nos existences.
Comme un aveu fait à un sourd.
Un sifflement.
Rien de plus.
Rien de moins.
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