Pour décrire Apertae, il faudrait pouvoir rendre compte du vaste mouvement d'ouverture qui, littéralement, prend possession de la scène et des danseurs. Un lent décloisonnement des genres, des formes, des désirs, qui déplace les centres de gravité de l'espace et du regard – imperceptiblement d'abord puis jusqu'au jaillissement.
Dans l'obscurité, c'est d'abord une voix, un riff de guitare, un chant qui s'élève sur un îlot de carrelage blanc. C'est ce chant qui va entraîner le glissement des plaques tectoniques du vécu, faire dérailler les sentiers du récit. Peu à peu, le territoire imaginaire de la scène se met à dériver pour se faire terre d'accueil, et recueillir les traces d'expérience intime, les gestes de souffrance et d'énergie désespérée des corps qui viennent le peupler.
Cherchant à représenter la "déchirure intime", "l'écartèlement entre soi et le monde", Bernardo Montet est allé puiser dans la matière vivante des interprètes, interrogeant leurs parcours, leurs lectures, leurs origines. Plusieurs histoires se tissent, se racontent, murmurent, se défont, ensemble ou séparément, mais toujours en écho les unes des autres, comme autant de « fragments d'une chronologie du hasard ».
Ces corps et leurs cheminements singuliers se font l'écho d'un imaginaire plus large qu'eux, ils convoquent sur scène une assemblée de fantômes : des personnages de théâtre, des réminiscences de tableaux, de poèmes, de films s'invitent dans les failles du réel. Les places assignées, les fonctions, s'échangent et se transforment jusqu'à inventer un autre être-ensemble.
Au sein de ce groupe hétérogène, la danse s'avance à nu, sauvage, animale, renouant avec des rituels anciens, le cri, la transe. Elle peut aussi se faire mystérieuse, magique, comme cette image d'un homme habillé seulement de ballons colorés, accompagné par la voix d'un autre danseur qui inlassablement répète : « do you understand ? ».
« Est-ce que vous comprenez ? » Apertae nous invite à réinstaller au centre de l'existence sa part maudite, trop souvent reléguée dans la sphère de l'irrationnel, de l'incohérence, de la folie – pour mieux embrasser le monde.
Gilles Amalvi
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