Opéra en un acte avec prologue (1916)
L'oeuvre
La création
« La musique est un art sacré, qui réunit les audaces les plus folles, tel Chérubin sur un trône étincelant ! » Telle est la profession de foi que lance à tue-tête le Compositeur à la fin du prologue d’Ariane à Naxos. De l’audace, en effet, le chef-d’oeuvre de Strauss et Hofmannsthal n’en manque pas : il se présente en un vaste prologue, nous montrant les coulisses de la création, et un opéra en un acte où se mêle avec une liberté grisante le sérieux et le bouffe… Plus que l’illustration du mélange des genres, Ariane à Naxos en est le radieux manifeste.
Exposant leur art poétique, Hofmannsthal et Strauss nous donnent en même temps quelques personnages inoubliables : le Compositeur juvénile, idéaliste, amoureux, frère de Mozart et Wagner à la fois ; la lumineuse Zerbinetta, avec ses coloratures insensées nées d’un rire en cascade ; enfin la noble Ariane, personnage de tragédie lyrique chantant aux étoiles, mais que le prologue nous montre dans ses habits moins flatteurs mais si drôles de diva capricieuse.
Le monde est un succulent désordre que l’art se charge de remettre en ordre, mais dont il ne peut et ne veut lisser les aspérités et les irréductibles contradictions. Un des sommets de l’opéra du XXe siècle.
Musique de Richard Strauss
Livret d'Hugo von Hofmannsthal
Direction musicale : Philippe Jordan
Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Décors : Chantal Thomas
Lumières : Joël Adam
Dramaturgie et collaboration à la mise en scène : Agathe Melinand
Orchestre de l’Opéra national de Paris.
Conçu pour rendre hommage au double talent, dans le domaine du théâtre et dans celui de l’opéra, de Max Reinhardt, qui avait mis en scène Le Chevalier à la rose à Dresde, Ariane à Naxos était initialement rattaché à une représentation du Bourgeois gentilhomme de Molière, avec, entre les deux, un intermezzo chanté qui montrait l’envers du décor et les préparatifs du divertissement joué après le dîner devant M. Jourdain. Mais cette première version, jugée trop longue, n’obtint pas de succès et les auteurs décidèrent de se séparer de la pièce de Molière et de développer l’intermezzo en un prologue dans lequel le rôle du Compositeur prenait davantage d’importance. Cette seconde version d’Ariane à Naxos est une variation sur le « théâtre dans le théâtre », où des figures de la commedia dell’arte (éléments buffa) se mêlent à des figures mythologiques, au sein d’un « opera seria ». Deux concepts y sont opposés – ce qui est éternel et ce qui est éphémère – à travers deux attitudes face à l’amour. Zerbinette, le personnage bouffe, n’en est pas à son premier amant, tandis qu’Ariane est fidèle à son seul amour. Et cet opéra baroque est précédé d’une comédie qui traite de problèmes autrement plus matériels : la vie des artistes vue des coulisses et le désespoir du Compositeur de voir son grand œuvre compromis par l’intrusion des comédiens italiens.
Sur le plan musical, Strauss fait un retour à l’opéra à numéros dans le goût du XVIIIe siècle, avec alternance de récitatifs secs ou accompagnés, d’airs, d’ensembles avec des envolées lyriques et de larges chants héroïques, parfois parodiques. L’esprit d’Ariane est celui des opéras de Haydn, le charme et l’élégance sont de Mozart, alors que l’ensemble est du compositeur lui-même. Renonçant à l’immense orchestre du Chevalier à la rose, il emploie pour la première fois un effectif de chambre d’environ trente-cinq musiciens. Mais il parvient, à la fin de l’ouvrage, pour l’arrivée de Bacchus, à faire sonner sa formation comme s’il y avait une centaine d’instrumentistes, démontrant ainsi que la puissance n’est pas synonyme de nombre.
La seconde version d’Ariane à Naxos a été créée le 20 juin 1916 au Hofoper de Vienne.
Ariane à Naxos a été représenté pour la première fois à l’Opéra-Comique en 1943, avec Germaine Lubin (Ariane) et Janine Micheau (Zerbinette), sous la direction de Roger Désormière, et reprise en 1950 dans une mise en scène de Rodolphe Hartmann et sous la direction de George Sebastian. En 1983, dans ce même théâtre, Jean-Louis Martinoty en proposait une nouvelle mise en scène, dirigée par Jeffrey Tate (décors de Hans Schavernoch, costumes de Lore Haas), avec Hélène Garetti (Ariane) et Ruth Welting (Zerbinette). Cette production a été reprise en 1986, avec Montserrat Caballe dans le rôle d’Ariane.
En 2003, l’œuvre fait son entrée au Palais Garnier dans une mise en scène de Laurent Pelly (qui signait aussi les costumes), avec Katarina Dalayman (Ariane), Sophie Koch (le Compositeur), Natalie Dessay (Zerbinette), sous la direction musicale de Pinchas Steinberg. C’est cette production qui est de nouveau à l’affiche en 2010.
Place de la Bastille 75012 Paris
Réservation possible également au 01 40 13 84 65 pour les places non disponibles en ligne et/ou pour les choisir.
Accès en salle uniquement sur présentation du billet électronique que vous recevrez par email.