Armide est la dernière tragédie en musique (en cinq actes et un prologue) terminée par Jean-Baptiste Lully. Immédiatement saluée comme le chef-d'oeuvre de son auteur, l'oeuvre a connu, en France comme à l'étranger, de nombreuses reprises au cours des siècles derniers. L'histoire qui se passe au temps des croisades met en scène un jeune chevalier français, Renaud, qui affronte avec témérité la colère et les charmes de la princesse magicienne Armide, nièce du roi. Mais celle-ci, décidée à tuer le jeune croisé, est déchirée par l'amour qu'il lui inspire…
Contrairement à la plupart des opéras de Lully, cette oeuvre met l'accent sur le drame que traverse un seul personnage, Armide, et traite de la confrontation tragique de l'amour et de la guerre. Le livret est signé Philippe Quinault, d'après Le Tasse. La reprise par l'orchestre Mercury Baroque de Houston (Texas) réuni les mêmes interprètes et musiciens qu'à la création du spectacle, à Houston en mai 2009 par cet ensemble baroque, avec la soprano française Isabelle Cals dans le rôle titre, le ténor Zachary Wilder dans le rôle de Renaud et le baryton Sumner Thompson dans celui de Hidraot. Lauren Snouffer incarne Phenice et la Gloire, et Sarah Mesko chante les rôles de Sidonie et de la Sagesse. Cette reprise marque aussi les premières représentations européennes de l'ensemble Mercury Baroque depuis ses débuts qui remontent à 10 ans.
Mercury Baroque s'étant donné en grande part pour mission de ré-imaginer la musique Baroque, Antoine Plante, son directeur artistique, a cherché à donner d'Armide une version renouvelée et moderne. L'Armide de Plante et Rambert a pour cadre le Moyen-Orient au temps des Croisades. « …Nous avons voulu explorer les souffrances de la guerre, comment celles-ci sont intimement vécues par chaque individu et se muent en peine d'un amour impossible entre deux êtres, entre deux états, entre deux visions du monde », précise Pascal Rambert.
Sa mise en scène contemporaine se propose de montrer simplement la réalité sans juger celle-ci. A l'opposé, l'orchestre Mercury Baroque joue sur d'authentiques instruments d'époque baroque. « La musique baroque française, peut-être plus que toute autre musique de cette époque, est pleine de passion et d'énergie, ce dont le chef d'oeuvre de Lully offre un exemple saisissant » explique Antoine Plante. « La richesse de l'écriture orchestrale, l'énergie des parties en basse continue et la dramaturgie des parties vocales s'allient pour faire d'Armide un chef d'oeuvre. »
Le sujet de cette tragédie en musique dont l'héroïne est une femme est emprunté à la Jérusalem Délivrée (Gerusalemme liberata) écrite par Le Tasse, l'un des grands poètes italiens du XVIe siècle. Il a trait aux relations entre Croisés et “Infidèles.” Issu d'une noble famille spoliée de ses biens dans une tourmente politique, Le Tasse nourrissait pour le pouvoir et les machinations politiques une grande aversion dont la légende d'Armide se fait l'écho. Féru de latin, de grec, de mathématiques, de philosophie et de rhétorique, Le Tasse est l'auteur de poèmes épiques qui devaient inspirer au fil des siècles suivants des compositeurs aussi divers que Handel (opéra auquel le héros chrétien Rinaldo donne son nom), Haydn, Rossini, Dvorák, tous auteurs d'une oeuvre sur le thème d'Armide.
Les conventions rhétoriques étaient courantes à l'époque baroque. Les joutes oratoires dans les salons, les débats enflammés de l'Académie et même les concerts de musique vocale et instrumentale étaient censés inclure ces subtilités intellectuelles imposées par la pratique de la rhétorique officielle. Tragédie lyrique, l'oeuvre de Lully contient le traditionnel prologue suivi par cinq actes. Comme cela est la règle dans l'Opéra baroque, le prologue esquisse la proposition rhétorique – il annonce le thème de l'oeuvre à venir.
En l'occurrence, la Gloire (allégorie des vertus de la guerre) et la sagesse (allégorie des vertus de la Paix) sont priées par Louis XIV - considéré comme adepte de l'une comme de l'autre – d'assister à un conte moral qui veut prévenir contre l'utilisation d'artifices pour séduire et dont les héros sont la puissante princesse/sorcière/guerrière musulmane Armide et le valeureux soldat chrétien Renaud.
Le récit de l'acte I et de l'acte II plante le décor et noue l'intrigue en nous apprenant que de courageux Croisés capturés se sont échappés, délivrés par leur chef Renaud. Armide appelle à l'aide les démons pour retrouver Renaud et le transporter sur l'île déserte où s'élève le palais enchanté qu'elle a créé pour le partager avec son prisonnier. L'Acte III peint la détresse psychologique qu'éprouve Armide en aimant un ennemi dont elle n'a pu s'assurer la dévotion qu'au prix de ses enchantements de magicienne. Elle sollicite l'aide de la Haine, qu'elle finit par repousser. L'Acte IV voit les lieutenants de Renaud, Ubalde et le “Chevalier Danois” partir à la recherche de leur chef, aux prises avec les pièges les mieux tendus d'Armide.
Au dénouement, les fidèles aides de camp rompent les charmes qui envoûtent Renaud et finissent par sauver celui-ci. Armide, en proie à un mélange de rage et de désespoir – ordonne aux démons de détruire son palais enchanté et s'enfuit. Les allégories de la Gloire et de la Sagesse (ou leur absence) dominent toutes deux cette oeuvre baroque de la maturité. La musicologue Judith Schwartz y voit « les forces universelles de la dissolution, de la distorsion, de la discordance et de l'inharmonie » vaincues par la « cohérence, la régularité, la concorde et l'harmonie. » La danse, la musique et la littérature s'allient pour engendrer une rhétorique de passion et de plaisir.
Dr. Yvonne Kendall
Nous avons passé deux heures très très agréables ! Bravo pour cette mise en scène surprenante , amusante, touchante ... un orchestre époustouflant, des chanteurs de grand talent !
Nous avons passé deux heures très très agréables ! Bravo pour cette mise en scène surprenante , amusante, touchante ... un orchestre époustouflant, des chanteurs de grand talent !
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