Au Bois lacté

du 10 septembre au 8 décembre 2013
1h30

Au Bois lacté

Les habitants d'un village gallois dorment, c'est la nuit. Pêcheurs, institutrice, facteur, boulanger, tous vivent dans leurs rêves ce qu'ils n'oseraient même pas imaginer dans la réalité. Leurs voeux les plus fous se bousculent dans leur sommeil, les âmes des noyés refont surface... Stephan Meldegg s'empare de cette pièce radiophonique de Dylan Thomas, concue en réponse au bombardement atomique de Hiroshima.

Une plongée sensuelle dans le monde des rêves
La presse
Note d'intention du metteur en scène
Une vie débordante
Un poète orphelin
Extrait

  • Une plongée sensuelle dans le monde des rêves

Les habitants d'un village gallois dorment, c'est la nuit. Pêcheurs, institutrice, facteur, boulanger, tous vivent dans leurs rêves ce qu'ils n'oseraient même pas imaginer dans la réalité. Leurs voeux les plus fous se bousculent dans leur sommeil, les âmes des noyés refont surface, le Captain. Cat s'embarque sur des mers déchaînées...

Au matin, chacun reprend son train-train. Les villageois se replongent dans leur quotidien. Mais leurs rêves secrets ont laissé des traces. Des bouffées de sensualité sauvage, des regrets, des rancoeurs les assaillent. Des jalousies les submergent, des désirs fous les traversent, des amours contrariées les rongent. Alors, les hommes boivent de la bière, et les femmes caquettent.

Dylan Thomas est unanimement reconnu comme l’un des plus brillants poètes du XXe siècle de langue anglaise. Leader de la littérature anglo-galloise. Son univers vif et fantastique était un rejet des conventions de son siècle. À l’inverse de ses contemporains qui tendaient vers des sujets politiques et sociaux, Thomas exprimait ses émotions avec passion.

  • La presse

« L’adaptation de Stephen Meldegg pour le petit plateau du Poche est une vraie réussite. Les nombreux personnages sont magnifiquement bien dessinés par les sept comédiens de la distribution, tous excellents. Ils passent d’un personnage à l’autre avec une aisance parfaite. On ne perd rien de l’action et des différentes histoires, tout est limpide et la poésie de Dylan Thomas est intacte. Cette mise en scène est une véritable prouesse et nous fait voyager dans les rêves et l’imaginaire de ces habitants. Une belle fable pour débuter la saison ! » Scèneweb, 12 septembre 2013

« Composée comme un oratorio, la petite chronique villageoise déroule ses péripéties, où le trivial côtoie la poésie dans une langue terrienne, drue, chantante. Un choeur de sept comédiens excellents dessinent, par une attitude, un accessoire, soixante-trois personnage. » Journal du dimanche

« Dylan Thomas est considéré comme le meilleur poète gallois de langue anglaise au siècle dernier. D'une beauté rare, sa poésie se paie de peu d'influences, un Rimbaud mâtiné de Cendrars, hermétique et populaire, plein de verve truculente et de métaphores incongrues. » Magazine littéraire.com

« Sept comédiens pour jouer 63 rôles (plus chèvres et moutons), c’est une performance, qui implique virtuosité, sens du rythme, retenu. Et côté metteur en scène, un travail de « débroussaillage » intense du texte. Là est le grand mérite de Stephan Meldegg : il rend la pièce limpide. Nous fait passer d’un personnage à l’autre, du rêve à la réalité, sans nous perdre en route. » Philippe Chevilley, Les Echos, 26 septembre 213

  • Note d'intention du metteur en scène

« C’est en 1959 que j’ai découvert, comme spectateur, Under Milk Wood de Dylan Thomas, au Crest Theatre de Toronto. Ce langage simple, populaire et si poétique à la fois me séduisit immédiatement. Je fus emballé par le souffle de fraîcheur qui s’en dégageait. Parmi les acteurs de la troupe, jouait un authentique Gallois, Powys Thomas (qui, malgré son homonymie avec l’auteur, n’avait aucun lien de parenté avec lui). Engagé peu après comme régisseur dans ce même théâtre, j’eus par la suite l’occasion de côtoyer cet acteur et, lorsqu’il parlait du Pays de Galles, cela m’éclairait davantage sur le monde de Dylan Thomas, et me le rendait plus familier.

Quelques années plus tard, j’ouvris mon premier théâtre à Paris (un restaurant-théâtre, Le Tripot) et c’est tout naturellement que m’est venue l’envie de monter Under Milk Wood en français. J’appris qu’il existait une traduction de Jacques B. Brunius, qui avait travaillé pendant la guerre à la BBC où il avait rencontré Dylan Thomas. En effet, le texte avait été écrit pour la radio, mais n’y a été créé qu’après la mort de l’auteur, en janvier 1954, avec, dans le rôle du narrateur, Richard Burton. Auparavant, en mai 1953, c’était l’auteur lui-même qui avait lu ce personnage et plusieurs autres, entouré d’acteurs amis qui, eux aussi, tenaient différents rôles, à la Maison de la poésie à New York.

Dylan Thomas n’a donc malheureusement pas connu l’immense succès qu’a remporté son texte partout dans le monde. Quand j’ai lu la traduction de Jacques B. Brunius, j’ai beaucoup admiré le fait qu’il ait su rester fidèle au poète tout en se montrant si inventif. Des tournures telles que « Gossamer Beynon haut-talonne à la sortie de l’école... » m’ont tout de suite charmé. Et j’ai monté Au bois lacté avec ma bande d’amis, Jean Laroquette, François Gamard, Jacques Tessier, Christine Terry, Martine Vatel et Nicole de Surmont, dans la cave voûtée de mon restaurant, Le Tripot, qui ne comportait qu’une petite trentaine de places. Après avoir dégusté mon goulasch hongrois à l’étage, tout le monde descendait au Pays de Galles, dans la cave. En raison du succès, le spectacle a déménagé au Lucernaire, où le public et la critique nous ont fait un accueil formidable. Puis, avec mes amis, nous avons créé la Compagnie du Bois Lacté et sommes partis sur les routes, pour jouer le spectacle en tournée.

Quand en 1982, j’ai pris la direction du Théâtre La Bruyère, il m’a semblé évident de monter Au bois lacté pour y démarrer ma première saison. Une fois de plus, le succès fut au rendez-vous. Pas de doute, cette pièce me tenait lieu de talisman. Les années ont passé, durant lesquelles j’ai eu la chance de découvrir d’autres auteurs magnifiques, anglo-saxons ou pas, mais Dylan Thomas a toujours tenu une place particulière dans mon coeur. Et mettre en scène à nouveau, aujourd’hui, Au bois lacté au Théâtre de Poche représente pour moi un vrai bonheur. »

Stephan Meldegg

  • Une vie débordante

« Soixante-trois personnages, sept acteurs. La virtuosité du texte s’impose aux trois femmes et aux quatre hommes qui jouent ces villageois hauts en couleurs et en voix. Ce sont eux qui vont porter leurs passions, leurs excès, leurs espoirs. Ce sont leurs corps qui vont devenir ceux d’un enfant et d’un vieillard, d’une jalouse et d’une gourmande, d’une grenouille de bénitier et d’une fille qu’on couche dans l’herbe de son plein gré, d’un boulanger négligé, d’un facteur diligent, d’un organiste fervent, d’un pasteur poète, d’un cordonnier fou d’amour. Oui, virtuoses, il faut qu’ils le soient, ces acteurs, pour épouser le style dense et fluide de Dylan Thomas, pour porter ce verbe luxuriant et goûteux, pour nous transporter dans ce drôle de monde jeune et vieux de l’auteur gallois. Jeune car débordant de sensualité et d’exubérance, vieux car évoquant si bien la fin des choses, comme par une prescience de sa mort précoce.

Ses personnages galopent. Ils poursuivent qui un amour impossible, qui une vie meilleure, qui un mystère qui se trouve peut-être de l’autre côté de la mer... La partie nocturne leur permet une grande liberté d’imagination dans l’expression de leurs fantasmes. Mais, même éveillés, ils courent après leur rêve. Cela fait écho à nos propres itinéraires, nous qui courons, pendant toute notre vie, après des chimères. Je demande beaucoup à mes acteurs. Ils doivent se jeter dans leurs personnages prestement et sincèrement, car ils n’ont, souvent, qu’une réplique pour les dessiner. Vite, vite, les voilà quelqu’un d’autre, et encore quelqu’un d’autre, et on y croit instantanément, ils n’ont pas le choix, c’est l’enjeu même de ce spectacle. Un décor dépouillé, pas d’époque définie, aucun changement de costume, telle est la gageure que je m’étais déjà fixée les deux autres fois où j’ai monté cette pièce. La magie peut naître de si peu d’éléments, et même, le « peu » est ce qui la fait naître. »

Stephan Meldegg

  • Un poète orphelin

Cette poésie n’a ni père, ni mère ; Dylan Thomas est un poète orphelin. On pourrait fouiller ses lignes charbonneuses pour y trouver l’humus du langage de Synge, une tendresse particulière sous le feuillage de Miller ou de Dickens, ou le rejet prononcé du terreau livresque d’Auden. Il n’en est rien, les mots que nous avons là sont singuliers : on les esquisse sans jamais les tracer. Si la poésie de Thomas a été enfantée, ce n’est que par son originalité, les embruns de la baie de Swansea et la vapeur enivrante des pubs d’Hammersmith. En 1945, sa voix grave et vibrante offre à la BBC Quite Early One Morning ; c’est le début d’une obsession poétique. Huit années de travail furent nécessaires pour que soit livrée la version complète d’Au bois lacté à la radio britannique, un charivari rural qui ne se découvre qu’aux oreilles les plus franches. Le poète mourra deux mois plus tard ; la perfection voulut qu’il eût alors 39 ans et qu’il laissât derrière lui ce texte, cette oeuvre et une infinie jeunesse.

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  • Extrait

PREMIÈRE VOIX : Écoute. C’est la nuit qui bouge dans les rues, la lente musique processionnelle de la brise salée dans la Rue du Couronnement et dans la Ruelle aux Coques, c’est l’herbe qui pousse sur la Colline de Llareggub, la chute de rosée, la pluie d’étoiles, le sommeil des oiseaux dans le Bois lacté.

MR. EDWARDS : Je suis un marchand de blanc fou d’amour. Je vous aime plus que toute la fl anelle de coton et tout le calicot, plus que tout le tissu éponge, le basin brillanté, toute la toile et tout le mérinos, tout le tussor, la cretonne, le crépon, la mousseline, la popeline, le coutil et le croisé du Marché mondial de la Draperie.

MR. PUGH :
Voilà ton arsenic ma chère,
Et ton biscuit à tuer le chiendent.
J’ai étranglé ton perroquet,
J’ai craché dans les vases,
J’ai mis du fromage dans les trous de souris
Voici ta...
Grincement de la porte qui s’ouvre
... Bonne tasse de thé, chérie.

MRS. PUGH : Trop de sucre.

MR. PUGH : Tu ne l’as pas encore goûtée, chérie.

MRS. PUGH : Trop de lait alors. Mr. Jenkins a-t-il récité sa poésie ?

MR. PUGH : Oui, chérie.

MRS. PUGH : Alors il est l’heure de se lever. Donne-moi mes lunettes. Non, pas celles pour lire ! Je vais jeter un
coup d’oeil dehors. Je veux voir...

POLLY JARRETIÈRE : Moi, Polly Jarretière, sous le linge qui sèche dans le jardin, donnant le sein à mon joli nouveauné. Rien ne pousse dans notre jardin sauf le linge. Et les bébés. Et où vivent leurs pères, mon amour ? Par-delà la colline et très loin. Tu me regardes maintenant. Je sais ce que tu penses, pauvre petite créature laiteuse. Tu te dis : « Polly ne vaut pas grand-chose mais ça me suffi t. » Oh, la vie n’est-elle pas terrible, Dieu merci ?

CAPTAIN CAT :
Je ne te mentirai pas.
La seule mer que je voyais
Était la basculante mer
Où tu mouillais.
Étends-toi ! Repose !
Que je naufrage entre tes cuisses.

DEUXIÈME VOIX : Dans le bourg qui s’embrunit, Mae les Rosiers, toujours étendue dans le trèfl e, écoute mastiquer les biques, et encercle de rouge à lèvres ses tétins.

MAE LES ROSIERS : Je suis facile. Je ne vaux pas grand-chose. Dieu va me foudroyer. J’ai 17 ans. J’irai en enfer.

DEUXIÈME VOIX : dit-elle aux chèvres.

MAE LES ROSIERS : Attendez un peu. Je vais fauter à en éclater.

BOYO : Moi, Boyo-Bon-à-Rien, dérivant lentement sur mon youyou Zanzibar, dans la baie grouillante de carrelets, couché sur le dos dans l’eau non écopée, parmi les pattes de crabe et les lignes emmêlées, je contemple le ciel printanier. Je ne sais pas qui est là-haut, et je m’en torche.

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Spectacle terminé depuis le dimanche 8 décembre 2013

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