Parti assiéger Babylone, le sultan Amurat a transmis en son absence tout pouvoir à Roxane, sa favorite. Se sentant en disgrâce, le grand vizir Acomat conspire pour que le frère d’Amurat, Bajazet, devienne sultan. Il imagine une rencontre entre ce dernier et Roxane afin qu’elle tombe amoureuse et qu’il accède au titre. Or, la princesse Atalide qui lui sert d’intermédiaire et Bajazet s’aiment en secret.
Dans cette tragédie, Racine mêle dans l’univers confiné du sérail complot politique et amoureux.
« Il n’en reste pas moins que les Comédiens-Français sont à peu près les seuls à pouvoir jouer la langue de Racine avec une telle aisance et une telle pureté, et que ce Bajazet offre un vrai plaisir d’acteurs. Les rôles féminins sont ici particulièrement bien travaillés : c’est un bonheur de voir ce que Clotilde de Bayser, avec une intelligence de jeu et une belle humanité, fait du personnage de Roxane, femme de pouvoir avant l’heure, défaite par l’amour. » Fabienne Darge, Le Monde, 17 avril 2017
« Métaphore des intrigues de la cour de Versailles, la pièce ne manque pas de charme avec son côté « mille et une nuits » tragique. Dans sa scénographie, Eric Ruf a su rendre avec justesse l'atmosphère de « huis clos » du sérail. Une forêt de vieilles armoires occupe une bonne partie de la scène, révélant, quand les portes s'ouvrent en grinçant, des robes d'apparat, ou un vide inquiétant. Sur le sol, une mer de chaussures suggère l'armée des ombres des femmes aimées, puis délaissées. Les comédiens évoluent avec précaution dans ce précieux capharnaüm, magnifié par un saisissant clair-obscur. » Philippe Chevilley, Les Echos, 11 avril 2017
Bajazet est l'une des pièces les moins jouées de Racine. Pourtant s'entremêlent tous ses thèmes privilégiés, réunis et scrutés, deux fantasmes extraordinairement imbriqués, plus que dans n’importe quelle autre de ses pièces. Celui du pouvoir qui, porté par un être absent dont le retour est incertain, s’en trouve décuplé. Et celui du gynécée, lieu du fantasme le plus absolu. Dans cet antre de l’intime féminin où se concentrent les fantasmes, entièrement coupé de l’extérieur et parfait opposé d’une caisse de résonance, l’homme ne pénètre que par effraction ou par stratagème. Un univers où, plus qu’ailleurs, l’homme est l’étrange étranger de la femme et inversement.
Le lieu unique, garant d'une des règles d'unité du théâtre classique, est ici une chambre sourde au cœur profond d'un sérail. Rarement lieu de fiction aura figuré aussi bien le cœur abîmé d'amour : Racine y concentre sa plume pour les errements du cœur, l’espace physique est celui du sentiment, l’architecture du sérail celle des détours intérieurs. Racine semble conduire ses personnages dans les arcanes de ce lieu retiré où ne parvient nul bruit du monde, à la manière du sentiment amoureux s'immisçant et se retirant au centre du corps, le cœur, jusqu'à le faire éclater : l’amour, quand il n’est pas dit, qu’il est tu, qu’il est fantasmé, qu’il est à peine vécu, atteint un paroxysme. Garnier, un siècle auparavant, décrivait l'amour comme une maladie, Racine ne l'a pas oublié et peint magnifiquement les ravages de ce sentiment envahissant, capable de grandir silencieusement dans l'ombre de l'orgueil, du courage ou des certitudes pour finir par prendre toute la place et laisser les héros exsangues et proches de la folie ou de la mort. Les empires les plus puissants sont balayés par l'amour qui en sape les fondements et les hiérarchies. C'est la grande leçon de Racine.
Ce lieu du pouvoir rencontre le lieu de l’intimité absolue. C’est la raison et le cœur. J’ai imaginé une clairière au milieu d’une forêt « armoisée » comme on dirait arborisée. J’aime ce que racontent les armoires, elles transportent des histoires, ont vu des générations d’adolescentes pleurer sur leurs flancs, laissent supposer à chaque femme une vie secrète. On y enferme la soie la plus précieuse comme le harem emprisonne les beautés les plus grandes. C’est mystérieux une armoire et il ne faut pas grand changement de lumière pour que leur présence imposante s'incarne et se personnifie en témoin muet et navré. Leurs chapiteaux sculptés, magnifiquement ornementés, la nuit tombée se transforment toujours pour les enfants en fresque diabolique. Au cœur de ce dédale, une armée de chaussures, à la fois incroyablement sensuelles et totalement angoissantes, des chaussures vides qui disent aussi l’absence et la mort.
Lorsque la pièce débute, cela fait six mois que les personnages vont contre leur nature, contre l’ordre social, contre le pouvoir. Ils sont déjà épuisés, dans un état d’extrême fatigue et donc d’hypersensibilité. On dit souvent que chez Racine, quand cela commence c’est déjà fini, parce que les personnages nous arrivent ici à bout de forces et que le point ultime de la tension est atteint lorsque le rideau se lève. Alors dans ce théâtre du présent, on frôle le drame. Les personnages disent beaucoup, mais ne savent pas ce qu’ils ressentent : on est dans de la maïeutique pure, incessante. Son théâtre est un défi constant pour les acteurs, il est toujours délicat dans le jeu d'en trouver les équilibres et les températures de chauffe. Les tentations sont grandes entre l'oratorio pur, le fantasme musical et l'incarnation concrète de cette langue-poésie.
La langue de Racine est faite à la fois d’objectivité et de sentiments purs. Pour l’avoir beaucoup jouée, j’aime le voyage qu’elle impose, comme celle de Claudel, une langue à inventer. Il faut oser s’approprier l’alexandrin, le bousculer un peu sans le maltraiter pour faire entendre le sens de ce théâtre actif, de cette enquête policière qui trouve son essence dans les points d’acmé. C’est là que tout se passe : l’art de l’acteur consiste à pouvoir tracer une page et demie sur le même argument. La somme de ce qu’il faut grimper, argument par argument, pour arriver au sommet permet de découvrir ce qui se trouve sur l’autre versant. Pour faire cette route dans la langue classique, il ne faut pas s’arrêter sur toutes les images, sous peine de se perdre en chemin. Alors seulement on pourra basculer dans l’antithèse de la thèse qu’on vient d’énoncer.
D'évidence, Racine dans cette œuvre et sous couvert d'un exotisme arrangeant, tend un miroir à la cour versaillaise : conseillers occultes, courtisanes, roturières, princesses de sang, favorites, sultan soleil, portes dérobées et masquées dans l'ordonnance des moulures, jalousies, enfermements et murmures. Tout y est. Pas de grand vent tragique ici, ni de chapiteaux corinthiens, nulle mythologie mais bien la description plus concrète, plus narrative, des atermoiements de cœurs plus bêtement humains.
Éric Ruf, mars 2017
remarquable - les jeux d'acteur sont excellents. le chois du jeu d'Atalide est justifié et est subtil même si il y a quelques exagérations. Juste une petite correction de metteur en scène! Bravo. Le texte de Racine est magnifiquement mis en valeur. De grands comédiens
Jeux d'acteur pas a la hauteur, notamment le jeux de l'actrice Rebecca jouant Atalide qui sonne faux.
Très bon spectacle, grâce à une scénographie simple et inventive, une excellente distribution, des éclairages très réussis. Le silence dans la salle était impressionnant et témoignait de l'attention portée au texte. L'alexandrin, jamais déclamé, toujours audible, ajoute à l'intelligibilité du texte. Particulièrement bonne, la performance de Clotilde de Bayser dans le rôle de Roxane (variété et subtilité des intonations, et une sorte de rage brutale, quasi vulgaire, dans l'expression de la souffrance amoureuse, qui contraste avec l'élégance générale du discours et du ton).
Il faut aimer le théârte classique, et en rime. le jeu est bon, la salle confortable. Avis aux amateurs/connaisseurs...
Pour 5 Notes
remarquable - les jeux d'acteur sont excellents. le chois du jeu d'Atalide est justifié et est subtil même si il y a quelques exagérations. Juste une petite correction de metteur en scène! Bravo. Le texte de Racine est magnifiquement mis en valeur. De grands comédiens
Jeux d'acteur pas a la hauteur, notamment le jeux de l'actrice Rebecca jouant Atalide qui sonne faux.
Très bon spectacle, grâce à une scénographie simple et inventive, une excellente distribution, des éclairages très réussis. Le silence dans la salle était impressionnant et témoignait de l'attention portée au texte. L'alexandrin, jamais déclamé, toujours audible, ajoute à l'intelligibilité du texte. Particulièrement bonne, la performance de Clotilde de Bayser dans le rôle de Roxane (variété et subtilité des intonations, et une sorte de rage brutale, quasi vulgaire, dans l'expression de la souffrance amoureuse, qui contraste avec l'élégance générale du discours et du ton).
Il faut aimer le théârte classique, et en rime. le jeu est bon, la salle confortable. Avis aux amateurs/connaisseurs...
Il n'est pas certain que les cinquante paires de chaussures aient facilité la compréhension du texte.
21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris