Pour sa deuxième venue à la Comédie- Française, après Mémoire de fille d’Annie Ernaux en juin 2023, Silvia Costa choisit « la pièce écossaise », comme il est d’usage de la nommer par superstition ; d’aucuns allant même jusqu’à appeler le couple assassin « M. » et « Lady M. ».
Entrée au Répertoire en 1985, dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent pour la Cour d’honneur au Festival d’Avignon, cette tragédie de la nuit continue de fasciner tant par la densité de son action, éminemment sanguinaire, que par la place donnée au surnaturel.
La metteuse en scène italienne, dont les créations sont très présentes ces dernières années sur les scènes de théâtre et d’opéra, s’intéresse au destin du général Macbeth à qui trois sorcières ont prédit qu’il accèderait au trône. Dès lors, obsédé par la prophétie, il commet le régicide avec l’aide de son épouse. Au meurtre de Duncan, roi droit et généreux, succède celui de son ami Banquo, témoin gênant. Le couple ploie sous la culpabilité et sombre dans la folie, comme si le roi usurpateur et Lady Macbeth – obnubilée par ses mains qu’elle voit tachées de sang – représentaient une même figure de la complexité humaine.
Depuis l’annonce des trois sœurs fatales à la scène inaugurale (« L’immonde est beau, le beau immonde / Planons dans le brouillard et dans les miasmes du monde »), l’entièreté de la pièce est soumise à une confusion des valeurs qui fait s’étendre l’intime aux mondes moral et politique : entre le bien et le mal, mais aussi entre raison et folie, réel et apparence, soif de pouvoir et transgression, vie et mort, masculin et féminin... Silvia Costa imagine un espace métaphorique, comme une entrée dans le labyrinthe de la conscience du roi. Macbeth, pour qui « la vie n’est qu’un fantôme errant », se découvrira lui-même tandis qu’il fera l’apprentissage de ses pulsions les plus obscures.
Place Colette 75001 Paris