Bal Perdu

Bagnolet (93)
du 18 septembre au 3 octobre 2008

Bal Perdu

En apparence, il s’agit de l’histoire d’un homme et d’une femme dont s’efface l’histoire. En apparence, il s’agit d’histoires d’amour et de mort. D’histoires à faire hurler ou bien chanter d’amour deux morts. Une danse macabre.

Une pièce palimpseste
Sources
La compagnie Interstices
Extrait
Dramaturgie
Une pièce qui s'inspire du théâtre Nô
Un texte ? Une danse ?
L’argument
Une dramaturgie de l'acteur
Scénographie

  • Une pièce palimpseste

Le mot de « palimpseste » désigne la manière de travailler. Les textes choisis fonctionnent comme des mécanismes d’évocation pour élaborer la partition, la didascalie de la pièce. Bal perdu est le poly-palimpseste des pensées, textes, actions effacées, matières et sources diverses du travail sur les Faux Bals. L’inspiration essentielle du travail du palimpseste est empruntée à Paysage sous surveillance de Heiner Müller. D’après les notes de Heiner Müller, sa pièce « décrit un paysage par-delà la mort. Explosion du souvenir dans une structure dramatique qui a dépéri. L’action est ce qu’on veut puisque les conséquences sont du passé ».

Bal perdu peut être vu comme une réponse à Paysage sous surveillance et à l’écriture singulière « post-dramatique » et « post-épique » de Heiner Müller : après l’explosion d’un souvenir. Bal Perdu peut être lu comme une divagation autour du livret d’un opéra de Bartok, un rêve de l’héroïne de La douce de Dostoïevski qui citerait Gottfried Benn…

Bal Perdu clôt la série de créations Les Faux Bals. Ces créations s’inspirent de l’idée, d’une pauvreté en expérience liée à une incapacité à faire le récit de ce qui a eu lieu, incapacité que Walter Benjamin considère être une nouvelle forme de barbarie.

Les textes choisis fonctionnent comme des mécanismes d’évocation pour élaborer la partition de la pièce, conçue comme une longue didascalie. En apparence, il s’agit de l’histoire d’un homme et d’une femme dont s’efface l’histoire. En apparence, il s’agit d’histoires d’amour et de mort. D’histoires à faire hurler ou bien chanter d’amour deux morts.

La dernière pièce de la série, Bal Perdu, se présente comme un palimpseste de paroles, pensées et actions effacées. Bal perdu est un conte oscillant entre un récit en quête d’une « Vérité pour éclaircir l’histoire » (comme le voudrait Fédor Dostoïevski) et un poème qui « vit de ce qui se décompose » (comme le soutient Gottfried Benn). Les fantômes errent entre lits conjugaux et tables de dissection.

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  • Sources

Paysage sous surveillance de Heiner Müller
Cerveaux de Gottfried Benn
La douce de Fedor Dostoïevski
Barbe-bleue, l’opéra de l’homme amer et Chant de la tête arrachée de Royds Fuentes-Imbert

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  • La compagnie Interstices

Depuis plusieurs années, la compagnie de théâtre Interstices propose à ses protagonistes des espace et des temps de pratiques artistiques et de réflexions sur la pratique artistique. Interstices produit des spectacles, génère l’écriture et la publication de pièces, soutient la traduction ou l’élaboration d’articles et d’essais théoriques, réalise des films vidéos…

Cette production s’appuie sur un processus de recherche sur le jeu d’acteur et l’écriture dramatique. Interstices convie au partage des artistes issus de plusieurs disciplines (théâtre, danse, musique, arts plastiques, photographie, graphisme…) et des universitaires et chercheurs de champs différents (en études théâtrales, musicologie, philosophie, sociologie, anthropologie…)

En lien avec son travail de création et de recherche, Interstices développe aussi des activités d’enseignement. La nature protéiforme des réalisations et activités d’Interstices ouvre des chemins singuliers de rencontres entre le public et les oeuvres.

Les artistes de la compagnie : Marie Lamachère, directrice artistique de la compagnie, metteur en scène, dramaturge, actrice ; Royds Fuentes-Imbert, poète, dramaturge, metteur en scène ; Michaël Hallouin, acteur ; Michaël Viala, artiste plasticien, scénographe ; Gilbert Guillaumond, réalisateur, régisseur général et créateur lumières.

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  • Extrait

"Qui j’étais. Qui elle était, elle. Lui, qui il était.
LUI ; Comment s’appelait-il ? Quel était son prénom ? Werff. Son nom ? Werff Rönne. Qui était-il ? Un médecin légiste ? Un médecin militaire ? Barbe-Bleue de Yopougon ?
ELLE ; Judith Corbaz ? Une infirmière ? Sa femme ? Sa complice ?
Elle : La douce ? Lui : Le plus noble des hommes ? Mais je n’y crois pas moi-même.
Deux par table. Hommes et femmes tête-bêche. Proches, nus mais sans douleur. Crâne ouvert. Poitrine en deux."

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  • Dramaturgie

Nous pensons généralement que nous avons réellement fait l’expérience de quelque chose lorsque quelque chose se modifie dans notre perception. Comment l’Histoire, et comment une histoire, peuvent-elles se cristalliser dans l’esprit ? Comment peuvent-elles s’incorporer ? Par la pensée comme idée du corps ? Ou bien par le corps comme machine à remonter le temps ? Voici des questions pour le théâtre ou pour la danse. Que raconte le texte de Dostoïevski ? Une histoire d’amour qui finit par le suicide d’une jeune femme. Devant le cadavre de sa femme, un homme se remémore et tâche de comprendre. De quelle expérience nous font part les poèmes de Gottfried Benn ? Celle de « la sérénité de l’esprit désespéré », celle d’un médecin pendant la guerre, observant les tables de dissections anatomiques, fréquentant les morgues, côtoyant la mort.

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  • Une pièce qui s'inspire du théâtre Nô

Bal Perdu s’inspire de la composition des pièces du Théâtre Nô, ces pièces du théâtre classique japonais, vieilles de plusieurs siècles. Un personnage se remémore, se raconte, l’autre interroge et écoute. L’un et l’autre des deux personnages, parlant de l’un et l’autre, s’y laissent prendre à parler d’eux-mêmes, comme en miroir. Comme dans une pièce de Nô, il s’agit de trouver théâtralement comment donner corps, non à un personnage, mais à un « cadavre » dédoublé en deux apparitions.La répétition et ses variantes ; les procédés de mises en écho, la compression des temps qui mêle actions présentes passées et futures, aident à construire, par montages et associations, cette fiction de théâtre. Les morts n’y ont plus qu’une idée, celle de revenir à leur cadavre, de le reprendre pour aller de l’avant, dirait Artaud.

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  • Un texte ? Une danse ?

Les pièces du cycle des Faux Bals ne sont pas des pièces déjà écrites par un auteur et qu’un metteur en scène choisit de « monter ». Les pièces de Faux Bals sont le résultat théâtral de la collaboration artistique de plusieurs artistes : metteurs en scène (Marie Lamachère, Royds Fuentes- Imbert), plasticien (Michaël Viala), acteurs (Michaël Hallouin), musiciens… Les modalités nomades des collaborations entre ces artistes fort éloignés géographiquement, changent sur chaque pièce en fonction des conditions de travail réunies.

Les textes publiés du cycle Faux Bals (Chant de la tête arrachée et Barbe-Bleue, l’opéra de l’homme amer, aux éditions l’Entretemps), sont les traces des spectacles une fois créés. Elles ont été réécrites en vue d’une publication par un des metteurs en scène d’Interstices, Royds Fuentes-Imbert, qui est aussi poète, et signe alors en son nom la trace réécrite sous la forme d’un poème dramatique. Cette fois, Marie Lamachère propose, avec la pièce Bal perdu, une danse macabre, une réécriture sous la forme d’un "Pas de deux" chorégraphique librement inspiré de plusieurs textes sources du cycle des Faux Bals.

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  • L’argument

Bal Perdu commence par le récit d’un homme, médecin de profession, devant le cadavre de sa femme qui vient de se suicider (une adaptation de la nouvelle de Dostoïevski La douce). S’ensuit une exploration de la part silencieuse du texte de Dostoïevski. Nous assistons à la dilatation de l'instant où cette femme, encore en vie, un revolver à la main, le canon posé sur la tempe de son mari, a hésité, un instant, à le tuer dans son sommeil (ses rêves, ses pensées, ses fantasmes, ses associations d’idées, son "cerveau" à l'instant de ce choix). Elle choisit finalement de ne pas tirer cette "balle perdue". Cette "lutte effrayante", ce "combat à mort" selon les mots de Dostoïevski, est le coeur de la pièce Bal perdu. C’est un combat entre soi et soi, entre soi et l'autre, qui se joue à cet instant précis, combat qui peut aussi ressembler à une danse.

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  • Une dramaturgie de l'acteur

Pour penser l’art de l’acteur, Marie Lamachère travaille sur la manière dont le Butô et le Nô peuvent influencer la dramaturgie théâtrale, et s’inspire des thèses développées par Walter Benjamin dans son essai sur Le Conteur. La mise en scène s’élabore comme un montage de « partitions d’actions physiques » qui peut extérieurement s’apparenter à une danse. Sa singularité réside dans l’alliance entre paroles et actions.

Pour se préparer les acteurs, ont suivi plusieurs master class avec Mark Tompkins, Alain Buffard, Cécile Loyer. En outre, pour ses acteurs, la compagnie Interstices a invité le chorégraphe Murobushi Kô et la metteur en scène Antonia Mercedes Fernandez Vergara, à dispenser des enseignements spécifiques sur le Butô et les « actions physiques ».

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  • Scénographie

Michaël Viala développe une scénographie qui prend en compte l’espace du théâtre dans son ensemble (scène, salle, entrées…) ainsi que les paramètres donnés par la pièce. Une proposition qui s’articule autour d’un espace réel et d’un espace « fictionnel ». L’ensemble des éléments constituant la scénographie est inscrit dans l'environnement architectural. Les éléments sont praticables et modulables. L’agencement proposé s’adapte à différentes configurations spatiales. La scénographie indique plus qu’elle ne montre. Elle donne un lieu plus qu’elle ne représente un lieu. Une des multiples sources d’inspiration : la scène du Théâtre Nô.

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Spectacle terminé depuis le vendredi 3 octobre 2008

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