Biljana Srbljanovic a rencontré la célébrité théâtrale en quelques pièces (dont Histoire de famille, Supermarket) qui, pour la plupart, jettent sur scène des êtres déchirés par la guerre civile en son pays, qui s’appelait la Yougoslavie. À présent, la guerre est supposée terminée. Mais dans son pays qui s’appelle la Serbie, les blessures continuent de saigner, de s’envenimer.
Elle dédie Barbelo, à propos de chiens et d’enfants à ses « amies, celles qui se sont suicidées et les autres ». Rien de morbide pourtant, dans cette pièce qui, en plein chaos et désarroi accroche quelque chose pouvant ressembler à un espoir, une renaissance. Selon son auteur, Barbelo signifie « le principe originel, la cause première, la matrice d’une mère, un endroit protégé et chaud, hors du temps ».
De fait son héroïne, Milena, se voit enceinte, ce qui ne réjouit guère son époux, politicien véreux. Elle se demande si elle va accoucher d’un enfant ou d’une bête. Il faut dire qu’à l’image de ce monde flottant, elle n’est jamais sûre de rien, vogue dans l’indécision, le doute. De Biljana Srbljanovic, inutile d’attendre une quelconque leçon, un enchaînement raisonné d’actions, de situations. Elle intègre les chambardements du monde à la construction en balançoire de son texte, qu’elle offre tel quel au metteur en scène.
En l’occurrence, Anne Bisang, directrice sans tabous de la Comédie de Genève. Qui sait respecter le rythme du récit, son désordre à vrai dire très contrôlé, et en même temps en éclairer les lignes de force, les sautes d’humeur. Une sorte de gaîté impitoyable mêlée à une énergie coléreuse, inébranlable. Tout est simple : le plateau, quelques meubles, un cercle d’or géant – on pourrait dire une alliance féérique. Autour et en son coeur, s’enlacent des espaces réels, virtuels, des paysages, des commentaires de l’auteur sur écran, des moments passés, futurs, des fêtes et fantasmes. Le tout dans un enchaînement si parfaitement rigoureux qu’il crée sa propre évidence.
Alors Zoran, gamin insatiable prêt à dévorer le monde et son père, trouvera son chien, adoptera Milena qui, par ce choix, deviendra mère… « Ce qui est important, c’est que ce soit comme dans mes rêves» dit-il.
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