Écrit à la fin du XVIIIe siècle par Goldoni, considéré comme le Molière italien, Baroufs retrace un moment de vie turbulent au sein d’une communauté de pêcheurs de l’île de Chioggia.
Toffolo offre des courges à Lucietta, fiancée de Titta-Nane, et de ce geste naît une suite de jalousies et de disputes entre deux clans familiaux, dont les protagonistes en viennent aux mains. S’en suit un truculent enchevêtrement de querelles et de bagarres. Bâtie sur les commérages des femmes et des hommes, dans des suites emballées de répliques et de gestes qui en constituent l’élément dynamique, la pièce de Goldoni donne du relief aux qualités et aux défauts des uns et des autres, à leurs naïvetés et à leurs ruses, dévoilant une humanité qui souffre et se révolte. Plus que l’intrigue, c’est la langue qui donne à cette comédie toute sa saveur, ce dialecte vénitien veiné d’argot de Chioggia auquel la nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro restitue toute la puissance d’évocation d’un monde à la fois clos sur lui-même et ouvert sur la vie.
L’oralité est au cœur de la démarche artistique de Frédéric Maragnani, qui s’attache avec Goldoni - après de nombreux auteurs contemporains - à faire résonner une parole scénique en écho au temps présent. Jaillissement continu d’une parole exacerbée, précipitée, toujours au paroxysme de l’intensité dramatique. Les situations se nouent, se tordent et se dénouent rapidement, entraînées par le flot de paroles, véritable moteur de l’action. Inspirée par le cinéma néo-réaliste italien, centrée sur les personnages féminins, sa mise en scène au rythme soutenu situe ce Baroufs parmi ces familles vivant aux confins de nos grandes villes, à la périphérie de l’ordre et de la loi. Un univers tragicomique, où le sordide côtoie l’exubérance. Comme dans la vie.
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt