"(…) Et la cité a basculé dans les ténèbres, tout le monde voulait s’offrir en spectacle…" Big Shoot de Koffi Kwahulé
Par la compagnie de l'Explique-Songe.
Serait-on capable, de nos jours, de tuer pour le plaisir du spectateur ? Nous sommes déjà capable d'humilier pour lui. L'humiliation n'est-elle pas déjà une mort avec la vie qui continue ?
Big Shoot est un cri. Un cri instantané. Un cri organique. Koffi Kwahulé ose dire et crier ce que les coeurs pensent tout bas. Être en face de. Ne pas fuir devant.
Nous transpirons les secondes, celles qui nous traversent et nous quittent. Se retrouver face à soi-même et se dire enfin la vérité. Le mensonge comme parfum perdu dans l’immensité de l’océan du crime. Un meurtre pour asseoir une vérité trop longtemps pleurée.
Ce cri. Ce gouffre de vérité. Voilà ce qui me pousse à mettre en chair cette pièce. Ce gouffre fait peur. La peur, en chacun de nous laisse place soit à l’immobilité, soit à la furie créatrice. Cette dernière est celle qui m’anime. Une furie créatrice, une furie nécessaire pour une situation extrême. Ne pas jouer avec le mensonge, ne pas jouer sur les mots mais laisser les sensations transpirer.
Cette pièce est une tornade. Elle déblaye tout sur son passage. Nous ne sortirons pas indemne après chaque seconde de répétitions et après chaque représentation. Le spectateur sera, lui aussi, traversé par cet éclair naissant des nuages noirs au dessus de nos têtes. La foudre ne tombe jamais où on l’attend. C’est ce qui est fascinant chez elle. La foudre touche le fer, arme ultime par laquelle les coeurs périssent un à un. Pleurer ne sert à rien. Être fasciné ne dure qu’un temps. Se battre toujours. Se débattre toujours et encore. Le feu, la foudre, la chaleur de l’arme après l’estocade, tout cela fluidifie le rouge coulant dans nos veines. Rien ne sert de mentir. Il faut se souvenir à point. Se souvenir d’Abel et Caïn. Les transcender à travers nos voix, celles d’aujourd’hui.
Pour garder intacte la puissance de cette oeuvre, je me dois, dans la mise en scène, de travailler sur la simplicité. La simplicité pour laisser les corps être et transpirer la situation. Rien de plus. Si ce n’est, mettre en avant la fascination que le « spectacle » apporte à une situation de mise à mort. Le bourreau est aussi fascinant que l’arme et que la victime. La fascination, elle-même, est ambiguë, elle échappe à tous les modèles puisqu’elle est subjective et charnelle. La chair, celle des acteurs, sera donc la matière première du spectacle. Vue ou cachée, elle ira susciter les désirs. Le travail scénographique, lui, s’inspirera du travail sur le plateau et sera aussi dans une simplicité qui laissera au spectateur la liberté de vivre le lieu et l’instant à la vitesse de sa pulsation cardiaque et de projeter sur cette toile, ses désirs.
Sidney Ali Mehelleb
11, avenue Jacques Jézéquel 92170 Vanves