« Britannicus est un récit à plusieurs voix, celui d’une émancipation. Non pas celle de celui qui donne son nom à la pièce, mais celle de celui qui en est le héros caché : Néron.
Sa mère Agrippine l’a porté jusqu’au trône de l’Empire, l’a installé dans le rôle de César. Néron s’affranchit de son encombrant soutien et son émancipation va prendre un tour incandescent.
Nous allons assister à la fin de tous ceux qui mettaient un frein aux désirs de Néron : son frère Britannicus ; sa mère Agrippine ; le consul Burrhus ; son allié Narcisse ; son amour Junie. Tout est consommé, tout est consumé. Ne reste qu’un paysage en cendre que décrit le récit halluciné d’Albine.
Racine a composé un magnifique trompe-l’œil. Que nous parlions, que nous agissions, que nous nous opposions ou que nous nous aimions, ce que nous nous ingénions à obtenir, les ruses de la vie nous en éloignent sans cesse et c’est ce que nous ignorions vouloir que nous obtenons finalement.
Les personnages, malgré tout leur orgueil, sont le jouet de quelque chose qu’ils ignorent : la Providence, l’amour-propre, le désir inconscient. »
Philippe Lebas
« Tout est possible : Philippe Lebas et Christine Joly le prouvent dans un espace vide, cerné de très hauts panneaux blancs. (...) Ce spectacle est le fruit d'une passion pour la langue de Corneille et d'un parti pris résolu d'épure et de minimalisme. » Joëlle Gayot, Télérama sortir T
« Philippe Lebas s'empare de la tragédie, fait naître l'oeuvre en même temps que les personnages et offre à voir la progression de la gangrène tyrannique sur le visage du pouvoir. Un projet qui exalte l'art de l'acteur. » Catherine Robert, La Terrasse
« La pièce de Racine s'écoute comme un chant, où le rythme des alexandrins (très beau travail de Philippe Lebas et Christine Joly) s'écoule avec fluidité, lyrisme et force. Un spectacle intense et prenant. » Sylviane Bernard-Gresh, Théâtre en mots
« Philippe Lebas transforme cette pièce en véritable poème épique. Il joue tout le texte, avec toutes ses intentions, ses contraintes, ses audaces, ses fulgurances, ses ruptures, ses émotions. Un chef d'oeuvre au coeur du texte. Un passionnant cours de comédie. » Yves Poey, De la cour au jardin
« Cette mise en scène, très élaborée, de Christine Joly (qui a l'occasion de rappeler qu'elle est aussi une grande actrice) n'en repose pas moins sur le magnifique travail de l'interprète. » Monique Le Roux, En attendant Nadeau
« Toute l'atmosphère est couleur anthracite du danger et de la mort, zébrée du rouge pourpre du pouvoir, du rouge sang de la violence. Entrevue dans la pénombre sur le côté de la scène, Christine Joly est à la fois le souffleur, l'ombre portée d'Agrippine, la mention du personnage qui parle, jusqu'à jouer enfin le rôle en pleine lumière de la mère de l'empereur. » Annick Drogou, Spectacles Sélection
« Comment jouer Britannicus ? Ma réponse, première et instinctive est : seul. L’objet du projet n’est pas de représenter Britannicus, mais il est bel et bien de le jouer. Ce projet, je le porte depuis quelques années déjà. La solitude de l’acteur permet d’approcher le jeu de miroir dans lequel les personnages se débattent.
Racine est un voyant et son poème donne à voir. Il donne même à voir ce qui ne se voit pas : toute l’oscillation des consciences, tout le mouvement de la pensée, toute l’ambivalence des désirs.
Non pas tout seul exactement. Néron devenu César et Agrippine, sa mère, qui l’a placé sur le trône, se disputent la primauté du pouvoir. Ils ne cessent de s’adresser l’un à l’autre par personnes interposées mais ils ne se rencontrent qu’au quatrième acte, et je n’imagine pas cette scène autrement que sous la forme de l’affrontement entre une actrice et un acteur. C’est pourquoi j’ai demandé à Christine Joly de jouer Agrippine au quatrième acte et de me mettre en scène tout au long du processus qui nous conduira à faire face au public.
Britannicus offre un regard particulièrement cru sur la métamorphose d’une conscience au contact de la toute puissance du pouvoir. « Le monstre naissant », cher à Racine est le sujet caché derrière le héros apparent : Britannicus donne son nom à la tragédie, mais il n’est pas un seul des personnages de la pièce qui n’échappe à un destin tragique : Britannicus meurt assassiné, Narcisse meurt, Junie se cloître, Albine s’égare, Néron sombre, Burrhus se suicidera et Agrippine sera assassinée.
Georges-Arthur Goldschmidt dans son essai, Molière ou la liberté mise à nu, attribue l’échec de Dandin ou d’Alceste à leur attachement à un langage, expression de la vérité ou de la sincérité. Il leur oppose la victoire de leurs adversaires qui ont compris le caractère social du langage. Chez Racine, Néron dans son expression, devient un as de la tromperie. Pas un mot de lui qui ne soit nimbé d’ambiguïté : dit-il vrai ? caresse-t-il ? menace-t-il ? approuve-t-il ? désavoue-t-il ? Nul ne peut se fier totalement à ce qu’il dit.
Certes ce projet est un projet d’acteur, mais il n’est pas pour moi, d’acteur sans metteur en scène. C’est sans doute la formation que j’ai reçu à l’école du TNS qui a ancré cette manière de voir le travail de création. Quelque soit l’autonomie que je revendique pour l’acteur, j’ai besoin d’être dirigé et ce n’est pas pour moi un gros mot. Cette tâche, ce travail, c’est Christine Joly qui en aura le soin. Et je me réjouis d’être dirigé par cette alchimiste du jeu et de la scène.
Deux vers de la pièce attribués à Agrippine sont le point de départ de ma réflexion sur l’espace : « Et que derrière un voile, invisible, et présente J’étais de ce grand corps l’âme toute puissante. » Je souhaite que l’espace rende présent ce qu’il ne donne pas à voir, qu’il crée un hors scène. L’espace chez Racine est un lieu qui n’est pas le lieu où cela se passe vraiment. C’est un espace où l’on dit ce qui se passe ailleurs, là où l’action se déroule vraiment. C’est un espace de récit. Dans ce projet particulier qui veut donner à entendre, mais aussi qui veut donner à voir l’acteur dans son arrière cuisine, quand il est au prise avec le texte, quand il se bagarre avec, qu’il le malaxe et l’expérimente, je souhaite que nous trouvions une économie la plus grande possible. Un thème de la peinture baroque était la représentation des vanités. Les objets de cette vanité humaine étaient disposés sur des tables : crâne, fleurs séchées, partitions de musique, livres, fleurs séchées, clepsydre, miroir… Sans doute y aura-t-il une table d’accessoires, une table des vanités. L’espace et la lumière seront confiés à François Cabanat, scénographe, en collaboration avec Cyril Givort qui assurera aussi la régie. Il y aura des sons, et ils auront une importance toute particulière. Ils scandent, ils rythment, ils proposent une temporalité singulière. Y aura-t-il de la musique ? Je ne le sais pas encore. C’est à Jules Jacquet, un jeune sondier inventif et brillant, que nous confions la création sonore. »
Philippe Lebas
45 rue Richard Lenoir 75011 Paris