John attend quelque chose qui ne vient pas. Il passe sa vie à expliquer à May les raisons qui le poussent à attendre, encore. De cette attente, Jan Ritsema tire une pièce où les pensées des personnages se décomposent en strates infinies et savantes.
Ca est l’adaptation d’une nouvelle célèbre de l’écrivain anglo-américain Henry James : La Bête dans la Jungle. L’histoire est simplissime : voici John, un homme qui ne vit pas dans le moment présent, il délaisse les gens ou les choses qui sont autour de lui parce qu’il se sent appelé par une aspiration puissante, une Chose, une Grande Chose. Donc cet homme attend « ça », il est tout entier au service de ce « ça » à venir qu’il ne connaît pas mais qu’il est sûr d’identifier le moment venu. Et puis le temps passe. Et puis le temps passe encore et c’est déjà la fin de la vie. Et l’homme découvre que le « ça » qu’il attendait était là depuis toujours, c’était simplement un « elle, » c’était May, cette femme qui est à ses côtés depuis des années et dont il n’a pas su comprendre qu’il l’aimait. Et maintenant, c’est sûrement trop tard.
La nouvelle tragique de Henry James fonctionne comme tous les textes de ce grand psychologue d’écrivain : il ne se passe presque rien, pas d’action, aucune péripétie ; toute l’intrigue tient dans les pensées des personnages, dans les circonvolutions, les atermoiements, les doutes, les inquiétudes, les remords. Et ces volutes mentales sont le point d’entrée que Jan Ritsema a choisi pour porter ce texte sur la scène.
Puisque Ca est l’histoire d’une pensée au travail, Ritsema propose de montrer sur scène comment une pensée fonctionne réellement. La pièce mêle donc trois niveaux. Au premier niveau : les acteurs sont John et May, les deux personnages de la nouvelle, et ils jouent. Au deuxième niveau : les acteurs sont les acteurs, Nathalie Richard et Gérard Watkins, ils ne jouent pas, ils se regardent jouer. Au troisième : les deux premiers niveaux se mélangent. Quand May parle c’est peut-être à John, peut-être à Gérard. Elle a des reproches à faire, bien sûr, comme toute femme délaissée, mais ces reproches, comme toute femme perdue, elle ne sait plus à qui elle les fait. Cette confusion volontaire des rôles produit un plaisir rare au théâtre : on ne suit pas seulement une histoire, on se demande qui agit comment et pourquoi, on regarde de la pensée en acte comme si on assistait à une partie d’échecs autant qu’à une pièce de théâtre.
Adaptation de La Bête dans la jungle de Henry James.
Deux très grands comédiens pour une superbe adaptation de la nouvelle d'Henry James.
Pour 1 Notes
Deux très grands comédiens pour une superbe adaptation de la nouvelle d'Henry James.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris