De Camus ou de Caligula, on peut se demander qui est le plus fou. Transformer un empereur romain sanguinaire en héros romantique, en désespéré qui seul connaît le secret de son désespoir, donner une raison à sa folie, et envisager son assassinat comme un “suicide supérieur”…
Voilà qui ne manque pas d’audace. Mais Albert Camus n’a que 25 ans lorsqu’il écrit, en 1938, la première version de sa pièce, inspirée par la lecture des Douze Césars de Suétone. “Obsédé d’impossible, empoisonné de mépris et d’horreur”, le Caligula qu’il imagine “tente d’exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu’elle n’est pas la bonne”.
La pièce fait partie, avec l'Étranger, de ce que l'auteur a appelé le " cycle de l'absurde " . Caligula, prince relativement aimable jusque là, s'aperçoit à la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, que « les hommes meurent et ils ne sont pas heureux ». Dès lors, obsédé par la quête de l'absolu, empoisonné de mépris et d'horreur, il tente d'exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu'elle n'est pas la bonne. Il récuse l'amitié et l'amour, la simple solidarité humaine, le bien et le mal. Il prend au mot ceux qui l'entourent, il les force à la logique, il nivelle tout autour de lui par la force de son refus…
Après la guerre et la barbarie nazie, Camus retravaillera la pièce, qu’il continuera d’amender jusqu’en 1958. Mais c’est la version initiale, très rarement montée, de cette “tragédie de l’intelligence” que Stéphane Olivié Bisson a choisi de mettre en scène. Une oeuvre de jeunesse dont il souligne le caractère “intuitif, instinctif, ambigu et extrême”. Pour “son aptitude au funambulisme, sa force, sa vista comique et sa vulnérabilité quasi enfantine”, il a offert à Bruno Putzulu le rôle principal et impérial – que Camus envisageait d’abord d’interpréter lui-même.
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