Nous sommes dans un restaurant de luxe composé de tables, de chaises et de couleurs tranchées. Dans ce dispositif où toute l'illusion théâtrale est engagée, trois couples boivent, fument et se dévorent. Un jeune homme, le serveur, tente de communiquer, d'intervenir sur le réel : mais, ses efforts et ses espoirs restant vains, il est amené à le déformer afin d’essayer de le comprendre, de l'exprimer, de le fuir peut être, de trouver une issue : La Poésie ? La Mort ? Le Monte-plats ?
Pinter heurte les préjugés profonds en traitant le subconscient de ses personnages. Il donne de l'individu social une image ambigüe. Aveugle vis-à-vis de la réalité, le personnage « pinteresque » est enfermé sur lui-même, prisonnier de son rang, déformé par le mensonge. Il s'accroche à son masque mais se laisse envahir par ce qu'il refoule au plus profond de lui-même. C'est alors qu'il se trahit. Pinter joue avec lui. Il met un temps. Un silence. Suspend l'action quelques instants et met en exergue la vérité. Le temps passe. De quoi est-il habité ce temps ?
Le spectateur peut maintenant entrevoir les convulsions de Julie, la lutte intérieure de Lambert, le doute de Russel, la jalousie de Prue, la crise du serveur... Ce qu’ils croient être leur réalité est sans cesse bousculé par une fragmentation de type cinématographique car elle se rapproche de la construction des rêves (séquences sans lien logique, qui se terminent de façon abrupte).
Ce sont des visions que l'on a dans les cauchemars d'enfant, des peintures de Bacon, des reflets dans un miroir déformant, des visages à travers un verre de vin qui me viennent à l'esprit.
Alexandre Zeff
Traduction de Jean Pavans.
Ce spectacle a reçu le Prix du Théâtre 13 (Jeunes Metteurs en scène) en 2007 et le Prix Charles Oulmont (mise en scène 2007), Fondation de France.
3 rue Edmond Fantin 92600 Asnières-sur-Seine