David et Léo se demandent comment vivre dans le chaos . Tels les Castors Juniors, ils se jettent sur le plateau comme sur un terrain de réjouissantes aventures. Ces deux apprentis scientifiques s’émerveillent de tout avec le plus grand sérieux et la plus parfaite incompétence, découvrent les joies du bricolage, de l’entomologie, de la botanique, de l’astronomie. Ils jouent de ce qui leur tombe sous la main, bifurquent, digressent, construisent une structure démesurée et désordonnée. Avec l’espoir enfantin qu’ils finiront bien par trouver un trésor, ou décrocher la lune.
Par la compagnie L'accord sensible.
Un « champ d’appel » évoque pour nous une sensation étrange, un phénomène qui a la particularité de nous attirer irrésistiblement vers un ailleurs, vers un espace méconnu. C’est une issue de secours, un dépassement de soi, voire une quête spirituelle.
Nos répétitions ont ressemblé à un long voyage initiatique, à une improbable expédition. Comme si créer ce spectacle revenait finalement à sauter dans le vide ou à franchir la ligne d’horizon. Et, au regard des préoccupations et de la matière apportée par les uns et les autres, nous avons formulé une question générale sur ce projet : comment évoluer dans le chaos ? Ou, pour citer Gherasim Luca, « comment s’en sortir sans sortir ? » Nous avons abordé la question de la joie. Elle nous renvoie à nos efforts pour persévérer dans l'existence, à tout ce qui peut donner du sens à nos vies. Clément Rosset la définit comme « une grâce irrationnelle qui permet d'accepter le réel dans toute sa cruauté ».
Sur Champs d'Appel, la joie a pris la forme d'une promenade, d'une errance nous permettant de creuser notre propre sillon. C'est notre manière de prendre la fuite. Pas de sortir du monde ou de renoncer à nos responsabilités. Nous ne cherchons pas un monde merveilleux et illusoire. Au contraire, fuir, c'est tenter de faire une percée ou comme l'écrit Georges Jackson : « il se peut que je fuie, mais tout au long de ma fuite, je cherche une arme ».
Nous nous donnons la liberté de chercher ce que nous ne pourrons sans doute jamais atteindre. Aussi absurde ou idiot que cela puisse paraitre, c’est le sens que nous donnons à notre travail. D’ailleurs, les deux acteurs, David et Léo, forment un duo qui n’est pas sans rappeler Don Quichotte et Sancho Panza. Tout aussi illuminés, ils incarnent quelque chose d’essentiel : le désir. Portés par un sentiment de grandeur infini, ils veulent donner du sens au monde qui les entoure. Tous leurs efforts inadéquats se révèlent héroïques et la bataille qu’ils livrent devient leur raison de vivre.
Dans Champs d’Appel, les acteurs élaborent leurs propres difficultés et mènent diverses expérimentations plus improbables les unes que les autres. Ils explorent l’espace de la scène et le réinventent en jouant avec tout ce qui leur tombe sous la main. Ils évoluent en zigzag et marquent leur territoire. Tout est bifurcation, digression, accident, métamorphose... Ils font apparaître sur le plateau une immense structure hybride, fragile et anarchique. David et Léo s’attaquent à ce qu’ils prennent alors pour une forteresse énigmatique ou un monstre sacré. Leurs recherches sont des délires interminables, fantaisistes et utopiques. Elles n’en demeurent pas moins un grand défi.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris