Lue ou pas lue, tout le monde connaît l’histoire : malgré l’expresse recommandation du divin jardinier, Adam et Eve osent manger de l’arbre interdit ! Chassés du paradis terrestre, ils sont condamnés pour les siècles des siècles à la douleur, au dur labeur et à la mort... Amen ? Mais de quoi nos ancêtres ont-ils été coupables ? Qu’est-il vraiment écrit sur leur faute ? Et si on refaisait l’enquête ?
Assis tout autour d’une grande table aux côtés de trois « exégètes », le spectateur est invité à rouvrir le récit biblique et à lire... comme si c’était la première fois, comme s’il ne savait rien de ce mythe fondateur de notre Occident. Et alors s’enchaînent les surprises... Par exemple, saviez-vous qu’il n’y a dans le texte aucune trace de « faute » ou de « péché » ni de « châtiment » ? Mais alors, que s’est-il joué au Jardin d’Eden ?
« Ces pages de l’Ancien Testament pourraient en intimider plus d’un ! Mais, dans ce dispositif ingénieux, leur décorticage est si vif, passionné, passionnant, et parfois même hilarant ! Les acteurs, il est vrai, rivalisent de malice. » Télérama
« C’est toujours surprenant, clair, drôle aussi, et on ressort de ce spectacle en ayant l’impression d’être plus intelligent après qu’avant ! » Le Progrès
« F. Rancillac a inventé une scénographie qui fait des spectateurs des participants et des complices. (…) Une heure très dense avec, à la clé, un débat qui pourrait durer toute la nuit. Ce spectacle honore le métier. Et quant aux comédiens, ils sont d’une parfaite justesse. » Figaroscope
« Le travail (remarquable) de Balmary fait déjà la nique à tous les intégrismes misogynes et autoritaires. Cette étude biblique partagée sur scène nous renvoie en plus à notre responsabilité citoyenne devant les textes, tous les textes : alors lisons, interprétons, ouvrons les sens ! » Libération
« Ligne après ligne, verset après verset, se construit une interprétation sociale qui ouvre le champ des possibles et ébranle l'unicité du dogme religieux. (...) L'analyse tient sur une ligne de crête laïque qui ne sombre ni dans le blasphème ni dans l'homélie. (...) A l'interprétation textuelle, le metteur en scène mêle le geste théâtral. (...) Sans jamais chercher à dénigrer ou à absorber les opinions de son contradicteur, chacun grimpe sur les épaules de l'autre pour aller plus loin. » Vincent Bouquet, Les Echos, 14 décembre 2017
Le spectateur est invité à s’asseoir autour d’un carré de tables (trente places environ) ou parmi la trentaine de chaises qui forment un deuxième cercle. Sur les tables, des livres éparpillés et ouverts, des bouteilles d’eau minérale, des gobelets, des tasses de café à moitié bues, du papier, des stylos… : bref, le spectateur se retrouve à devoir participer en première ligne à une réunion de travail. À sa place, l’attend un dossier contenant les premiers chapitres de la Genèse biblique (le texte hébreu et différentes traductions), objet de l’étude du jour : il s’agirait donc d’un séminaire d’étude biblique…
Trois lecteurs, assis parmi les spectateurs, semblent mener l’étude. Avec pour ambition de travailler ce texte si ancien et si connu de la création d’Adam et Eve et du péché originel, texte que tout le monde croit connaître souvent sans même l’avoir jamais vraiment lu. D’emblée, le ton est donné… par une sérieuse engueulade ! Alors que « Daniel », un des lecteurs (les personnages portent les prénoms mêmes des comédiens), évoque en ouverture la question de la « faute originelle », les deux autres, « Danielle » et « Frédéric », lui tombent dessus : mais où trouvet- il dans le texte la moindre allusion à une faute ou à un péché, un crime, une punition ? ! ! Force est de reconnaître (et Daniel avec nous tous…) que la nonobservance de l’interdit divin n’est jamais décrite ici sur le mode de la morale et de la culpabilisation…
Alors de quoi s’agit-il vraiment ? Qu’est-ce qui est en jeu dans ce texte fondateur de notre civilisation judéo-chrétienne, qui a déjà fait couler tant d’encre, nourrie tant d’oeuvres littéraires et artistiques - suscité tant d’ironie aussi…
« Si nous lisions ? », demande, presque timide, le modérateur « François / Fatima »…
C’est ce qu’ils vont faire (et les « étudiants » avec eux), le plus humblement possible, comme si c’était la première fois qu’ils découvraient ce texte.
Et avec pour seules règles la rigueur de l’exégèse (ne rien rajouter au texte, éprouver toute hypothèse de lecture par l’étymologie hébraïque et les récurrences d’un même mot,…) et la liberté totale d’interprétation (pour autant qu’elle crée du sens et de la cohérence) : l’important n’est pas la prétendue « vérité » de ce texte, mais ce qu’il nous raconte à nous-autres, en ce début de XXIème siècle - tel un mythe fondateur (on n’attend pas que le mythe d’OEdipe, par exemple, nous dise la vérité mais qu’il nous révèle quelque chose d’essentiel de notre humanité).
Cheminant ainsi, au fur et à mesure de la lecture, de la réflexion partagée, d’étonnements en circonspections, de désarrois en illuminations soudaines, nos trois lecteurs vont tenter de comprendre ce qui s’est passé à l’ombre de « l’arbre de la connaissance » : que signifie la « solitude » d’Adam ? Pourquoi la multitude des êtres vivants créés par le dieu ne la comble-t-il pas ?
Pourquoi Adam est-il d’abord décrit comme « mâle et femelle », puis comme « homme », une fois Eve apparue ? Si Adam est créé à partir de la terre (« adama »), Eve l’est à partir de sa côte (ou plutôt : de son côté !) : qu’indique cette différence de fabrication divine ? Pourquoi Adam ne se met-il à parler et dire « je » qu’une fois Eve à ses côtés ? Pourquoi, pour répondre enfin à la solitude d’Adam en lui proposant un alter-ego, le dieu lui fait-il don de l’entièreté du jardin d’Eden à la seule exception de « l’arbre de la connaissance » dont il ne devra pas goûter ? Etc. etc.
À partir de toutes ces questions, qui surgissent pas à pas de la lecture attentive du texte (dans la traduction régénérante car quasi littérale d’André Chouraqui), s’élabore en direct, sous les yeux et les oreilles des spectateurs complices, une interprétation originale (celle de Marie Balmary), à mille lieux des versions véhiculées ici et là depuis des siècles, à l’encontre d’un discours culpabilisant, moralisant, misogyne et autoritaire : Et si, au jardin d’Eden, nous était racontée l’expérience essentielle et si difficile, et si souvent ratée, et mille fois recommencée, de l’Altérité ?
François Rancillac
Lecture très intéressante et vivante de la Genèse, sous la forme d'une controverse laïque où l'on ne prend pas le spectateur pour un idiot sans lui faire non plus une "leçon"
Quand reprendrez vous ces soirées? Quel dommage que vous arrêtiez! Je voudrais y envoyer beaucoup de mes amis pour tenter de prolonger cette "dispute " ESSENTIELLE.. Merci de vous être lancé dans cette aventure spectaculaire sous l'inspiration de Marie Balmary. Un moment de théâtre unique. Très grand Merci.
Spectacle et surtout voyage sur le navire de l'intelligence dans un texte d'une profondeur ignorée par moi au moins.
Remarquable travail sur le fond et la forme !
Pour 5 Notes
Lecture très intéressante et vivante de la Genèse, sous la forme d'une controverse laïque où l'on ne prend pas le spectateur pour un idiot sans lui faire non plus une "leçon"
Quand reprendrez vous ces soirées? Quel dommage que vous arrêtiez! Je voudrais y envoyer beaucoup de mes amis pour tenter de prolonger cette "dispute " ESSENTIELLE.. Merci de vous être lancé dans cette aventure spectaculaire sous l'inspiration de Marie Balmary. Un moment de théâtre unique. Très grand Merci.
Spectacle et surtout voyage sur le navire de l'intelligence dans un texte d'une profondeur ignorée par moi au moins.
Remarquable travail sur le fond et la forme !
Une lecture neuve et captivante d'une histoire qui finalement à des choses à dire. Bravo
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