Crise de Nerfs - Parlez-moi d’amour

Bobigny (93)
du 8 au 20 juin 2004
1 heure

Crise de Nerfs - Parlez-moi d’amour

Sous un scaphandre, rêve d'étanchéité contre les agressions intérieures et extérieures, un être à vif dérive au gré de dangers réels ou imaginés. Quelques mètres carrés, une chambre d'hôpital cernée par des rangées de spectateurs, un lit nourricier. Une actrice-scaphandrier accompagnée d'un Chœur chante le doux découragement et l'heureuse aspiration d'être au monde.

Jeu de regard pour actrice, scaphandre autonome et installation sonore
Entretien avec Jean Lambert-Wild
Extrait

La Coopérative 326

“Je cultive l'humour du désespoir” dit Jean Lambert-wild. “Traverser en scaphandre cette vallée de larmes, c'est déjà un bon moyen de s'en sortir…”.

Comment exprimer nos réactions au monde qui nous entoure et les traduire poétiquement et musicalement ? Sensations d’enfermement, d’isolement, d’incapacité de communiquer, mais aussi contradictoirement de l’immense désir de parler, de rencontrer, de partager ce que les hommes portent au fond de leur désespérante condition et dont le théâtre est le lieu d’expression par excellence.

Dans un espace neutre, près d’un lit d’hôpital, auquel elle est reliée par un cordon ombilical, une actrice portant un casque de scaphandrier raconte son monde, passé et présent, qui lui échappe. Protégée par cette bulle qui l’isole en réduisant son intimité, effrayée par le contact avec l’extérieur, entourée par un chœur à voix multiples qui l’encourage, la questionne, l’aide à reconstituer son passé, elle fera entendre la nostalgie des naufragés, la nécessité de la lutte salvatrice et son désir difficilement avouable qu’on lui parle d’amour. Un amour entendu comme une capacité de pardon, comme un rapport à l’humanité.

Complice de toujours, Jean-Luc Therminarias en a composé l’univers sonore et la partition musicale pour préciser la rythmique du texte, son énonciation en accord avec la voix des acteurs. Ainsi s’exprime, au terme de l’aventure, la contradiction même de ce qui pourrait être la devise de Jean Lambert-wild “vaillant mais sans espoir”, ou autrement dit “luttons avec l’humour du désespoir”.

Cette pièce s'inscrit dans le parcours commun que les deux compagnons de route poursuivent depuis Splendeur et Lassitude du Capitaine Marion Déperrier, Drumlike, Orgia ou plus récemment Spaghetti's Club.

Avec le Thermifrozen Chorus : Jean-Louis Clot, Isabelle Godard, Stéphane Jais, Hélène Mahieu, Philippe Massa, Stéphane Pelliccia, Céline Pitavy, Nathalie Pochic.

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Après plus d'une dizaine d'années d'écriture, comment s'articule aujourd'hui Crise de Nerfs –Parlez-moi d'amour– dans votre parcours ?
Jean Lambert-wild : Crise de Nerfs –Parlez-moi d'amour– est la deuxième de trois Confessions. Elle s'inscrit dans le cadre d'un ensemble, auquel je travaille depuis longtemps, qui comprend trois Épopées, trois Confessions et trois Mélopées. La première des Confessions s'intitulait Grande Lessive de printemps, je l'ai mise en œuvre il y a près de dix ans. Pour achever ce triple triptyque, j'écrirai un Dithyrambe, qui sera la clé de voûte de l'ensemble. Quand j'en serais là, je crois que je me reposerais ! Mais d'ici là ce projet d'écriture m'aura arraché de nombreuses années, car rendre lisible l'agencement des matériaux d'écriture d'une seule proposition me demande deux ou trois années d'attention.

L'ensemble des Épopées, Confessions et Mélopées, achevé par un Dithyrambe, portera-t-il un titre ?
Je ne m'étais, jusqu'à présent, pas préoccupé de cette question. En attendant, Crise de Nerfs -Parlez-moi d'amour- s'inscrit dans le parcours commun que Jean-Luc Therminarias et moi poursuivons depuis quelques années. Notre binôme a déjà mis en œuvre Drumlike, Orgia, Spaghetti's Club... Nous signons ensemble ce spectacle, et tentons de pousser plus loin nos interrogations. Nous échangeons nos questionnements et partageons nos expérimentations.

Nous essayons d'éliminer peu à peu les ruptures qui peuvent exister entre nos deux champs sémantiques pour que la matière de l'un complète celle de l'autre. Le binôme fonctionne par alternance.

Chacun à notre tour nous nous retrouvons en première ligne. Cette fois-ci, c'est mon tour. La plupart du temps, j'écris un squelette qui précise le principe narratif, sur lequel Jean-Luc propose un squelette de composition. Puis chacun part à la recherche de son matériau poétique ou musical, et tout s'établit peu à peu selon les interprètes du spectacle ; car la partition musicale, comme la rythmique du texte doit s'accorder avec la voix des acteurs. Quand la parole est établie, il faut trouver le cadre et la justesse de son énonciation.

L'écriture théâtrale se poursuit ainsi dans un espace scénographique que je mets en œuvre après de nombreuses discussions avec mes compagnons, mais surtout avec Renaud Lagier qui signe, depuis le début, l'éclairage de chacun de mes projets.

Crise de Nerfs-Parlez-moi d'amour- a pour thème et squelette les individus naufragés. Qui sont-ils ?
Il ne s'agit pas d'un thème, mais d'une sensation. Le premier des naufragés, c'est moi. Ma condition de “poète” ne m'exclut pas de ce que le monde est en train de vivre. Je tente de partager une vision, un regard. Ce que je vois aujourd'hui du monde me bouscule.

Je voudrais en proposer sur scène une traduction poétique. Il s'agit d'un naufrage partagé. J'essaie d'être stoïcien dans mon appréhension des choses : tout cela n'est pas si grave ! Même si cela nous conduit à traverser des vallées de larmes. J'ai encore l'espoir que nous y trouverons parfois des prises amusantes. Je cultive l'humour du désespoir. Traverser en scaphandre cette vallée de larmes, c'est déjà un bon moyen de s'en sortir...

Vous parlez souvent de capitaine et de bateau. Dans Crise de Nerfs -Parlez-moi d'amour-, il est question de scaphandrier et de naufragés. Ce champ sémantique, marin, est-il propre à ce spectacle ?
Le fonctionnement de la Coopérative 326 a pour base les principes de la marine. Tout le monde intervient dans les questionnements que soulève chaque aventure. On nomme un capitaine dont la validité ne tient qu'à la volonté de l'équipage. Si le capitaine ne remplit pas sa fonction, l'équipage peut l'en décharger. En fait je voulais être marin, j'ai échoué. Je suis né et j'ai vécu de nombreuses années à l'île de la Réunion. L'ensemble de l'horizon était constitué par l'océan. Un océan infini vers lequel pouvaient se porter tous les regards. Il contenait à la fois tous les souvenirs des choses perdues et tous les espoirs de celles à découvrir. Ensuite, il a fallu traverser cet océan. Cet horizon noyé d'eau est un aliment formidable qui offre de l'apesanteur à mes rêves. L'eau m'est toujours apparue comme une solution à tout.

L'eau plus que l'écriture ?
Mon écriture, au regard du monde et des hommes, n'a pas grande importance. J'ai choisi le champ théâtral pour son caractère éphémère. Les énergies poétiques peuvent y créer des émotions, bouleverser des âmes, mais leur validité ne tient qu'à ce moment éphémère.

S'agit-il de faire entendre un chant aux naufragés ?
On donne à voir un lieu d'enfermement. Les spectateurs sont installés sur quatre blocs de gradins disposés autour d'un espace scénique de quatre mètres cinquante sur quatre mètres cinquante. C'est une chambre d'hôpital où évolue un individu qui a laissé croître autour de lui une double peau, qu'il imagine être une protection contre les agressions extérieures et intérieures. C'est à l'intérieur de cette enveloppe que la comédienne Laure Thièry fait entendre la nostalgie d'un naufragé. Une crise de nerfs, c'est un moyen d'être en lutte, de jeter son corps dans la lutte, comme disait Pier Paolo Pasolini, pour pouvoir trouver des prises avec qui on est, et ce qu'on vit. La lutte est notre salut, du moins le mien. Mais notre désir inavoué est encore qu'on nous parle d'amour.

Parlez-moi d'amour, c'est un ordre ? Une supplique ?
C'est une prière. Un cordon ombilical, où circulent les sons, l'air et les fluides, relie la comédienne à un lit situé au centre de l'espace.
À la fin de la pièce, la comédienne essaie d'échapper à l'enfermement qu'elle a créé elle-même et elle arrache ce cordon. À ce moment, quelqu’un lui dit : “Tâche d'être heureux !”. Le besoin d'amour doit être pris en charge par la personne qui en fait la demande.
Est-on sûr de savoir ce qu'on veut entendre quand on demande : Parlez-moi d'amour ? L'amour est un travail. Le mot “amour” apparaît ici pour la première fois dans mon écriture. Je n'avais jamais employé le terme jusqu'à Crise de Nerfs -Parlez-moi d'amour- .

Quel lien établissez-vous entre le mythe de Marsyas, nom donné au “scaphandre autonome pour acteurs”, et votre pièce ?
La richesse des mythes tient en la multitude de lectures qu'on peut en faire. En l'occurrence, Marsyas découvre un instrument de musique. Il l'appréhende, cherche à le maîtriser et finit par en jouer merveilleusement. Il ose défier Apollon lors d'un concours d'adresse musicale qu'arbitrent les muses. Il perd et, en punition de son orgueil, est écorché. Son orgueil lui fait perdre sa peau. Il perd l'un de ses principes d'humanité. Crise de Nerfs -Parlez-moi d'amour - et le mythe de Marsyas parlent ensemble de ce que nous vivons aujourd'hui, de ces endroits où nous sommes peut-être en train de perdre notre peau. À vouloir maîtriser tous les instruments, à vouloir défier les dieux, nous risquons de nous dépiauter. Nous avons tendance à oublier que notre peau est essentielle, primordiale. Elle est la surface de notre eau. Et il y a tant d'eau en nous... c'est un miracle qu'elle ne s'échappe pas.

Entretien de Jean Lambert-wild effectué par Pierre Notte

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Ici,
Au travers de moi
Je vois l'immensité des larmes
Accumulées dans mes pieds,
Puits qui me relient à la terre
Où j'entends les plaintes
Des plaines ombragées de mon enfance.
Là,
Nous étions deux
À glisser d'herbe en herbe
Heureux de nous battre !
Heureux de nous aimer !
Le temps ne valait rien
Tant il pesait lourd
Et comme des chiots
Nous l'enfouissions partout
Pour le perdre aussitôt.

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La Coopérative 326 au sein de laquelle œuvrent Jean Lambert-wild et Jean-Luc Therminarias, instaure une dialectique entre les relations de travail et les investigations artistiques. Les membres, solidaires, cherchent à susciter de nouvelles perspectives narratives, scénographiques, poétiques, musicales, chorégraphiques, plastiques. L’égalité des droits et des devoirs de chacun est la pierre angulaire du fonctionnement. Chacun joue sa partition comme dans un équipage où le skipper ne paraît jouer un rôle déterminant qu’à ceux qui ne sont jamais embarqués. Expressément, les relations de travail “s’inspirent des codes en vigueur, à bord des vaisseaux de la marine à voile”.

La référence à la navigation préserve la part du jeu, elle exorcise la menace d’un sérieux sans profondeur. La Coopérative se révèle le creuset d’une “fabrique” qui incite à penser que l’art comme toute activité humaine ne sort de l’impasse libérale qu’en remettant en cause les principes sacro-saints de la propriété et de la division du travail, leurs organisations pléthoriques ou au contraire unipersonnelles.

Mari-Mai Corbel

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Sélection d’avis du public

Crise de Nerfs - Parlez-moi d’amour Le 16 mai 2009 à 10h17

Eblouissant ... A voir et revoir absolument...

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Crise de Nerfs - Parlez-moi d’amour Le 16 mai 2009 à 10h17

Eblouissant ... A voir et revoir absolument...

Informations pratiques

MC93

9, bd Lénine 93000 Bobigny

Accès handicapé (sous conditions) Bar Garderie (sous conditions) Grand Paris Librairie/boutique Restaurant Seine-Saint-Denis Wifi
  • Métro : Bobigny Pablo Picasso à 472 m
  • Tram : Hôtel de Ville de Bobigny à 90 m
  • Bus : Hôtel de Ville à 84 m, Karl Marx à 181 m, Maurice Thorez à 274 m
  • Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
    Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)

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Plan d’accès

MC93
9, bd Lénine 93000 Bobigny
Spectacle terminé depuis le dimanche 20 juin 2004

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