En japonais surtitré en français. Avec le Festival d'Automne à Paris
Sept femmes dans un lieu appelé Village. Des nuages de mauvais augure viennent assombrir le ciel et des rumeurs annoncent que le village sera damné. La pièce raconte la façon dont les sept femmes réagissent à l’annonce du cataclysme : une qui y croit ou qui refuse d’y croire, celle qui s’enfuit, une qui préfère rester… Sur scène, un personnage qui représente les spectateurs observe. Cette nouvelle pièce introduit pour la première fois la notion de fiction, ou plutôt de science-fiction, dans le travail de Toshiki Okada, et se situe dans un espace ni allégorique ni abstrait : il s’agit du contexte de la catastrophe de mars 2011 au Japon.
Il y est question de choix et d’attitudes à adopter face à la situation : se déplacer, ou au contraire essayer de sauvegarder son mode de vie d’avant. L’échelle de valeur change quant à la façon dont on croyait pouvoir, avant la catastrophe, évaluer ses forces et ses faiblesses. Quelles formes d’anxiété génèrent un tel événement, et quels moyens on s’invente pour la maîtriser. Le raisonnement qui pousse les gens à penser que leur décision découle de leur seule volonté… Comment les vivants font, comment ils se débrouillent pour surmonter le drame, chacun à sa manière.
Vous avez écrit que Current Location ouvrait un nouveau chapitre de votre carrière. Pour quelle raison ?
Avant, je ne mʼintéressais pas à la fiction, au fait de raconter des histoires. Current Location est la première pièce pour laquelle je me suis intéressé à la
fiction. La raison de cela, cʼest que jʼai vécu un changement après la catastrophe du 11 mars 2011 et lʼaccident nucléaire qui sʼen est suivi. Après cette catastrophe, jʼai changé ma manière de voir le théâtre et son rôle dans la société. Jʼai commencé à mʼintéresser au fait de placer une fiction devant le public – cʼest-à-dire devant la société. Jʼespère ainsi créer une tension entre cette fiction et la société.
En quel sens entendez-vous le mot fiction ? Est-ce une réalité alternative, quelque chose de totalement imaginaire... ?
Cʼest quelque chose qui ne sʼest pas produit en réalité, mais qui peut donner au public lʼoccasion de réfléchir. Cʼest cela, lʼeffet et le sens de la fiction. Avant 2011, ce nʼest pas ce que je pensais. Je pense aujourdʼhui quʼune société après une catastrophe a besoin de fiction, a besoin dʼune tension avec quelque chose. La fiction est le meilleur moyen de créer une tension avec la société.
La pièce, dites-vous, se déroule dans un univers de science-fiction. Quʼest-ce qui vous a intéressé dans la science-fiction ? Avez-vous été inspiré par certains livres ou films ?
Quand jʼai eu lʼidée de créer une fiction, la science-fiction était un objectif. Cʼest-à-dire que je ne voulais pas seulement créer une histoire fictionnelle à une petite échelle, mais créer une histoire complètement irréelle. Je ne sais pas dans quelle mesure Current Location est véritablement de la science-fiction, mais cʼest à cela que je pensais en la montant.
On y parle de rumeurs, dʼun village damné, de la question de la croyance en une réalité peu assurée...
Cela provient du tremblement de terre et de lʼaccident nucléaire. Comme les radiations sont invisibles, cʼétait facile pour certaines personnes qui nʼy croyaient pas de ne pas voir la réalité. Dʼautres, au contraire, pensaient que cʼétait une situation extrêmement dangereuse. Donc nous, les Japonais, nous vivons exactement la même situation que celle qui est présentée dans Current Location.
Dans Current Location, le public est sur scène. Quel rôle joue-t-il ?
La raison de mon intérêt pour la fiction est la relation quʼelle crée avec le public. Si lʼon met en scène une fiction de façon classique, cette relation se produit. Mais, dʼune certaine façon, je ne pouvais pas me résoudre à faire cela. Je nʼaurais pas complètement cru à cet effet. Je voulais que le public comprenne lʼeffet de cette expérience de la fiction, en voyant la pièce. Cʼest pourquoi Current Location ne montre pas seulement lʼhistoire, mais aussi la relation entre lʼhistoire et le public.
Dans Current Location et Ground and Floor, comment avez-vous abordé la chorégraphie ? Pouvez-vous nous parler du processus créatif avec les acteurs ?
Je nʼaime pas le rapport conventionnel du mouvement au langage. Ce type de mouvement ne me convainc pas. Le mouvement que jʼapprécie est celui qui se tient à une distance appropriée du langage. Lorsque je crée un mouvement avec les acteurs, je leur demande de faire un mouvement qui provient dʼune image quʼils ont en tête, et pas dʼun discours. Les acteurs de Current Location et de Ground and Floor connaissent très bien ma méthode. La plupart dʼentre eux travaillent avec moi depuis longtemps. Non seulement ils comprennent ma méthode, mais ils ont leur propre interprétation de ma méthode, donc ils ont leur propre méthode maintenant ! Il y a cinq ans, cʼétait donc facile pour moi de vous décrire la mouvement pour une pièce, parce que je leur disais quelque chose quʼils apprenaient. Aujourdʼhui, je ne suis plus certain de la façon dont ils travaillent. Mon critère, cʼest : est-ce que jʼaime ou non ce quʼils font ? Est-ce que cela me convainc ou non ?
Extraits des propos recueillis par Barbara Turquier pour le festival dʼAutomne à Paris
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