De Mal en Peor

Bobigny (93)
du 16 au 21 octobre 2007
1h30

De Mal en Peor

  • De : Ricardo Bartis
  • Mise en scène : Ricardo Bartis
  • Avec : Cecilia Peluffo, Augustín Rittano, Marta Pomponio, Carlos Defeo, Claudia Cantero, Luciana Ladisa, Flora Gró, Federico Martinez, Alberto Ajaka, Andrea Nussembaum, Matias Bringeri
L'Argentin Ricardo Bartís raconte la réalité d'un pays en temps de crise à travers la vie quotidienne de deux familles bourgeoises soumises à la déchéance et à l'éclatement. 6 dates à ne pas manquer à la MC93, dans le cadre du Festival d'Automne.

Spectacle en espagnol surtitré en français.

  • Tragédie argentine

Entre 1880 et 1910, l’Argentine glisse dans une situation d’appauvrissement qui n’est pas sans rappeler une période plus contemporaine de son histoire. Ricardo Bartís, auteur et metteur en scène, raconte cette période de l’histoire à travers la vie quotidienne de deux familles bourgeoises soumises à la déchéance et à l’éclatement. Famille, mariage, travail, argent, ces valeurs sûres de l’ordre social éclatent dans l’atmosphère confinée d’un salon où se retrouvent les membres de ces familles de la bourgeoisie déchue.

Dernière-née de ses « tragédies argentines » De Mal en Peor s’est créée à partir des improvisations de la troupe Sportivo Téatral qui jouait dans le studio-théâtre de Ricardo Bartís. Cette configuration lui a donné d’emblée les allures d’un vaudeville mécaniquement rythmé et très parodique.

Le jeu se déroule sous les yeux des spectateurs installés eux aussi dans le salon bourgeois, au plus près des personnages dont ils vont partager le désarroi et l’impuissance mais aussi la drôlerie, les mensonges et les cabrioles. Au milieu de la répression policière, des accidents politiques et des multiples galères, ces bourgeois vont tout essayer pour ne pas chuter dans le gouffre qui s’ouvre à leurs pieds.

Comique du désespoir dans ce chaos, orchestré avec rigueur, où la folie des stratégies les plus élaborées par les membres de la famille entraînent les protagonistes dans une course désespérée qui balaye générosité et sentiments, à la recherche d’un magot constitué de bons du Trésor... En s’emparant de la tragédie d’une nation en crise, Ricardo Bartís porte très haut le désir d’un théâtre d’art engagé qui affronte son époque et fait tomber les masques, un théâtre dans lequel « jouer est une expérience hérétique, une activité révolutionnaire à l’encontre d’une société déshumanisée ».

  • Entretien avec Ricardo Bartís

Comment avez-vous écrit le texte De mal en peor ? Mis à part son contexte historique, cette pièce se fonde-t-elle sur des faits réels ? Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Ricardo Bartís :
Mon travail d’écriture n’apparaît qu’à la fin d’un long processus d’essai. Cette fois-ci, nous nous sommes exercés sur une partie de notre lieu qui nous plaisait parce qu’elle comportait beaucoup de portes : cela nous permettait de travailler un peu certains rythmes de vaudeville. Onze comédiens jouent dans la pièce, et la présence des portes permettait de travailler les entrées et sorties de onze corps sur un espace très réduit. La petitesse de l’espace nous obligeait également à être tous collés au mur, construisant ainsi des sortes de frontispices, de tableaux, de peintures. Nous devions donc être très attentifs à la manière de se placer, afin que tous les corps puissent tenir ensemble sur scène. Cette étape de réflexion a été extrêmement intéressante. La période historique, les thématiques ainsi que les idées, même si elles ont, bien entendu, leurs poids et leurs valeurs, nous servent toujours de prétextes pour les processus autonomes
que nous engageons. En Argentine, nous sommes encore très influencés par la crise de 2001. Notre travail se réfère à une classe sociale et à une problématique qui est la dette, pas seulement dans son contexte économique, mais envisagée comme un élément existentiel ; nous travaillons autour du sentiment de toujours devoir quelque chose à quelqu’un.

De mal en peor abonde en éléments narratifs et en péripéties…
R. B. : On construit rythmiquement un récit dans l’espace à partir des portes, des entrées et sorties des corps. Le public observe ce que seraient les limites de la maison familiale et aperçoit à travers les portes les espaces où se trouvent les membres de la famille. Il peut espionner la famille. Avant de rentrer dans la pièce, il traverse une salle où la famille, pour pallier les difficultés économiques et comme pourprendre part à sa propre décadence, a organisé un musée. Le spectateur effectue donc une sorte de parcours de l’histoire familiale. L’action se déroule en 1910 – une date emblématique, puisqu’il s’agit de la nuit qui précède le centenaire de la fondation de l’Etat d’Argentine, le 25 mai 1810. Le contexte social ressemble à ce que l’on a pu voir récemment à Buenos Aires, avec des manifestations ouvrières, des slogans anarchistes dans les rues, remettant sans cesse en question le pouvoir des classes dominantes. La famille semble enfermée dans la maison.

L’espace restreint contribue-t-il à un effet d’immersion totale du spectateur ?
R. B. :
Nous avons la chance de travailler dans un espace énorme, qui nous permet de choisir des endroits insolites pour travailler. Nous avons choisi un espace où le public serait limité, ce qui nous pose à l’heure actuelle un véritable problème parce que la demande est bien supérieure à la quantité de places que nous pouvons vendre. À Buenos Aires, seules 35 personnes peuvent assister à une représentation. Le spectateur est donc collé aux comédiens, il peut voir chaque détail, il est complètement immergé dans la scène et se sent interpellé. Entre nous, nous ne parlons que de ceux qui sont dans la pièce, jamais de ceux qui sont en dehors. Nous parlons de notre classe sociale, de manière parodique et ironique. La proximité est un élément essentiel pour percevoir le jeu d’un comédien. Je ne comprends pas le théâtre à distance, celui où, lorsqu’on est au vingtième rang, on ne perçoit plus que de petites figurines qui parcourent des espaces. Nous nous sommes toujours intéressés aux comédiens, au langage, notre théâtre est entièrement basé sur le jeu et il ne peut être qu’une expérience minoritaire. On ne peut voir une pièce à plus de quatre-vingts, quatre-vingt dix personnes. C’est un monde clos, un rituel mineur et réduit, une autre forme de spectacle.
Dans toutes les pièces auxquelles j’ai participé, j’ai voulu faire l’expérience d’un théâtre de chambre. Actuellement, nous travaillons de la même manière à une adaptation d’Hedda Gabler.

Dans un entretien avec Pierre Notte, vous déclariez : « Seule la mort peut faire la différence entre la fiction et la réalité »…
R. B. :
Oui, je me réfère sûrement au fait que nous sommes en train de vivre une période très fictionnelle. Nous vivons dans un monde où le niveau de fiction emprunté à l’art théâtral et au jeu à des fins politiques est en train d’atteindre des proportions insupportables. Nous en sommes rendus au point de penser que le théâtre et le jeu n’ont plus aucun recours car tout devient jeu, ou tout devient théâtre. Le seul élément non fictionnel, qui place une limite claire entre la fiction et la réalité, reste la mort. Tout a quelque chose de virtuel et d’artificiel, et la réalité essaie toujours, pour nous ôter de la vue tout ce qu’elle produit d’insupportable, de créer une sorte de camp artificiel.

Comment votre travail avec Sportivo Teatral est-il reçu en Argentine, et comment les choses ont-elle évolué ? Comment Sportivo a-t-il modifié votre manière de faire du théâtre ?
R. B. :
Comme l’indique son nom, Sportivo est une plaisanterie. Nous aurions pu nous appeler “centre des nouvelles tendances”, ou encore choisir l’un de ces noms modernes et avantgardistes, mais nous avons décidé de nous jouer de cette préoccupation qui existe à Buenos Aires, ville influencée par les modes, surtout celles qui nous viennent d’Europe. Nous courions le danger, avec le théâtre, de nous prendre un peu trop au sérieux. Nous avons préféré prendre les choses à la plaisanterie.
Tout le monde se fiche du théâtre. Seuls ceux qui le font s’en préoccupent, et nous tentons de fuir les canons du théâtre conventionnel, ou les prestiges du théâtre institutionnel. Sportivo est un espace de formation, on y donne des cours et on s’entraîne, entre metteurs en scène et comédiens ; cela fait déjà plusieurs années que nous produisons des spectacles de théâtre indépendant, et nous sommes considérés comme une scène importante dans le développement d’un théâtre alternatif.
Je n’ai quasiment pas d’expérience théâtrale antérieure, Sportivo s’est monté à la fin des années 1970, on y a appris à produire des spectacles d’une autre manière, en sortant du marché, sans aucun espoir de succès, en partant du principe que l’on peut faire du théâtre autrement. Nos conditions économiques sont toujours un peu les mêmes, sans pour autant être stables car nous ne répétons jamais les mêmes expériences. Nous sommes un groupe ouvert. De temps à autre, nous nous retrouvons pour créer un projet avant de nous séparer de nouveau. Certains comédiens travaillent à la télévision, d’autres sont amateurs. Cela nous permet de confronter des réalités différentes. Sportivo est situé dans un très beau quartier appelé Palermo, dans une ancienne fabrique d’ambulances, un cadre auquel nous sommes très attachés. Nous sommes maintenant très suivis, mais nous aimerions parfois être confronté à un public plus mixte, plus militant, plus alerte à notre langage, qui est un langage critique et poétique.

Propos recueillis par Carmela Chergui et David Sanson.

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Informations pratiques

MC93

9, bd Lénine 93000 Bobigny

Accès handicapé (sous conditions) Bar Garderie (sous conditions) Grand Paris Librairie/boutique Restaurant Seine-Saint-Denis Wifi
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  • Tram : Hôtel de Ville de Bobigny à 90 m
  • Bus : Hôtel de Ville à 84 m, Karl Marx à 181 m, Maurice Thorez à 274 m
  • Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
    Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)

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Spectacle terminé depuis le dimanche 21 octobre 2007

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