Un chapiteau pour faire la fête
Qui embrasse, qui tue ?
La presse
La même Claire Lasne retrouve le même dispositif circulaire et la même troupe de comédiens pour évoquer, au plus près du public, les tribulations picaresques du «grand seigneur méchant homme» et de son irrésistible compagnon d’aventures.
Après l’énorme succès de son Platonov à la grande halle de la Villette en 1996, s’ouvrait à Claire Lasne la voie royale d’une belle carrière institutionnelle. Et c’est en toute connaissance de cause qu’elle préféra opter, malgré l’absence de salle et la modeste dotation, pour le Centre Dramatique Régional de Poitou-Charentes, afin d’y développer au fil des saisons l’artisanat théâtral, l’esprit de troupe et le partage avec un très large public qui sont depuis toujours la caractéristique de son engagement. Pour cela, il fallait se doter d’un chapiteau – une belle toile de cirque sang et or abritant une piste et des gradins circulaires pouvant accueillir jusqu’à 350 spectateurs, et que des techniciens aidés de bénévoles érigent à chaque nouvelle étape sur ses deux mats. Il fallait aussi retrouver, en semi-remorque et caravane, les chemins buissonniers de la petite « décentralisation rurale », celle des friches municipales et des « tréteaux» initiée au siècle passé par les grandes figures de Copeau, Chancerel, Dasté, Gignoux... Surprise par l’événement insolite – d’autant qu’il s’agit de théâtre ! –, la population villageoise se mêle discrètement aux répétitions, et, partageant après la représentation le vin et le farci poitevin, s’aperçoit avec satisfaction que les chefs d’œuvre de Molière, Tchekhov ou Gozzi, loin de lui être interdits, sont aussi écrits pour elle, lui appartiennent, comme aux habitants du village voisin, et que les artistes, au-delà de leur différence et de leur mode de vie si original et parfois si exubérant, sont aussi des gens comme eux, se faisant l’écho public de sentiments ou préoccupations qui sont aussi les leurs. Des animations dans les écoles, des rencontres dans les foyers associatifs, du théâtre chez l’habitant, parfois une traduction simultanée du texte en langue des signes pour les sourds et malentendants, et même une soirée improvisée baptisée « Scène ouverte» réunissant des artistes amateurs locaux, enrichissent encore ce formidable programme d’éducation populaire et de chaleureuse convivialité qui ressemble tant à Claire Lasne et à son équipe, eux pour qui le théâtre, s’il veut se développer ou simplement survivre, doit retrouver les chemins de la fête et de la générosité.
Yannic Mancel
Au centre d’un cercle, un homme se prépare à partir. Tendu vers sa fin, le corps ramassé, il trace une ligne si droite qu’elle en deviendra mythique. C’est lui, Dom Juan, cet homme pétri de contradictions et de failles. C’est lui, qui veut savoir ce que personne ne sait, regarder dans les yeux le mystère de la vie. Un petit homme aux yeux vifs le regarde et l’aime. Il finira par lâcher sa main. Une femme le visite, deux le rencontrent, tous peu à peu forment un chœur qui fait de sa mort moins une injonction divine qu’une aventure humaine. On ne sait plus, dans ce voyage, qui embrasse et qui tue, qui aime ou veut sa mort. Dès qu’il tremble, dès qu’il doute, dès qu’il saigne, le cercle se referme sur lui, et l’avale.
Claire Lasne
" Electrique, l’atmosphère du cirque, sa virtualité circulent donc dans chque geste des acteurs, qui tous en usent avec mesure et précision. Saluons d’ailleurs d’ailleurs leur talent. Celui de Richard Sammut, bien sûr, Dom Juan au masque jamais fissuré, avec juste ce qu’il faut de perles atrabilaires… Sans oublie les autres prestations : celle de Laurent Ziserman, Sganarelle à l’énergie unique et insensée, capable de révéler la part d’autisme qu’enfante la peur. " Aude Brédy - L’Humanité
" [...] Ce Dom Juan-là, au milieu de la piste, comme jeté en pâture à un public ravi de l’aubaine, nous est soudain plus familier. Nous discernons mieux, derrière ses manières cavalières et cette intarissable soif de conquêtes féminines, ce qui ressemble à une quête impossible : " connaître le mystère de la vie ", nous souffle Claire Lasne. [...] Ayant ainsi éclairé le point de vue de son personnage, Claire Lasne peut laisser libre cours à son goût de la cavalcade, à son sens de l’épopée, n’hésitant pas, de-ci, de-là, à glisser vers la farce joyeuse. Ce faisant, elle réveille ce Dom Juan que l’on nous a si souvent montré qu’il ne nous étonnait plus guère. [...] Ce Dom Juan-là, sans démagogie mais non sans talents, fait la joie de tous les publics, de 7 à 77 ans, ce que Molière aurait apprécié. On lui souhaite longue route. " Stéphane Bugat - L&A Théâtre
Avenue des Maréchaux 16007 Angoulême