Après Questo buio feroce et La Menzogna, entre autres fracassants passages au Rond-Point, retour d’un enfant terrible et de sa bande d’illuminés. Créateur d’images fortes, de mondes fantasmagoriques en prise avec un présent de révoltes et de grondements, Pippo Delbono s’empare du plateau avec ses marginaux, ses déclassés, ses abîmés. Au sein de la troupe : des personnalités singulières, corps handicapés ou héros de la marginalité. « La compagnie, dit-il, c’est être ensemble. La première lutte, c’est de grandir ensemble, avec des réalités humaines différentes ; c’est se confronter avec l’autre. »
Chanteurs, acteurs d’un monde de laissés pour compte, ils s’attaquent à Stravinsky, dansent sur les carnages des combats en cours comme sur l’air du Sacre du printemps. Au coeur du rite : le sacrifice des innocents, les dévastations des grandes batailles des films de Kurosawa. Qu’il s’agisse de guerres et d’horreurs, le spectacle de ce génie vivant d’une scène foisonnante devient paradoxalement une fête, une célébration des forces de vie.
Pina Bausch, Kantor, Fellini… Les maîtres de Delbono sont les créateurs singuliers d’espaces, de rythmes, de troupes. De familles à refaire le monde. Dans ses pièces : des images, des scandales, des fulgurances. Mais aucun personnage, aucune parole narrative, aucune trame prévisible. Son projet : « Des couleurs, des voix, des contradictions, des directions, des équilibres, des déséquilibres ; tout le temps, comme une composition musicale » dit-il. Le monde tel qu’il est : premier sujet ; ses violences, ses cris, les humiliations des hommes et les gifles de l’Histoire. Pippo Delbono, chien fou de la scène internationale, mord aux chevilles tous les colosses des pouvoirs politiques, religieux, tyranniques. Il dessine des espaces gigantesques pour un théâtre monstrueux. Après la bataille, c’est un champ de ruines où Delbono danse avec ses créatures pour raconter à la fois les vanités inhumaines et les sacrifices humains de tous les conflits en cours.
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