Démembrez ce royaume en plusieurs autres / Et faites-en un partage équitable / Pourvu que, moi, j’y aie mon coin, ma niche / Pour folâtrer avec mon Gaveston...
Un conte naïf pour grands enfants
Une « fausse » tragédie classique
La presse
Alors qu’Edouard 1er vient de décéder, son fils, Edouard II, à peine sacré roi, fait immédiatement rappeler son « favori » qui fut banni du royaume et dont il est passionnément amoureux : le français Gaveston. Il le couvre alors de titres, et organise de dispendieuses fêtes en son hommage.
Les nobles conduits par Mortimer le jeune et le comte de Lancastre condamnent cette relation « contre nature » entre le roi et ce « vil parvenu » et engagent un combat politique contre leur souverain, dont les enjeux sont le bannissement à nouveau de Gaveston et le rappel d’Edouard II à ses responsabilités de gouvernant, qu’il semble avoir oubliées.
Après de nombreuses tentatives, les nobles parviennent à tuer Gaveston. Le roi et ses nouveaux alliés (dont Spencer le jeune, son nouveau favori) réagissent aussitôt et déclenchent une véritable guerre civile. Les nobles sont tués hormis Mortimer le Jeune qui après s’être échappé de prison s’exile en France où il retrouve sa maîtresse, la reine délaissée, épouse d’Edouard II et sœur du roi de France. Ensemble ils créent une coalition, débarquent en Angleterre et après une nouvelle guerre sanglante ils parviennent cette fois à renverser le pouvoir. Mortimer fait emprisonner, torturer puis tuer Edouard, (qui sera littéralement embroché).
Dans sa déchéance et avant de mourir, Edouard fait preuve de compassion et d’un grand courage. Puis se sera au tour du jeune prince Edouard (III) de punir les bourreaux de son père, d’emprisonner sa propre mère, de faire décapiter Mortimer et par la même d'affirmer ses capacités à gouverner…
Traduction André Markowicz en collaboration avec Cédric Gourmelon.
Costumes : Raoul Fernandez.
C’est une pièce crue et sanglante, et à la fois un conte naïf pour grands enfants. Elle tente de relater les 20 ans du règne du roi Edouard II d’Angleterre (1284-1327), en cinq actes. Certes à travers la subjectivité d’un auteur engagé, mais aussi avec une impressionnante volonté d’exhaustivité. Comme on imaginerait des enfants le faire, la trame avance comme on invente une histoire, à chaud. Il s'en dégage une grande simplicité, une poésie naïve et puissante. Marlowe est le premier grand auteur dramatique de la renaissance élisabéthaine.
Même si cette pièce appartient à l’histoire du théâtre, il s’agit d’une « fausse » tragédie classique, forte d'un héritage comme celui des « mystères » du théâtre médiéval. Elle boite. Elle est irrévérencieuse, insolente, comique. Baroque. C’est une pièce de troupe. Destinée à une bande d’acteurs.
Le sujet de la pièce c’est l’amour. La force subversive de l’amour ; cet amour fou entre le roi Edouard II et son « favori », Gaveston. Et c’est au nom de cet amour qu’Edouard II transgresse toutes les lois dont il devrait être le garant, étant le représentant de Dieu sur terre. Il élève des « culs-terreux » aux plus hautes dignités cependant qu'il bannit les nobles de sa cour. Il place un homme dans son lit et le fait asseoir sur le trône réservé à la reine qu'il traite de putain et qu’il chasse. Enfin il violente puis congédie les membres les plus éminents du clergé d’Angleterre outrés par son attitude.
Marlowe, volontairement, n'insinue pas l’existence d'une justice divine : la couronne qui symbolise l'autorité absolue du monarque, et dont finalement Edouard II devra accepter de se séparer, ne s'acquiert pas grâce à des lois sacrées, elle est l'objet de toutes les convoitises, c'est pour la posséder qu'on se bat, par tous les moyens, même les plus ignobles.
C’est stupéfiant et presque jubilatoire de sentir à travers ce texte, la volonté subversive de Marlowe, la violence inouïe de ses partis pris pour l’époque, qu’ils soient d’ordre religieux, politiques ou moraux.
Pour nous l’aventure de ce spectacle c’est rester proche de nous même avec ce théâtre-là. De privilégier l’instant et la qualité de présence des acteurs, la force poétique et naïve de la pièce plutôt qu’une relecture historique. C’est d’aller vers la simplicité de la métaphore poétique, du dépouillement et même si par moments les acteurs jouent au roi et à la reine, aux châteaux forts, aux capes et aux épées… et que la démesure et la folie sont présentes.
C’est dans l’accumulation des informations, des contradictions, des esthétiques (presque) que le côté « odysséen » de la pièce se révèle.
« Avec Edouard II de Christopher Marlowe, Cedric Gourmelon se propose, dans la très pertinente nouvelle traduction d'André Markowicz, d'évoquer le tragique destin d'un roi ne revendiquant qu'un seul droit, celui de pouvoir être amoureux de qui lui plaît. (...) Une fresque qui se joue de l'épique élisabethain en inscrivant l'intrigue dans l'épure de la chambre d'écho d'un plateau nu. Quelques accessoires et les très beaux costumes de Raoul Fernandez suffisent à mettre en branle l'imaginaire pour ne jamais lâcher le fil rouge d'une simple revendication amoureuse mise à mal par la morale et les impératifs du pouvoir. La belle réussite d'un spectacle fleuve (3 heures 40) misant d'abord sur les capacités de sa jeune troupe à tenir la légéreté d'un tragi-comique qui ne baisse jamais la garde. » Les Inrockuptibles, Patrick Sourd
« Dissez est excellent dans le rôle d'Edouard II, littéralement habité par le personnage à qui il insuffle une foi, une force inébranlables. (...) Trois heures trente durant, l'on suit, sans regarder sa montre, cette grande fresque épique, haletante, servie par un texte puissant et menée à un rythme d'enfer.(...) Cet Edouard II de Christopher Marlowe développe une fantaisie, une irrévérence réjouissantes. (...) Succès public de la pièce et bouche à oreille très favorable. » Ouest France, Benoît Le Breton
« Une scénographie austère est régulièrement contrebalancée par des bouffées baroque que n'aurait pas désavoué un cinéaste comme Werner Schroeter dont l'oeuvre est nourrie d'artifices aussi somptueux qu'audacieux. Cédric Gourmelon possède avec Vincent Dissez qui interprète le roi une carte maîtresse. Sa présence effrénée, son acharnement à évoquer à tout bout de champs son bien aimé, les patins qu'il lui roulent devant la cour réunie (et sa femme rejetée) et les rires maladifs dont il est pris à l'annonce de l'exécution de ses ennemis génèrent une tension qui a sur le reste de la troupe un effet galvanisant. » Joshka Schidlow, Allegro Theatre
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris