« Un plus un acte pour précéder un drame »
En deux actes symétriques, Raymond Queneau fait intervenir, dans la dispute de deux couples au bord de la séparation, les répliques cocasses des mendiants et des passants, dans un couloir de métro.
Dans le premier acte, la femme s’évade en rêve avec un passant.
Dans le second acte, l’homme s’évade en rêve avec une passante.
La sonnerie du dernier métro nous ramène à la réalité : « Qu’est-ce que vous voulez… je ne faisais que passer… »
Distribution en alternance (Compagnie Esperluète and Co).
Rarement jouée, cette courte pièce semble à part dans l'oeuvre de Queneau. Il s'agit d'une des seules pièces de théâtre écrite par l'auteur. Elle est remarquable par sa poésie directement accessible et ses niveaux de lecture multiples, pour tout public. Toujours emprunt de ce style particulier à Queneau, le texte, tissé d'humour subtil, s'écoute avec aisance. Son écriture évoque celle d'une partition musicale, à l'intérieur d'une structure mathématique : répétition, symétrie des échanges des personnages, nuances et variations dans les répliques.
Cette pièce de Queneau, pleine de fraîcheur et toujours actuelle, a rarement été mise en scène et mérite d'être connue d'un plus large public.
Mon travail a été particulièrement inspiré par la rigueur de la structure et la précision du langage ; je m'y suis sentie libre - c'est peut-être un paradoxe ! - d'exprimer les désilusions de l'amour, la conscience de la fuite du temps, la difficulté de communiquer, mais aussi la beauté et le plaisir du rêve.
Riche d'un humour insolent et subtil, d'une poésie qui dit les choses avec pudeur, ce texte offre un large éventail de registres (du comique au dramatique).
J'ai trouvé, également, une manière d'évoquer les aspirations similaires des hommes et des femmes. Tout cela, dans l'amusement partagé de parler de ces choses parfois sombres, avec ironie, malice et légèreté.
Et si le métro, lieu où l'on rêve d'évasion "sur un voilier trois-mâts partant pour les Antilles" se confondait avec l'évasion elle-même ?
C'est ainsi que dans le couloir, lieu présent dans les didascalies, est devenu le quai, quai de métro, quai de bord de mer... j'ai eu envie de poursuivre le jeu amorcé par Queneau, sur les lieux et sur le langage, en préférant, à un décor réaliste, une évocation du métro, du quai, laissant libre cours à l'imagination du spectateur.
[…] A l'issue du voyage
Je souhaiterais particulièrement faire partager aux spectateurs la richesse de la réflexion que nous propose la pièce avec humoour, sur notre capacité à aimer, à être heureux, à rêver... et aussi leur faire goûter un beau moment de plaisir.
Sylvie Mandier
" Il faut une belle dose d’audace pour monter En passant : la pièce est courte […]. Sylvie Mandier, avec la compagnie Esperluète and Co, a relevé le défi et s’en tire avec élégance.[…] Voir et ouïr les mots de Queneau, être devant ses personnages incarnés en chair en os, et en talent de comédien(ne)s est toujours une expérience gratifiante.[…]"
Victor Batignol, Ouvroirs (Revue d'études sur Queneau n°56-57)
" […] Les deux actes, qui contiennent dans leur succession la mise en abîme du rêve et de l'illusion, la fugacité du bonheur, l'impossibilité de perser sur le temps et sur la destinée, la vanité du dialogue amoureux, le poids du réel, s'imposent comme du vrai, du beau théâtre. La vituosité des comédiens, la précision de la mise en scène permettent au comique, au poétique, au tragique de se côtoyer, de se mêler sans se heurter. L'ensemble est séduisant. Passant, arrête-toi au Théâtre du Marais, le temps d'une visite dans les couloirs du métro... Tu ne perdras pas, ce temps."
Jean-Pierre Longre, Blog Notes et Chroniques
37, rue Volta 75003 Paris