Arrojad mis cenizas sobre Mickey. Spectacle en espagnol surtitré en français.
« Je ne pousse pas un cri. Ce serait plutôt une rumeur. Mais ce qui est susurré là n'est pas agréable à entendre ; peut-être même que cela fait encore plus mal aux oreilles qu'un hurlement. »
Vu du ciel, à travers le hublot, le lac est idyllique - un rêve. Mais une fois au sol, apparaissent les aménagements, pistes cyclables, aires de pique-nique, restaurants, poubelles, magasins de souvenirs… L’exploitation commerciale du lac en a détruit tout le charme.
Partant de la réalité ordinaire, Rodrigo García envisage un monde progressivement escamoté par l'homme, un monde qui pourtant nous échappe de plus en plus et dans lequel l'homme à son tour s'échappe à lui-même. « On a tous nos propres soucis, mais qui a sa propre vie ? » Dans cette dépossession de soi l'individu a perdu sa voix, trafiquée et déformée par des machines.
Spectacle après spectacle, Rodrigo García pointe sans faiblir les dérives - aveuglement et individualisme de masse, exploitation et formatage des individus - auxquelles le totalitarisme, qu’il soit militaire ou économique, soumet quotidiennement nos corps et nos âmes. Sa prose comme sa manière de diriger les corps constituent ainsi une réponse directe, drôle et violente, à la manière dominante de dresser les corps et les sexes les uns contre les autres, dans un monde régulé par l’idéologie de la rentabilité. Elles opèrent un renversement poétique au service d’un théâtre de la cruauté qui est aussi un théâtre de la crudité, où se mêlent le sang, l’essence, le sexe, le miel…
Faisant suite à Borgès+Goya, parenthèse dans ce parcours du combattant, Et balancez mes cendres sur Mickey montre un artiste qui n’a rien perdu de sa pugnacité, mais dont la manière semble s’être épurée, à défaut de s’être apaisée. C’est en poète que Rodrigo García nous offre ce nouveau manuel de survie qui abonde toujours en images saisissantes : une femme que l’on tond sur scène, des souris que l’on noie dans un aquarium ; le face-à-face muet d’un 4x4 flambant neuf et d’une piscine gonflable remplie de boue ; un homme enseveli sous les tranches de pain – serions-nous tous devenus des hommes-sandwichs ?
Traduction de Christilla Vasserot.
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