Ziggy Stardust est né le 3 février 1972, à Lancaster, sur scène. Il est mort le 3 juillet 1973, sur scène à nouveau, au Hammersmith Odeon de Londres. Pendant son éphémère et fulgurante existence, il créé un album avec les Araignées de Mars, et donne de centaines de concerts sur la planète entière, alors que sa phobie ne lui permettait pas de prendre l’avion, lui, créature de l’espace. Une Rock’n’Roll Star, un monument excentrique frisant la folie à chaque instant, un avatar maquillé, à qui l’Ailleurs est vital. Un être venu de Mars : l’Espace comme une possibilité, un terrain d’aventure et d’expression où l’étrange devient réel, où l’impossible existe telle l’invention de soi.
Avec Ziggy Stardust, David Bowie fit une expérience qui le porta presque aux limites de la schizophrénie. Avec cette pièce, Renaud Cojo refait son Bowie et interroge à son tour les limites du Moi et celles du théâtre. Ce théâtre qu’il dit « en mouvement », théâtre travaillé par les mangas, les raves, le rock, la vidéo et les nouvelles technologies qu'il aime à explorer.
Pour monter ce spectacle, il s’est livré à un certain nombre d’expériences live (aller chez un psy habillé et maquillé en Ziggy par exemple...) ; il a aussi écumé YouTube ou Dailymotion pour rencontrer quelques-uns des nouveaux Ziggy et a convié l’un d’entre eux à l’accompagner sur scène dans ce voyage interplanétaire autour de la cabine téléphonique de l’album éponyme, rouge comme Mars, et d’une lampe chirurgicale. Ensemble, ils jouent à être Ziggy, ou Bowie, ou eux, ou encore autre chose.
« Qu’ils se choisissent comme nom, Clatty Brown, Guitarad, Eliminazi, Elogul ou Eddie The Kook, dont ils sont plus de 300 à avoir « posté » leur reprise personnelle sur le site communautaire Youtube, le mythe Ziggy Stardust n’en finit pas de subir la réappropriation d’un temps toujours plus élastique. Ziggy est l’autre parti d’un « moi » interstellaire, satellisé à jamais dans la mémoire d’un possible. Il suffit par exemple de jeter un oeil sur la conviction investie de Harvest Moon, dont on ne connaîtra rien à l’avance du drame qui se joue dans cette salle à manger pourvue d’une vitrine renfermant les mystères d’une collection de verre en cristal, pour deviner dans cette transfiguration, une échappée en solitaire vers des galaxies meilleures.
Le phénomène fascine. Non pas l’objet de fascination comme étude empirique de « l’être à part » inventé par la création de David Bowie, mais le rapport au fascinant, la fascination fascinée. De ce probable Illinois où il exerce en secret seul face à sa caméra numérique, témoin complice d’une évasion offerte à cette fenêtre ouverte sur la globalité du monde, Harvest Moon donne à voir l’autre partie d’un lui-même inaccompli. Dans une autre vie, il aurait été, lui aussi une « Rock’N’Roll Star ». Pour le moment, c’est un agent comptable qui nous fait croire à la possibilité d’un « Il », une identité neuve… Chut.
L’expérience du metteur en scène de théâtre à ce moment de son histoire, assiste à cet autre interprétant l’Autre. Ce « moi » metteur en scène se reconnaît précisément là, dans l’impossibilité de son ubiquité. Cet Autre joué par un autre n’est autre que ce « lui », encore metteur en scène dans son histoire arrêtée. Ziggy Stardust l’a mené sur les champs de son expérience. Tout son travail de théâtre aura versé vers le trou noir dans lequel Ziggy aura montré la lumière. Une étoile suspendue comme d’autres portent des éléphants à leur cou.
A un moment où les doutes d’un théâtre à inventer pérennisent une certaine angoisse du temps figé, il était temps non pas de lui rendre hommage, mais de le retrouver avec ce « nous » réunifié. Tous ceux qui à travers leurs vies dissoutes auront permis à Ziggy de se cacher, les « posteurs » de Youtube, les collectionneurs « fous », les arpenteurs infatigables de Heddon Street, les « lad in sane »…
Enfin le souvenir de cette répétition sur Elephant People où justement puisqu’il s’agissait de répéter, je me trouvais dans l’impasse de l’instant qui s’échappait parce que trop renouvelé, incapable d’être à la luminescence du présent. Et puis, j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust. »
Renaud Cojo, fin mai 2008.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris