Il ne restera rien de mon espèce, de mon espèce à moi, dans quelques années, aucune plume, aucune patte, aucune trace, juste l’absence de quelques grains de neige sur l’écran noir…
Le dodo est une des créatures les plus singulières et les plus étonnantes qui ait jamais vécu. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Une tête desséchée, le squelette d’une patte et quelques lambeaux de peau peut-être à Oxford… Il faut hélas se rendre à l’évidence : cet être si original et merveilleux, cette créature inoffensive qu’était le Dodo, a bel et bien disparu à jamais. À jamais… Cela donne presque la chair de poule, mieux encore la chair de Dodo, cette chair qui paraît-il n’était pas tout à fait comestible.
Je suis un Dodo, je suis à moi tout seul une espèce en voie de disparition. Cette fameuse espèce qui à la naissance faisait 4 kg 333, qui ne possède aucune photo de ses six premières années, qui aime depuis toujours la glace à la fraise, les escargots à n’importe quelle heure et qui se réchauffait le coeur à la vue des pirouettes d’Achille Zavatta…
Je suis un Dodo, c’est sûr, je vois bien que mes grosses plumes se ternissent petit à petit, que la mare aux songes, l’endroit d’où je viens s’éloigne peu à peu. Mon bec de clown ne fait plus pouét-pouét et je ne suis ni près pour le grand sommeil ni d’accord pour l’insomnie sans fin… Je veux pour l’instant picorer la neige blanche qui scintille sous le verre de la télévision, jouer aux osselets et colin-maillard en même temps, tant que c’est possible.
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