Secrets de famille sur fond de guerre
La brèche du passé
Destins de harkis
Dans un petit village français au début des années quatre-vingt, le jour des morts, deux frères et une soeur se réunissent autour de leur mère. Ils s’apprêtent à se rendre sur la tombe de Maurice, le père, dont la photographie trône au salon.
Djalil, le plus jeune frère, se fait attendre. On est sans nouvelles de lui depuis des mois… Le voilà qui arrive du bled, cette terre où ils sont tous nés et que les événements d’Algérie leur ont fait quitter précipitamment vingt ans plus tôt. Il a revêtu l’uniforme que portait leur père pendant la guerre. Il a retrouvé le journal que tenait Maurice…
Sur fond de guerre et de luttes fratricides peu à peu remonteront au jour une faute cachée, des secrets enfouis… Pour certains des personnages, le dénouement sera impitoyable…
La metteur en scène Marion Suzanne, appartient à La Nouvelle Compagnie actuellement en résidence à La Scène Watteau. Elle décèle dans cette pièce les questions centrales qui évoquent la tragédie grecque : les personnages s’interrogent sur leurs origines ; leur a-t-on menti sur leur ascendance ?
Frères du bled est la pièce lauréate du concours 2004 organisé par La Scène Watteau : “Théâtre du XXIe Siècle”.
Une des grandes forces de la pièce est l’alternance du passé et du présent, visible pour le spectateur. Riche de son expérience du cinéma, l’auteur utilise la technique du flash-back.
Chaque fois que Djalil et François, les deux frères, Jasmine leur soeur, et leur mère, se penchent sur le journal de Maurice, s’ouvre la brèche du passé. Revit alors sous nos yeux ce père, né de parents colons installés en Algérie depuis trois générations, et son meilleur ami connu sur les bancs de la communale : Abdalah, un arabe. Comment vivre ensemble ce tournant des années 60 en Algérie, quand l’un est arabe, l’autre européen ?
Les flash-back nous révèlent petit à petit ces événements depuis toujours ignorés par les enfants de Maurice mais qui ne sont pas sans répercussion sur leur vie… Maurice et Abdalah, empêtrés dans une guerre qui anéantit leur amitié, comme s’ils ne pouvaient plus vivre sans s’aimer, trouveront chacun une fin différente mais violente… Mais grâce à la vérité enfin connue, François, Jasmine et Djalil seront les enfants d’une reconstruction.
Derrière les destins individuels, se profilent ceux de toute une population : les harkis, pris dans un étau, amoureux de cette terre africaine mais sacrifiés à l’indépendance de l’Algérie. Il est utile de rappeler que les musulmans qui servirent dans l’armée française, et leurs familles, que l’on a appelés harkis, subirent de sanglantes représailles à l’indépendance en 1962. On a estimé que près de cent mille personnes y laissèrent la vie. Quant aux Français rapatriés, ayant perdu toutes leurs terres, ils durent se reconstruire une vie en métropole, transitant par des camps d’accueil, dans une indifférence quasi générale. Arrivés aux alentours de cent mille à la fin de la guerre, ils connurent une forte natalité.
La mère et ses trois enfants que nous voyons dans la pièce vivre dans un village français forment une partie de cette population d’aujourd’hui estimée à quatre cent mille personnes.
Il ne faut pas révéler ici tous les fils qui tiennent le spectateur en haleine. A la dernière minute de la pièce, un noeud se dénoue encore. Une vérité de plus, dérobée aux personnages pendant tant d’années, les allégera, sera un tremplin pour leur avenir… Peut-on voir dans cette quête des personnages l’illustration de ce proverbe africain souvent cité en ces temps où, femmes et hommes, nous nous interrogeons plus que jamais sur nos racines : “si tu ne sais pas où tu vas, n’oublie jamais d’où tu viens” ?
C’est la petite histoire qui nous fait pénétrer dans la Grande Histoire. Les états de guerre inspirent souvent aux artistes ces récits aux intenses déchirements d’amitié. En décrivant une famille de harkis sur deux générations, celle d’Algérie puis celle des enfants ayant grandi en métropole, Christophe Botti nous fait songer à deux oeuvres que les confl its armés du vingtième siècle ont déjà inspirés : L’ami retrouvé de Fred Uhlman, et Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor, sont deux tragédies nées sur fond de guerre mondiale. Y prédomine l’amour du pays natal et la terre est le berceau d’un lien profond entre deux êtres.
Un grand merci à Théatre online de nous avoir offert ces places « frères du bled » une pièce profonde , intelligente et magnifiquement interprété. Il est heureux de vivre des bons moments comme celui-ci. Félicitations à la mise en scène et aux acteurs. BRAVO !!!
Un grand merci à Théatre online de nous avoir offert ces places « frères du bled » une pièce profonde , intelligente et magnifiquement interprété. Il est heureux de vivre des bons moments comme celui-ci. Félicitations à la mise en scène et aux acteurs. BRAVO !!!
Place du théâtre (quartier de la Mairie) 94130 Nogent-sur-Marne
Voiture : Autoroute A4, au niveau de la Porte de Bercy en venant de Paris, prendre la sortie n° 5 “Nogent-sur-Marne”, rester sur la voie de gauche.