La vie de loup
Trois récits issus de l’imaginaire médiéval
La messe des loups
Fenrir, le loup céleste
Le bisclavret
La musique
La presse
Parfois, pour des raisons mystérieuses, des êtres humains se transforment en loup. La vie de loup, pour un homme qui ne le désire pas, est une vraie vie de chien.
Comment un jeune homme obligé de se transformer en loup pour trouver le remède à la maladie de son père assiste, la nuit de la Saint Sylvestre, à une étrange cérémonie de meute. (La messe des loups : conte de Gascogne).
Comment Fenrir, le géant-loup, parvient à patienter une éternité, emprisonné par les dieux, et s’élance, enfin délivré, pour détruire le monde, en le dévorant. (Fenrir, le loup céleste : mythe nordique)
Comment un jeune chevalier, trompé par sa femme et condamné à errer dans un corps de loup, se venge et obtient sa délivrance en demandant protection au roi lui- même. (Bisclaveret : lai de Marie de France).
Un spectacle poétique et musical, conté et chanté. La harpe celtique, les percussions, les voix évoquent les errances sauvages, les multiples transformations pour le retour final à l’état humain.
La messe des loups : conte de Gascogne collecté par Jean-François Bladé
Probablement issu de la pensée Cathare, ce conte décrit comment un jeune homme, pour guérir son père d’une terrible maladie, doit se transformer en loup, puis assister à une messe secrète, voler la queue du curé-loup, afin d’en extraire un breuvage.
Ce récit commence donc comme un conte populaire, pris en charge par les deux conteuses qui improvisent la parole, dans le style d’une veillée, simple, sobre et joyeux.
Puis vient le moment de la cérémonie proprement dite. Dans le conte original, elle n’est pas décrite. Nous avons choisi de la développer. Que peuvent célébrer les loups ? Cette nuit là en particulier… Le renouveau de la forêt et de l’année, au cœur de l’hiver, d’une part (Sylvestre veut dire forêt, et puis cette fête signe le renouveau de l’année dans le cycle des 12 jours célébrés au moyen âge : les 12 jours entre Noël et Épiphanie), d’autre part, la fonction génératrice du prédateur qu’est le loup (en détruisant, il régule et participe de la régénération du monde). Les loups sont donc bien placés pour célébrer en conscience la mort de l’année, et son renouveau.
Le sermon du curé-loup, est traité musicalement et verbalement dans l’esprit de la fête des fous du moyen-âge, de la fête des loups…
Chaque peuple a son mythe fondateur qu’il célèbre à ces moments rituels qui signifient le changement d’un cycle. Quel pouvait être celui des loups ? Le Mythe de Fenrir : loup du Crépuscule des Dieux de la mythologie nordique, qui en participant à la destruction du monde ancien, permit l’émergence du nouveau cycle.
Ainsi, au cœur du conte populaire s’immisce un mythe…
Fenrir, le loup céleste : épopée Nordique
C’est la harpe du musicien qui donne le ton. Un récit épique, en vers, comme il se doit. Une mélopée parlée, relayée par les deux conteuses, immobiles.
De la naissance de ce loup, géant puissant et féroce, aux stratagèmes des dieux qui, avec l’aide des nains forgerons, tenteront de l’emprisonner. Mais Fenrir attend, il attend la fin des temps. C’est alors le Crépuscule, le chaos des mondes, le combat final. Fenrir rompt sa chaîne et dévore le monde, les terres s’engloutissent, l’obscurité règne. Odin, le père des dieux est mort, Fenrir meurt à son tour, le bien et le mal sont morts. Alors, du milieu des mers, dans une forêt restée hors du temps, naîtra le monde suivant, le nôtre.
Adapté des écrits médiévaux (la Völuspa entre autres), ce récit est empreint d’un souffle poétique et prophétique incomparable.
Retravaillé dans une langue contemporaine, nous tentons de nous rapprocher de la fonction poétique telle qu’elle semblait être défendue par le poète médiéval. Tout d’abord fonction musicale et vibratoire de la parole, renforcée par présence permanente de notre harpe qui déroule un mode, improvisant sur celui-ci.
Puis, conception poétique, liée à la fonction prophétique, consciente de mettre en avant des symboles universels, touchant au plus intime de
l’humain.
Par cette histoire haletante et sombre, par la musique qui la porte, la parole proférée, simple et chantée en même temps, le public est emporté dans un rêve éveillé.
Après cette incursion du mythe, l’histoire populaire de la messe des loups se résout simplement par la réussite notre héros homme-loup dans son entreprise, son retour à l’état humain et la guérison de son père.
Le bisclavret : lai de Marie de France
Une histoire d’homme transformé en loup. Un chevalier et son épouse s’aiment de grand amour. Mais lui a un secret : il disparaît plusieurs jours par semaine sans jamais rien dire de ce qu’il fait. La femme s’inquiète et, à force de persuasions, l’incite à dire la vérité. Son mari est un Bisclavret (un loup Garou en breton). Effrayée, elle n’aura de cesse que de s’en débarrasser. Trahi, le chevalier est condamné à demeurer loup pour toujours. Pourtant, il saura trouver protection auprès du roi lui-même. Comment retrouvera-t-il son humanité perdue ?
Ce poème-chant du XIIIème siècle, traduit par nos soins, amène une fraîcheur nouvelle au parcours. Nous avons gardé le rythme octosyllabique des vers de Marie de France tout en préférant jouer sur les assonances et consonances que sur la rime.
La simplicité de l’histoire est mise en vers avec légèreté. Les paroles des conteuses s’ornementent de chants, de parlé chanté. Dans l’esprit des troubadours, richement accompagné de musiques - toujours modales - à la harpe, et aux percussions, nous retrouvons une naïveté compatissante et rieuse à la fois.
Nous retrouvons l’idéal courtois, la matière de Bretagne, l’évidence d’une histoire d’amour et de trahison. A la fois populaire et lettré, clair comme un rayon de jour, ce conte est comparable à une rose offerte.
Nous sortons de ce voyage à travers les métamorphoses, sereins et réjouis.
Improvisation et modalité. Afin d’être en accord avec l’imaginaire du Moyen Âge, source de ces histoires, le choix a été fait d’une musique modale d’inspiration médiévale et traditionnelle. Il ne s’agit pas là d’interpréter des répertoires, mais plutôt d’en dégager les principes essentiels, pour donner naissance à des mélodies simples qui permettent l’improvisation, n’imposant ainsi, à la parole, aucune contrainte de temps. Notre musique est créatrice d’ambiances riches et subtiles qui sont autant d’espaces vierges où la parole porteuse de sens peut s’exprimer en toute liberté.
« Une union des plus réussies d’ailleurs, puisqu’il paraissait évident à la fin de la soirée que la participation du musicien Jaufré Darroux, avec sa harpe, sa flûte harmonique et sa cithare hongroise, renforçait indéniablement la poésie du récit des deux conteuses, Sylvie Delom et Sowila Taïbi. La magie des histoires a aussi trouvé une alliée de taille dans la voix cristalline de cette dernière conteuse et ses improvisations de chansons en langue d’oïl… » Patricia North, Dernières nouvelles d’Alsace, le 11 05 2003, Festival « mille et une oreilles » à Strasbourg, 67
« Samedi dernier dans le cadre du festival de conte du Trait, le château du Taillis accueillait le spectacle Garou ledit des hommes loups. Les contes étaient donnés par Sowila Taïbi et Sylvie Delom avec à la harpe celtique, à la flûte harmonique et à la cithare hongroise, Jaufré Darroux. Tous trois sont de talentueux artistes. L'Interprétation fût de qualité irréprochable. Les contes et les chants dominent un environnement musical adapté à l’exigence des personnages évoqués. Leur présence rayonne sur le public venu très nombreux dans le petit théâtre du château qui ce soir là était transformé en étrange « messe des loups »… » Festival de contes du trait, Le Trait, 76
8, rue de Nesle 75006 Paris