« Ce spectacle raconte l’histoire d’une vocation. C’est aussi l’histoire de la vie d’un homme. Je l’avais écrite, il y a plus de trente ans, pour la raconter au public non pas à travers le Théâtre, mais comme une sorte de roman de mots et d’images : surtout d’images. Mais les pages sont restées des pages, enfermées dans un tiroir. Cette histoire, je n’ai pas réussi à la faire naître avec les moyens pour lesquels je l’avais imaginée. Aussi, bien des années après, je me suis demandé pourquoi je ne pourrais pas la raconter avec le Théâtre.
Le Théâtre peut tout. Et la vie de Carlo Goldoni est une Vie tout entière de Théâtre, tout entière dans le Théâtre, tout entière pour le Théâtre. Il ne s’agit pas d’une biographie. Ni d’un essai critique. Ni d’une comédie. C’est tout cela en même temps. Mais surtout, c’est un geste de gratitude envers celui qui a créé le théâtre italien en lui montrant la voie la plus vraie.
Tout est vrai et tout est inventé. Tout est imaginaire et réel en même temps. Je ne sais pas. Mais je suis sûr que la vie de cet homme fut aussi celle-là. Mon récit ne la trahit pas dans son fond le plus secret, par-delà le temps.
Giorgio Strehler
À l’occasion du Tricentenaire de la naissance de Carlo Goldoni (Venise 1707-Paris 1793), Giorgio Ferrara a choisi de mettre en scène le texte de Giorgio Strehler écrit à partir des Mémoires du dramaturge vénitien : une façon de rendre aussi hommage au fondateur du Piccolo Teatro de Milan, mort, il y a dix ans en décembre 1997. On sait que Strehler fut à l’origine de la redécouverte de Goldoni à travers des spectacles emblématiques comme Arlequin serviteur de deux maîtres, La Trilogie de la Villégiature, Barouf à Chioggia ou Le Campiello.
Le travail sur les Mémoires fut d’abord pensé comme un scénario, Strehler décida plus tard d’en faire une adaptation théâtrale qu’il aurait dû mettre en scène pendant la saison 97-98 au Piccolo. Mais la mort ne lui en laissa pas le temps. À travers l’itinéraire de Goldoni, de Venise à Paris, dans lequel il se reconnaît, Strehler parle aussi de son propre parcours d’homme de scène. Il propose une forme de théâtre-récit qui exalte les rapports entre le monde et le théâtre, la mémoire, la création scénique dans ses difficultés, ses bonheurs éphémères et éternels : c’est tout cela que Giorgio Ferrara a voulu privilégier dans son spectacle.
Myriam Tanant
Traduction et adaptation : Myriam Tanant.
31, rue de la Gaîté 75014 Paris